Collectif

Avec les contributions de Michèle Knuchel-Bossel, Caroline Bell, Jean Chocat, Marc Thiébaud, Pierre Cieutat, Philippe Péaud, Denis Loizon et Patrick Robo

 

Résumé

Ce texte présente des témoignages et réflexions autour de la question de l’utilisation des techniques de l’entretien d’explicitation dans les groupes d’analyse de pratiques (APP). Ils sont issus d’échanges développés à distance au sein du réseau GFAPP (groupe de formation à et par l’analyse de pratiques professionnelles). Ils mettent en évidence l’utilité de développer dans les groupes d’APP la capacité à utiliser le questionnement d’explicitation pour décrire le déroulement de l’action et la pratique de l’exposant. Un tel apprentissage se fait dans la durée. Il s’agit en particulier d’être attentif à la nature des verbalisations (plutôt qu’à leur contenu) et de travailler à la formulation des questions. Les bénéfices sont multiples : soutien à la mise en récit, précision des informations qui accroît la richesse des hypothèses de compréhension, réduction de la tendance à faire des interprétations ou suggestions, etc.

Mots-clés 

entretien d’explicitation, technique, questionnement, apprentissage

Catégorie d’article 

Témoignage ; techniques et outils au service de l’analyse de pratiques professionnelles

Référencement 

Collectif. (2019). Echanges en lien avec l’utilisation de techniques de l’entretien d’explicitation en APP. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, No 14, pp. 120-129. http://www.analysedepratique.org/?p=3192.


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Exchanges related to the use of clarifying interview techniques in PPA

Abstract

This text presents testimonies and reflections about the question of the use of clarifying interview techniques in professional practice analysis groups (PPA). They come from exchanges developed from afar within the GFAPP network (training group for analysis of professional practices). They reveal that, while it doesn’t make any sense to conduct an individual clarifying interview as it is in PPA, it is useful to develop the ability in the group to use clarifying questioning to describe the course of action and the expounder ‘s practice. Such learning takes place over time. In particular, it is a question of being attentive to the nature of verbalizations (rather than their content) and of working on the questionning formulation. The benefits are many : support for storytelling, accuracy of information that increases the quality of the understanding assumptions, reducing the tendency to make interpretations or suggestions, etc.

Keywords

clarifying interview, technical, questioning, learning


 

Les témoignages et réflexions ci-après sont constitués d’échanges développés en novembre 2018 au sein du réseau GFAPP[1] autour de l’utilisation des techniques de l’entretien d’explicitation en cours de séance d’analyse de pratiques professionnelles (APP). Ces échanges ont été initiés par des questions soulevées par Michèle Knuchel-Bossel, organisatrice d’une journée d’étude consacrée aux techniques de l’entretien d’explicitation[2] dans les groupes d’APP. Les lecteurs intéressés peuvent lire le compte-rendu de cette journée dans Knuchel-Bossel (2019).

Les échanges sont présentés dans le respect de leur chronologie et sans modification. Les contributeurs en ont accepté après coup la publication telle quelle, alors qu’ils avaient produit leurs réflexions sans penser que celles-ci pourraient être publiées. L’équipe éditoriale a souhaité conserver un texte qui témoigne de la spontanéité qui a prévalu dans l’écriture, étant entendu qu’un soin différent aurait pu y être apporté si l’idée d’une publication avait été envisagée au moment où les échanges ont été initiés.

Michèle Knuchel-Bossel
michaela.knuchel-bossel@hep-bejune.ch

J’ai vécu une journée autour de l’utilisation d’outils de l’entretien d’explicitation (EdE) en APP et je serais très intéressée par les expériences que vous avez faites dans ce domaine. Auparavant, je me représentais difficilement comment utiliser l’EdE en APP de groupe. Je ne me représentais l’EdE que comme un entretien formalisé entre deux personnes – même au sein d’un groupe. Mais j’ai vécu autre chose, une fluidité dans le questionnement EdE parmi d’autres questions, une non-exclusion des autres participants. Il est vrai que l’expérience en EdE joue un rôle déterminant. Et la « formation » du groupe à l’EdE est un enjeu – et un défi – de taille !

Après avoir suivi une formation de base de 10 jours en entretien d’explicitation puis de cinq jours en EdE pratiquée en groupe, je restais dans une grande incertitude quant à l’utilisation de l’EdE en analyse de pratique professionnelle. Ce qui me perturbait, c’est le côté très formalisé de l’EdE, avec demande d’accord, formule pour l’entrée en évocation, etc. En même temps il me semblait qu’un EdE ne pouvait exister sans ces éléments.

Durant cette journée, suite à une des deux APP que nous avons vécue, une observatrice experte en EdE a apporté en méta des éclairages (sur l’importance de se centrer sur un moment spécifié, durant lequel l’exposant a commis une action) voire des consignes de formulations (par exemple « vos prochaines questions commenceront par les mots que l’exposante a prononcés : à ce moment, quand j’ai fait… »). L’option choisie a donc été de centrer les questions sur le moment spécifié, sous l’impulsion des participants familiers de l’EdE. S’il y a eu dialogue, il était de courte durée, maximum deux ou trois questions.

Il a été très formateur pour moi de vivre ces deux APP et je reste avec des questions en chantier :

  • Quelles expériences faites-vous avec l’EdE ? Une phase de dialogue entre l’animateur B et l’exposant A ? De quelle durée et avec quels effets sur les autres participants ? Des questions EdE posées exclusivement par l’animateur mais égrenées au fil de la phase de questionnement ? Des questions EdE posées par tous les participants ?
  • Comment vous y prenez-vous pour que les participants apprennent à poser ces questions d’EdE ? (Lorsque je parle de « questions EdE », je pense à la formulation au présent, à la reprise exacte des mots de l’exposant, à la centration sur le moment spécifié, etc.)
  • Comment gérez-vous la question de l’accord de A ? et des autres participants ?
  • Quels apports constatez-vous après une phase de questionnement incluant des outils d’EdE (hypothèses, pistes, bilan) ?
  • Quel vécu pour les autres participants ?

Caroline Bell
bell.caroline@free.fr

Je pratique une forme d’entretien d’explicitation avec les stagiaires que je reçois ou que j’accompagne. Je n’y suis pas formée. C’est un excellent outil d’analyse professionnel. Cependant, il convoque davantage les gestes professionnels investis, la manière de faire la classe qu’un événement problématique ou de réussite. Au sens où, en APP, il est souvent question de situation qui engage fortement émotionnellement. Les entretiens d’explicitation vont chercher à expliciter et à justifier les postures, les gestes professionnels investis. Ils vont permettre de mesurer l’écart entre le prévu et le réalisé. De plus, l’entretien d’explicitation se réalise entre deux individus. Il me semble difficile de le faire conduire par un groupe. Si un formateur est rompu à cette démarche, on pourrait imaginer un questionnement préalable par une seule personne. Le reste du groupe pouvant à l’issue poser d’autres questions de compréhension.

Michèle Knuchel-Bossel

Je ne comprends pas bien la distinction que tu fais Caroline entre EdE et APP quant au sens. L’APP ne sert-elle pas aussi à comprendre ses propres postures, à prendre conscience de ce qui amène à tel ou tel geste professionnel ? En ce sens, l’EdE peut être un outil pour approcher finement ces éléments. Avant la journée d’étude de samedi dernier, je me représentais difficilement comment utiliser l’EdE en APP de groupe, car, comme toi Caroline, je ne me représentais l’EdE que comme un entretien formalisé entre deux personnes – même au sein d’un groupe. Mais j’ai vécu autre chose samedi, une fluidité dans le questionnement EdE parmi d’autres questions, une non-exclusion des autres participants. Mais il est vrai que l’expérience en EdE joue un rôle déterminant. Et la « formation » du groupe à l’EdE est un enjeu – et un défi – de taille ! 

Jean Chocat
jean.chocat@orange.fr

Ayant moi même pu travailler en EdE, sans me situer dans une certitude de réponse, ce qui m’interpelle se situe sur deux points :

  • la question de la compétence du groupe à pouvoir accompagner le narrateur dans cette position d’évocation ; l’EdE demeure une technique rigoureuse nécessitant pour ma part un entraînement soutenu ;
  • et de ce fait, le risque de recentrer la dynamique des échanges entre deux personnes au sein du groupe d’APP avec l’illusion quant à penser qu’on pratique réellement l’EdE ; mais aussi, quelle place pour le processus d’intelligence collective et quelle position pour l’animateur au sein du groupe ?

Je trouve que ce sont deux dynamiques exploratoires certainement complémentaires mais pas si faciles à marier.  Mais c’est possible quand même.

Après se pose aussi la question du rapport aux dispositifs engagés, les assises théoriques et méthodologiques. Peut-être faut-il bien expliciter la finalité recherchée et en quoi l’EdE engage un processus de transformation dans la conscience de la pratique énoncée et son évolution. Je pense aussi qu’il faut avoir des groupes ayant déjà expérimenté l’EdE et ayant acquis des compétences en APP. Cela peut être intéressant de le mettre en expérimentation avec, comme on le pratique dans les séminaires du réseau GFAPP, un retour d’expérience sur la dynamique mise en jeu.

Marc Thiébaud
thiebaud@formaction.ch

Dans ma pratique d’animation de groupes d’APP, je favorise l’utilisation de différentes manières d’explorer la pratique analysée avec l’exposant. Je trouve toujours aidant de pouvoir approcher les aspects concrets de la pratique, de découvrir et déplier les actions, les perceptions, les ressentis, les intentions, les réflexions à la base des décisions prises, les enchaînements des actions et interactions, etc. … sous forme d’invitation, dans le respect de la personne, en s’inspirant possiblement de différentes techniques (EdE, questionnement systémique en lien avec les interactions, jeu de rôle (voir Muller, Bichsel et Thiébaud, 2016). Pour moi, il ne s’agit pas de pratiquer un entretien EdE (d’autant que je ne suis pas formé à l’EdE) ou un jeu de rôle en tant que tel, mais de faciliter un travail par le groupe qui soit aussi riche que possible (je privilégie quasi systématiquement les dynamiques d’intelligence collective). Avec le temps, je constate que exposants et participants apprennent à s’en inspirer, à partir de propositions/invitations qui peuvent leur être faites progressivement, et ils en apprécient les bénéfices.

Michèle Knuchel-Bossel

C’est bien de cette manière que je conçois l’apport des outils d’EdE en APP : approcher le concret de la pratique, aller chercher ce dont on n’est pas conscient, explorer les satellites de l’action tout en se centrant sur l’action elle-même. Mais l’EdE ne convient pas à toutes les situations présentées en APP et un des enjeux est de reconnaître quand l’employer. Tu utilises Marc un terme qui me plaît et qui correspond à ce que nous avons vécu samedi durant la journée d’étude : invitation. Empathie, contenance, respect du groupe et de l’animateur qui invitent l’exposant à explorer, à déplier et déployer sa pratique pour en prendre conscience. Je te rejoins, Marc, par rapport à l’utilisation adaptée des techniques mobilisées par rapport aux différents groupes et séquences d’APP que l’on anime.

Pierre Cieutat
pierre.cieutat@gmail.com

Je ne suis pas formé aux entretiens d’explicitation mais ce que j’en sais me fait apparaitre une différence irréductible avec l’APP car la démarche s’inscrit dans le champ de l’analyse de l’activité. Or dans cette dernière, on cherche en premier lieu à avoir une vision de la dite activité la plus proche possible de la réalité (entretien au sosie, vidéo, enregistrement, entretien d’explicitation).

Pour moi l’APP a pour matériau la narration du sujet telle qu’elle se fait au moment de l’APP. Le groupe cherche alors par des questions à se saisir de ce que l’exposant a voulu dire sans chercher une vérité hors du discours du sujet, ni même une vision commune. C’est cette matière avec ces évidences, ces contradictions, ces ellipses, ces flous, ces omissions, ces rajouts dont le groupe se saisit pour chercher à comprendre, de manière plurielle, ce qui pose problème à l’exposant à l’évocation de cette situation. Il le fait par l’émission d’hypothèses sur « comment on est arrivé là ». Ce « là » n’est pas le réel, il est la narration de l’exposant.

Quand on a des GAPP (groupes d’analyse de pratiques professionnelles) avec plusieurs personnes ayant vécu la même scène ou travaillant au même endroit, cela pose souvent des problèmes aux participants qui ne savent pas comment se situer. Ils ne voient pas les choses de la même façon, ou ils ont des informations qui n’ont pas été dites. Dans le groupe d’APP entre parents (les Groupes d’Analyse de Situations Parentales ; voir Cieutat, 2014) cela nous a même amené à la règle que nous évitons que les deux parents soient présents pour une analyse. Mon hypothèse est que l’exposant a peut-être besoin de cet espace de liberté dans sa narration. On est loin, selon moi, de l’intention de l’entretien d’explicitation.

Philippe Péaud
philippe.peaud@wanadoo.fr

Il faut savoir que je forme des formateurs à l’utilisation de l’analyse de pratiques et que j’anime des groupes d’analyse de pratiques rassemblant deux sortes de publics, des formateurs ou des enseignants.

Je réponds maintenant à tes questions, Michèle, à partir d’une expérience de plus d’une décennie d’utilisation de l’explicitation en analyse de pratiques. Dans le cadre des groupes d’entraînement à l’analyse de pratiques, je fais du questionnement d’explicitation un objet d’apprentissage pour le groupe. Je ne fais pas d’entretien d’explicitation en présence d’un groupe, j’apprends aux participants à utiliser ce questionnement. Faire un entretien d’explicitation en présence d’un groupe a pour conséquence de réduire la participation du groupe à l’observation de l’entretien, ce qui me semble contradictoire avec une des caractéristiques de l’analyse de pratiques en groupe : c’est qu’elle se fait en groupe.

Pour apprendre à utiliser le questionnement d’explicitation, cela suppose d’apprendre à écouter les verbalisations d’une manière bien particulière. Il ne s’agit pas d’être attentif au contenu des verbalisations mais à leur nature (commentaires, contexte, savoirs, buts, action) pour centrer le questionnement sur l’action (étapes de l’action, prises d’information, inférences à partir de celles-ci, prise de décision en lien avec ces dernières, croyances impliquées dans la mise en œuvre, etc.).

Pour cela, au départ, je fais construire un outil de repérage des différents types de verbalisation à partir d’une narration ; cet outil (co-construit par les participants à partir de ce qu’ils ont perçu dans une narration) est ensuite mis à l’épreuve au cours de l’écoute d’une autre narration et, surtout, au moment de la phase de questionnement. Des observateurs sont chargés de repérer les types de verbalisation explorés et de compter les questions posées selon les types de verbalisation visés. Tout ceci est ensuite exploité au cours du temps « méta ». Progressivement, les catégories et les indicateurs de verbalisation se stabilisent.

J’introduis progressivement les questions pour documenter les différentes catégories. Dans le temps « méta », un travail est réalisé sur les informations manquantes au regard de l’outil de repérage. Des formulations de question sont alors testées pour obtenir ces informations. Je fais utiliser le format des questions d’explicitation : reformulation en reprenant les mots du narrateur + question descriptive (« Comment… ? », « Qu’est-ce que… ? »), ouverte (pas de compléments d’objet après le verbe), universelle (questionnement sur ce que Vermersch appelle les « universaux de la structure du vécu » : étapes chronologiques, prises d’information, traitement). C’est un apprentissage qui demande du temps et de la répétition. Il se construit progressivement au cours d’une succession de cinq à six groupes d’analyse de pratiques, un par demi-journées. Il faut donc pouvoir disposer d’au moins trois jours de formation, rien que pour l’apprentissage de ce type de questionnement.

Comment gérer la question de l’accord de A ? et des autres participants ? Compte tenu de ce que je viens d’exposer ci-dessus, cela se gère dans le cadre « classique » de la mise en route d’un groupe d’analyse de pratiques. Les règles éthiques, déontologiques et sociales « habituelles » sont posées avant de commencer et, en tant qu’animateur, j’agis en garant du respect des règles posées (confidentialité, bienveillance, etc.).

Quels apports après une phase de questionnement incluant des outils d’EdE (hypothèses, pistes, bilan) ? Quand les participants commencent à faire preuve d’un peu d’habileté dans le questionnement, les effets produits sont la diminution progressive (voire la disparition avec certains groupes) des questions interprétatives, des jugements et des suggestions plus ou moins implicites de bonnes pratiques. Les hypothèses de compréhension sont plus riches car les données recueillies sur la pratique du narrateur (manières d’agir + règles d’action) sont plus précises, plus détaillées (« C’est comme si on le voyait agir » me disent souvent les participants). La définition de pistes d’action en est facilitée car le narrateur change de point de vue sur ce qu’il a vécu en intégrant toutes les nouvelles informations ; selon le témoignage de différents narrateurs, ce ne sont pas tant les hypothèses qui provoquent cela que les informations nouvelles et insoupçonnées au départ par le narrateur ; et cela leur donne des idées nouvelles pour agir (illustration de ce qu’écrit Vygotski (1997) : je vois différemment, j’agis différemment).

Quel vécu pour les autres participants ? Ils trouvent cet apprentissage difficile au début. Les contraintes posées progressivement (questions commençant par comment ou qu’est-ce que, absence de compléments après le verbe, exploration systématique) effraient certains dans un premier temps (pas tous, d’autres me disent que cela les rassure). Toutefois, les effets produits, ne serait-ce que lorsqu’un participant arrive à poser une question d’explicitation, les rassurent et les poussent à s’engager dans ce questionnement. Ce qui frappe beaucoup les participants, c’est le niveau de détails qu’ils obtiennent grâce à ce questionnement (cf. ci-dessus).

Denis Loizon
Denis.Loizon@wanadoo.fr

J’utilise l’Entretien d’Explicitation en tant que chercheur pour obtenir des données très précises, mais j’utilise aussi ces techniques dans des entretiens de conseil et dans les groupes d’APP pour mettre en œuvre des entretiens « non agressifs » (surtout dans les relations tuteurs – stagiaires). Les diverses techniques de questionnement issues de l’EdE transforment les relations et la posture de celui qui mène l’entretien.  Donc c’est très positif ! En groupe d’APP, ce mode de questionnement présente l’avantage d’affiner les descriptions issues des récits. Comme l’écrit Jean, ce sont effectivement des techniques complémentaires au service du développement de l’analyse.

Patrick Robo
patrick.robo1@outlook.fr

Je me retrouve évidemment dans tout ce qui a été écrit et qui distingue bien l’entretien d’explicitation de l’APP. Pour moi et contrairement à ce qu’avancent certains que j’ai pu croiser ou lire, l’EdE n’est pas une modalité d’APP, ce que confirment des « vermeschériens  validés » à qui j’ai eu l’occasion de poser la question. Par contre, ce que j’avance dans toutes mes formations à et par l’APP c’est qu’il me paraît nécessaire voire indispensable d’avoir un minimum de formation sinon d’informations sur ce qu’est l’EdE, sur ses techniques, et ce très particulièrement au service du questionnement de l’exposant·e.

La technique du questionnement en EdE, qui à la base est au service du recueil d’informations sur le déroulement de l’action d’un acteur, permet, dans le cadre d’une APP, d’en recueillir aussi sur la situation et sur la pratique professionnelle de l’exposant·e. Pour rappel, Vermersch précise que le but de l’EdE est l’explicitation du déroulement de l’action et que l’objet de l’entretien est l’action avec l’intention de trouver les logiques intrinsèques à la tâche et à l’activité réalisée. Donc une analyse de la tâche. Il donne donc ainsi le primat à la référence de l’action ; l’EdE est au service de la description et non de l’explication… et ce dans le cadre d’un duo (intervieweur et interviewé).

Dans l’évolution de sa démarche il précise aussi à quoi peut servir l’EdE (en duo), à savoir :

  • Permettre à « l’intervieweur » de s’informer sur comment s’est déroulé une action mise en œuvre par un acteur (« l’interviewé »). C’était l’objectif à l’origine de l’EdE.
  • Ou permettre à « l’intervieweur » d’accompagner l’acteur en l’aidant à conscientiser comment il s’y est pris, comment il s’y prend
  • Ou permettre à l’acteur d’apprendre à s’auto-informer sans l’aide d’un autre.

Personnellement, c’est en particulier le troisième point que je vise au sein d’un groupe d’APP dans le principe d’émancipation des acteurs, et ce tant pour l’exposant·e que pour les partcipant·e·s. Bien entendu, l’utilisation de techniques de questionnement de l’EdE par le groupe permettra à chacun de s’informer non seulement sur le déroulement de l’action mais aussi sur le contexte de cette action et sur la pratique de l’acteur. Cette utilisation permettra aussi d’aider l’exposant·e à prendre conscience de certaines choses sur l’action, sur le contexte, sur sa pratique et même sur lui/elle.

Mais comment s’y prennent les animateurs·trices sensibilisé·e·s aux techniques de l’EdE ? J’ai pu observer dans mon parcours plusieurs styles d’animateurs·trices s’autorisant à intervenir de temps à autres dans le temps des questions posées à l’exposant·e :

  • celui/celle qui utilise ces techniques sans le dire ;
  • celui/celle qui utilise ces techniques après les avoir explicitées en amont ou les signalant en temps méta ;
  • celui/celle qui invite les participants à utiliser ces techniques après les avoir explicitées ;
  • celui/celle qui met en place une démarche de formation à l’utilisation de ces techniques.

Je pense que nous pourrions poursuivre la réflexion menée ici en allant du côté plus pratique, à savoir comment l’animateur·trice d’un groupe d’APP s’y prend pour permettre aux participants d’acquérir, de développer ce que je nommerai « l’art du questionnement » en s’inspirant, se nourrissant des techniques de l’EdE. Ou autrement dit, comment l’animateur·trice, permet concrètement, pratiquement, à chacun·e dans le groupe d’acquérir et de s’approprier cette compétence du questionnement ?

Références bibliographiques

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http://www.grex2.com/assets/files/Dossiers/Dossier%20Analyse%20de%20Pratique%20Tome%201.pdf.

Balas, A. et Maurel, M. (1998 – 2009). Analyse de pratiques. Tome 2.
http://www.grex2.com/assets/files/Dossiers/Dossier%20Analyse%20de%20Pratique%20Tome%202.pdf.

Cieutat, P. (2014). Un Groupe d’analyse de Situations Parentales. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 5, pp. 60-73. http://www.analysedepratique.org/?p=1567.

Faingold, N. (1998). De l’explicitation des pratiques à la problématique de l’identité professionnelle : décrypter les messages structurants. Expliciter, 26, pp 17-20.
https://www.grex2.com/assets/files/expliciter/26_septembre_1998.pdf.

Knuchel-Bossel, M. (2019). Compte-rendu de la Journée d’Antenne Suisse Explicitation du 17 novembre 2018. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 14, pp 113-119. http://www.analysedepratique.org/?p=3192.

Lamy, M. (2014). Quels liens entre l’Entretien d’Explicitation (EDE) et les analyses de pratiques professionnelles (APP) en groupe ? In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 2, pp 50-58. http://www.analysedepratique.org/?p=1103.

Lamy, M. (2008). Quels liens entre l’entretien d’explicitation et analyse de pratiques en groupe ? http://probo.free.fr/textes_amis/lien_entretien_explicitation_et_app_en_groupe.pdf.

Legault, M. (2003 – 2009). Analyse de pratiques. Tome 3.
http://www.grex2.com/assets/files/Dossiers/Analyse%20de%20pratiques%20Tome%203%20Final.pdf.

Mouchet, A. (2018). L’expérience subjective en recherche et en formation. Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaire du Septentrion.

Muller, J.-L., Bichsel, J. et Thiébaud, M. (2016). Le jeu de rôle au service de l’analyse de pratiques. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 8, pp 17 – 30. http://www.analysedepratique.org/?p=2147.

Revue Expliciter. Grex (groupe de recherche sur l’explicitation). https://www.grex2.com.

Vermesch, P. (2013a). Comment est né l’entretien d’explicitation. Vidéo. https://www.youtube.com/watch?v=ISQKNR7lJgI.

Vermesch, P. (2013b). Les applications de l’entretien d’explicitation. Vidéo. https://www.youtube.com/watch?v=aYpC9s57mFQ.

Vermesch, P. (2011). L’entretien d’explicitation. Paris : ESF.

Vermesch, P. (1997). Pratiques de l’entretien d’explicitation, (en collaboration avec Maryse Maurel) Paris, ESF.

Vigotsky, L. (1997). Pensée et langage. Paris : La dispute (édition originale 1934).

 


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Notes

 

[1]  Groupe de formation à et par l’analyse de pratiques professionnelles ; voir https://www.analysedepratique.org/?p=3509.

[2] Initié par Pierre Vermersch (2011).