Jean Chocat

Cadre de santé – Formateur en soins infirmiers en IFSI, Limoges
jean.chocat[arobase]orange.fr


Résumé

La professionnalisation de la fonction d’animateur de groupes d’analyse de pratiques professionnelles (APP) est un véritable enjeu, et certainement l’un des facteurs favorisant l’efficience des séances d’analyse. Cet article, fondé sur une réflexion de l’auteur, présente une démarche personnelle de construction d’un projet et d’une offre possible de formation d’animateur en APP. Cette réflexion qui s’ancre dans le courant de la didactique professionnelle aboutit à la proposition d’une ingénierie qui peut être envisagée pour articuler la démarche de formation et la réalité de l’exercice professionnel de l’animateur en APP.

Mots-clés 

formation, animateur, professionnalisation, compétences, capacités

Catégorie d’article 

Texte de réflexion en lien avec la pratique

Référencement 

Chocat, J. (2018). Se former à animer un groupe d’APP : proposition d’un cadre pour un programme de formation. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, No 12, pp. 40-52. http://www.analysedepratique.org/?p=2867.

 


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Training to facilitate an APP group : Proposal of a framework for a training program
Abstract

Professionalizing the function of facilitating groups of professional practices analysis (APP) is a real issue, and certainly one of the factors conducive to the efficiency of the analysis sessions. This article, based on a reflection by the writer, presents a personal approach to building a project and a possible program for training facilitators in APP. This reflection, which is anchored in the stream of the professional didactics, leads to the proposal of a training engineering which can be considered to articulate the training process and the reality of the professional exercise of the APP facilitator.

Keywords

training, facilitator, professionalization, skills, abilities


 

Pourquoi cet article sur la formation des animateurs en analyse de pratiques professionnelles (APP) ? Un constat de départ : tout professionnel peut devenir ou se prétendre animateur de groupes d’APP puisqu’aucune certification ou formation validante n’est obligatoire. Pour autant, certains critères déterminent souvent le choix des animateurs d’APP par les institutions de formation, dans le monde professionnel :

  • la profession de l’animateur : un psychologue ou un psychanalyste pour ses compétences en matière de conduite de groupe, d’accompagnement et/ou de travail d’analyse ;
  • d’autres critères tels que : l’expérience antérieure en matière d’accompagnement de groupes d’APP et/ou le fait d’avoir suivi un cursus de formation à l’APP, la notoriété acquise dans la pratique d’animation ou par des écrits sur l’APP, la reconnaissance par une validation DataDock[1], l’obtention d’un numéro d’agrément délivré par DIRECCTE[2].

Compte tenu du développement actuel de l’APP à destination d’étudiants en formation ou de professionnels en exercice et des attentes d’efficience qui en découlent, le besoin de formations spécifiques à l’accompagnement de groupes est patent. Comme l’évoquent Etienne & Fumat (2014, p. 206) : « la présence d’une animatrice ou d’un animateur formé et compétent, voire entraîneur […] est une condition indispensable pour que le travail ne dérive pas vers l’inquisition, l’intrusion ou l’autocritique incontrôlée ».

Se pose alors la question de la formation de l’animateur à accompagner des groupes en APP : sur quelles bases repose-t-elle ? Ceci m’amène à poser trois questions. La première est relative aux cadres théoriques sur lesquels la formation peut s’appuyer, en adoptant un point de vue essentiellement pragmatique. La deuxième porte sur le contenu du référentiel de formation de la fonction d’animateur. La dernière questionne le « comment travailler » les contenus de ce référentiel avec les apprenants ainsi que les pratiques de formation qui peuvent être investies. J’aborderai ces trois questions en présentant les grandes lignes d’un projet de formation à l’animation de groupe d’APP.

1. La formation des animateurs en APP : sur quoi repose-t-elle ?

Le projet de formation que je propose suit la logique de professionnalisation de la fonction d’animateur et s’inscrit dans l’approche de l’ingénierie que proposent Jouquan et Parent (2015). En effet, j’ai choisi d’aller dans une autre direction que l’approche expérientielle que l’on retrouve fréquemment dans la formation des animateurs de groupes d’APP et de mettre à l’étude une approche qui élabore en préalable un curriculum précis et des modalités pédagogiques et didactiques, en cohérence avec l’approche de la didactique professionnelle[3] (Pastre, 2011).

1.1. Une mise en perspective avec la dynamique de professionnalisation

Peut-on être animateur sans avoir un bagage théorique et méthodologique ? La conduite d’un groupe peut-elle être réalisée seulement au « feeling », en fonction d’un ressenti sur la vie du groupe ? Je réponds pour ma part par la négative. L’animateur peut par exemple être mis en difficulté par le groupe, source de déstabilisation, d’incompréhension avec comme conséquences possibles une remise en cause du bien-fondé du dispositif d’APP, mais il peut aussi se leurrer à propos des effets sur la pratique professionnelle des participants avec un travail d’analyse peu productif.

Plusieurs points de vigilance aident à définir les conditions de l’efficience de l’intervention de l’animateur et la professionnalisation qui en découle :

  • L’investigation de ce qui est véhiculé par le dispositif d’APP permet d’en comprendre le sens car suivant les attentes, le groupe peut s’investir de différentes façons (un non intérêt, une « menace » potentielle, un espoir inconsidéré, etc.).
  • La place qui se construit et qu’occupe l’animateur au sein du groupe (je m’en suis souvent rendu compte) est un formidable catalyseur des tensions qui coexistent chez l’animateur et au sein du groupe. L’animateur ne peut faire l’impasse de s’interroger sur le sens que revêt pour lui le fait de s’investir dans cette posture d’animateur et sur les processus non conscientisés qui sont mobilisés. Eluder cela peut conduire l’animateur à se situer dans une posture trop directive imposant un pouvoir éventuel en lien avec le savoir professionnel qu’il peut détenir et le désir de maîtrise possible du groupe par exemple en termes d’investissement narcissique.
  • La difficulté de la part des participants à investir une vision multiréférentielle[4] et le défaut de mise en lien entre courants théoriques et expérience pratique peuvent entraver le travail d’analyse dans le sens d’une alternance intégrative[5].
  • La rencontre avec la singularité du groupe et la prise en compte des évènements particuliers pouvant survenir lors de séances d’APP (par exemple : un groupe non intéressé par ce temps d’analyse, mutique ou trop ancré sur des certitudes avec une difficulté à entendre la différence, etc.) sont essentiels.

Ainsi, l’accompagnement de séances d’analyse de pratiques demande une formation préalable afin de produire un cadre sécurisé et viser une efficience (situer judicieusement la portée du vécu, les enjeux, les freins possibles, la vie du groupe, la posture de l’animateur et les mouvements psychiques afférents, etc.).

De ce fait, relier la formation de l’animateur à la question de sa professionnalisation semble plus que pertinent. Comment définir ce processus de professionnalisation et sur quoi s’appuyer pour proposer à l’animateur une formation ? Vacher (2016, p. 93), reprenant l’approche de Wittorski, énonce les principes suivants : « En premier lieu, la professionnalisation des acteurs est orientée vers l’intervention professionnelle. L’action dans la situation professionnelle est au cœur du processus. Le deuxième élément se traduit par l’ancrage de la professionnalisation dans la pratique. De ce fait, le contexte réel d’intervention est un élément central du processus. […] L’élément suivant met en avant que la professionnalisation implique une activité réflexive. La réflexion est un vecteur de construction du lien entre savoirs théoriques et pratiques professionnelles créant ainsi des savoirs d’expérience conscientisés. […] Enfin, […] le processus se traduit par l’intégration de l’acteur à une communauté professionnelle qui est le fruit d’un développement historique (culturel, institutionnel, politique, etc.) ».

Compte-tenu de ces différents éléments, mon projet de programme de formation repose fortement sur :

  • l’ancrage et l’articulation du contenu de la formation avec l’exercice de cette fonction d’animateur en situation réelle d’accompagnement d’un groupe d’analyse ;
  • le positionnement de dispositifs pédagogiques visant l’alternance intégrative entre différentes sources de savoirs utiles dans le cadre de la conduite d’un groupe d’APP (théoriques, pratiques, expérientiels) ;
  • une dynamique de formation s’appuyant sur le socio-constructivisme, la confrontation à des situations didactiques et la réflexivité.
1.2. Les trois temps dans la construction du projet de formation  

Afin de rendre ce projet de formation opérationnel, je vais me baser sur les travaux de Parent et Jouquan, (2015, p. 24) qui portent sur :

  • l’ingénierie de projet : « Organiser l’interaction des différents acteurs et parties prenantes concernés par le programme, dans le cadre d’une démarche formalisée, dont les finalités sont rendues explicites » ;
  • l’ingénierie de compétences qui, selon les mêmes auteurs,: « consiste à organiser, sous la forme d’un référentiel de compétences, les pratiques professionnelles et les contextes d’exercice, en référence à des savoirs sous-jacents, dans le cadre d’une traduction didactique » ;
  • et l’ingénierie pédagogique qui « consiste à organiser les différentes activités d’enseignement, d’apprentissage et d’évaluation, dans le cadre d’une transposition pédagogique ».

En tenant compte des éléments significatifs cités précédemment, je déclinerai mon cheminement en trois temps, allant de l’intention de formation à sa concrétisation au travers d’un projet.

  • Temps n° 1: expliciter la spécificité de la fonction d’animateur ;
  • Temps n° 2: en lien avec la fonction d’animateur, expliciter les capacités[6] attendues sous la forme d’aptitudes mobilisables en situation réelle et envisager dans quelles situations prévalentes (celles que l’on rencontre couramment), se rapportant à la fonction d’animateur, ces capacités peuvent être travaillées (pour chaque situation, le résultat attendu sera explicité) ;
  • Temps n° 3 : proposer une approche pédagogique visant à acquérir lors d’un temps de formation les capacités attendues transférables ensuite en situation réelle d’exercice.

2. Contenu de formation dans le projet

2.1. Temps n°1 : la déclinaison et l’analyse de la fonction d’animateur

Afin de faire émerger la connaissance de cette fonction d’animateur de groupes d’APP, j’ai croisé, par le biais d’une revue de littérature, ce qui est énoncé par un certain nombre d’auteurs ayant publié autour de cette question et ce que j’ai pu mettre en lumière à travers ma propre pratique d’animateur de groupes d’APP en IFSI (Institut de Formation en Soins Infirmiers) et IFCS (Institut de Formation des Cadres de Santé) depuis 2007[7].

Il en ressort, pour cette fonction d’animateur, différentes questions.

  • La question du contexte d’intervention : l’animateur intervient généralement suite à une demande institutionnelle (centres de formation, lieux d’exercice professionnel), avec un appel d’offre plus ou moins explicite au sujet de la portée du dispositif d’APP et les attendus. L’animateur peut soit déjà travailler au sein de l’institution (par exemple : un cadre de santé formateur en IFSI qui anime un groupe d’étudiants en soins infirmiers appartenant au même centre de formation), soit être extérieur à cette dernière. Cela requiert une analyse préalable de la demande (voir Robo, 2017 et Thiébaud, 2017a) et une négociation sur les objectifs poursuivis, le rythme des séances d’analyse, le lieu, le cadre horaire, etc. Ainsi, l’animateur doit savoir développer la procédure de contractualisation et analyser une demande d’intervention institutionnelle en y répondant par un réel projet d’intervention. En plus de sa fonction d’animation d’un groupe, l’animateur peut devenir aussi un prestataire, porteur d’un projet/concepteur d’une offre singulière et adaptée à la spécificité de la demande. Par ailleurs, comme le mentionne Robo (2017), l’animateur va être confronté à la diversité dans la constitution des groupes. Robo en propose une typologie non exhaustive : groupe de participants volontaires, de non volontaires, groupe équipe, groupe dont les participants ne se connaissent pas, groupe néophyte en APP ou ayant déjà une expérience préalable, etc. Nous pourrions aussi y ajouter l’aspect de la possible co-animation des groupes d’APP[8].
  • La question du dispositif d’analyse et de son rattachement à des courants théoriques. De nombreux dispositifs d’APP existent, ce qui pose la question du lien entre la formation de l’animateur et le dispositif d’analyse investi par ce dernier. Je vais retenir comme dispositifs d’analyse de pratiques ceux qui s’inscrivent dans une filiation à la pratique réflexive à visée professionnalisante, en y associant le développement de capacités à analyser une pratique professionnelle, le tout en référence à une dynamique socio-constructiviste. Nous y retrouvons, très schématiquement, différents dispositifs (type GEASE[9], GFAPP[10], ARPPEGE[11], etc.) et un ensemble d’étapes, qui comportent : la proposition d’une pratique à exposer vécue par un étudiant et/ou professionnel en exercice, le choix par le groupe de l’une des pratiques proposées, sa mise en récit puis son questionnement par les pairs avec proposition d’hypothèses compréhensives. De cette filiation, nous retenons trois points significatifs : une démarche d’analyse visant pour les participants un processus de professionnalisation, une démarche objectivante et distanciée de la pratique et une analyse multidimensionnelle[12] et multiréférentielle.
  • La question de la dynamique d’analyse de pratiques : un certain nombre d’auteurs mettent fortement en évidence la question du développement du travail d’analyse de pratiques par les participants et la dynamique du groupe. Rebetez (2014) évoque « la création de conditions favorisant l’apprentissage» par le biais d’un travail sur le climat socio-affectif du groupe. Elle identifie neuf catégories de gestes que doit développer l’animateur, gestes relevant des attitudes à avoir vis-à-vis du groupe et des capacités à structurer le cadre de l’animation et à prendre en compte le groupe dans sa dynamique et son autonomie. Thiébaud (2015) parle du travail de facilitation des interactions et de l’implication des participants, de la mise à distance et du questionnement collectif. Selon lui, cela nécessite pour l’animateur de savoir analyser en continu ce qui se passe pour soi et dans le groupe. Je souligne aussi la capacité de la part de l’animateur à savoir gérer certains évènements pouvant venir entraver le bon déroulement de la séance d’analyse (groupe mutique, opposé au travail d’analyse, survenue de fortes émotions, etc.), et à ne pas être dans la maîtrise du groupe, en évitant le « sentiment de toute puissance » (Chocat, 2016).  Ce point interroge l’éthique de l’engagement et nécessite la clarification de sa position, de sa posture au sein du groupe et de la raison pour laquelle il souhaite devenir animateur. Ce point est repris par Vacher et Compère (2016) qui présentent la question de la bonne posture à avoir en tant qu’animateur : celle qui va permettre au groupe d’avancer, suivant une éthique en faisant preuve de bienveillance. Ce travail peut par exemple être réalisé en étant à l’écoute des phénomènes de transfert et contre-transfert, et par l’acquisition de connaissances en lien avec la dynamique de groupe incluant des repères théoriques de deux courants complémentaires, à savoir la psychosociologie et la psychanalyse.
  • La question du développement du savoir analyser : au-delà du contexte favorisant le travail d’analyse, l’animateur engage le groupe à développer le savoir analyser en accompagnant les participants dans un travail de co-construction et en inscrivant le travail d’analyse dans une approche multidimensionnelle et multiréférentielle. Ainsi, comme le mentionne Robo (2017), l’animateur présente au groupe de participants novices le dispositif d’analyse de pratiques. Robo précise que ce savoir analyser, une fois acquis, permet une autonomie face à de futures situations complexes à gérer au cours de l’exercice professionnel et en dehors d’un dispositif d’APP (prendre de la distance, apprendre à analyser une situation vécue, échanger au sein d’un collectif de travail, etc.). Cela nécessite de la part de l’animateur d’acquérir des connaissances en lien avec différents courants étayant en partie le travail d’analyse, par exemple : la psychologie du travail, la clinique de l’activité, la psychodynamique du travail, la sociologie des organisations, l’analyse institutionnelle, des points d’ancrage en psychanalyse, etc.
  • La question de savoir se former en continu à cette fonction d’animateur de groupes d’APP : Etienne et Fumat (2014) mentionnent le fait de savoir s’inscrire dans une démarche de formation, en développant la métaréflexion.

Je vais maintenant expliciter les capacités à acquérir et présenter les situations prévalentes dans lesquelles je propose de travailler ces capacités.

2.2. Temps n°2 : la déclinaison des capacités attendues et la question des situations prévalentes

En cohérence avec l’approche de la didactique professionnelle conduisant à l’identification de situations didactiques et d’invariants opératoires, je proposerai la déclinaison de capacités attendues et de situations dans lesquelles elles peuvent être mobilisées.

2.2.1 Capacités attendues

Quelles capacités à acquérir pouvons-nous retenir ? Je vais les décliner (sans prétendre à une exhaustivité) sous la forme de capacités à… et pour chacune d’elles, identifier les déclinaisons correspondantes en énonçant un verbe d’action et un complément.

Capacités à : Déclinaison de la capacité à :
S’engager dans la démarche d’animation d’un groupe d’APP et dans la posture d’animateur
  • Analyser sa motivation à être animateur
  • S’inscrire dans une démarche de formation continue
  • Analyser une demande d’intervention et y répondre
Accompagner le travail d’analyse en mobilisant la dynamique de groupe
  • Instaurer un cadre propice au travail d’analyse et à réguler les échanges
  • Accompagner les participants à mobiliser des techniques d’exploration de la pratique (reformulation, d’explicitation, de questionnement, etc.) et à investir des cadres d’analyse
  • Accueillir et répondre à la survenue d’évènements singuliers pouvant entraver la dynamique d’analyse
  • Évaluer l’évolution du groupe dans sa dynamique et ses capacités d’analyse de la pratique : du niveau de novices à celui de maitrise en APP.

 

2.2.2. Situations dans lesquelles mobiliser les capacités attendues

Je vais présenter, sans être exhaustif, des situations identifiées de cette fonction d’animateur. Elles devraient permettre de développer les capacités attendues, en situations d’application de cette fonction d’animateur, ce qui pourra secondairement favoriser le transfert en situation réelle.

Les situations spécifiques Quelles sont leurs caractéristiques ?  
Les situations d’accompagnement de groupes d’APP
Avant le début des séances d’APP, une demande institutionnelle d’intervention En lien avec la demande d’intervention, l’animateur engage auprès de l’institution et des participants une démarche de clarification de cette demande et négocie les modalités d’intervention : c’est la question de la contractualisation.

La conduite d’un groupe d’APP lors de la phase de découverte du dispositif d’analyse (stade de novice)

 

 

L’animateur explique au groupe le cadre du dispositif d’APP : finalité, sur quoi porte le travail d’analyse, les règles de fonctionnement du groupe, l’ensemble des phases en mettant l’accent sur la sécurité des participants.

Il favorise en montrant l’exemple le développement des capacités d’analyse (se situer dans une écoute active, expliciter, argumenter, établir des liens, etc.) et engage les participants à adopter des attitudes positives comme l’engagement, le respect du cadre, l’ouverture vers la différence que représente l’autre, à ne pas être dans la certitude.

Il favorise, au cours de la séance, des arrêts sur la performance produite par les participants, recherche la dynamique en cours, donne du sens et conduit le groupe, en fin de séance, à entrer en méta-analyse (voir Vacher, 2014),

Il analyse avec le groupe les effets perlocutoires[13] des consignes données par l’animateur, des questions posées et des hypothèses compréhensives énoncées par l’ensemble du groupe d’APP.

Il évalue en concertation avec le groupe la performance du groupe et sa progression et adapte son mode d’animation à cette évolution.

La conduite d’un groupe ayant une expérience en APP

L’animateur se centre sur le respect du dispositif, assure en concertation avec le groupe la transition des étapes, intervient peu et laisse le groupe développer le travail d’analyse.

Il permet en fin de séance un temps de méta-analyse.

Il évalue en concertation avec les participants la performance du groupe et sa progression.

Pour l’animateur, la situation de formation à l’accompagnement d’un groupe d’APP
La situation d’élaboration pour l’animateur d’un travail réflexif en supervision Accompagné d’un professionnel formé à la supervision, à distance de la séance d’analyse, l’animateur porte une réflexion sur son action en investissant une pratique favorisant la réflexivité.
Les situations où l’animateur doit gérer la survenue d’évènements particuliers
Le groupe en début d’APP ne propose pas de situation

L’animateur mobilise une pratique visant à accompagner le travail d’émergence d’une pratique professionnelle à exposer.

Il engage une activité de métaréflexion, permettant au groupe d’analyser leur engagement.

Il prend conscience de son mode de réponse au non-engagement initial.

Le groupe durant les phases n’entre pas en interaction constructive

L’animateur mobilise, en tenant compte des blocages possibles, une pratique visant à susciter des échanges au sein du groupe en allant vers le développement d’une intelligence collective.

Il engage un travail sur la métaréflexion au sein du groupe.

Il prend conscience de son mode de réponse au non-engagement lors des échanges.

Le groupe ou l’institution est en opposition au dispositif d’APP et le remet en cause

L’animateur doit accompagner le groupe ou l’institution à expliciter l’opposition, y apporter une réponse visant à repositionner le cadre de l’intervention et négocier une évolution possible.

Il prend conscience de son mode de réponse aux manifestations d’opposition.

La survenue de conflits au sein du groupe entre des participants

L’animateur resitue le groupe dans les règles attendues, assure la sécurité du groupe.

Il amène les participants à expliciter le conflit, accompagne le groupe dans une démarche d’évolution positive.

Il prend conscience de son mode de réponse au conflit.

La survenue au sein du groupe d’une manifestation de souffrance avec une réaction émotionnelle

L’animateur contient l’émotion, accompagne le groupe vers le développement d’un sens à ce qui est vécu,

Il prend conscience de son mode de réponse aux réactions émotionnelles et analyse en retour ses propres émotions.

 

2.3. Temps n°3 : vers un programme de formation à la fonction d’animateur de groupes d’APP

2.3.1 Les prérequis à la participation à la formation 

L’entrée en formation pourrait être décidée à partir d’un certain nombre de prérequis. Je peux citer les éléments suivants : être volontaire pour suivre cette formation, avoir une expérience en APP (soit en tant que participant, soit en ayant déjà participé à des temps d’animation), connaître en théorie ou par expérience le dispositif d’analyse, sa finalité, l’ensemble des phases et avoir ébauché un questionnement personnel sur le projet d’accompagner des groupes d’APP.

2.3.2 Projet d’un programme de formation

En cohérence avec la logique de professionnalisation que je vise, le programme est basé sur une approche privilégiant :

  • des temps de partage formatif, en investissant les expériences antérieures des participants, des revues de littérature, des apports d’experts et théoriques avec élaboration par le groupe d’un contenu théorique et pratique visant à étayer la pratique d’animation d’un groupe d’APP ;
  • des exercices d’entrainement, des mises en situation et des temps de simulation structurés autour de scenarios élaborés à partir des événements énoncés précédemment puis suivis de debriefing et conceptualisation ;
  • et, en intersession, des temps de transfert en situations réelles d’animation d’un groupe d’APP avec analyse en retour lors de la session de formation suivante et lien vers le projet de chaque participant.

Il est proposé un rythme de formation permettant un réel travail d’apprentissage, en tenant compte des contraintes actuelles en matière de mise à disposition des professionnels pour se former à cette fonction d’animateur et en y incluant le temps des trajets jusqu’au lieu de formation, les coûts de formation, d’hébergement.  De ce fait, plusieurs périodes de formation sont prévues, sur une durée globale de neuf jours organisés en trois sessions de formation de trois jours chacune.

3. Pour conclure

Je souhaite attirer l’attention sur l’importance, en tant qu’animateur, de se former. Accompagner un groupe d’APP peut paraître simple. Mais en réalité, la complexité des relations humaines, que ce soit dans le cadre des formations professionnelles ou dans le monde du travail et les enjeux portés par le dispositif d’analyse de pratiques rendent le travail de l’animateur plus complexe qu’il n’y paraît. Tendre vers la professionnalisation de cette fonction, c’est répondre à des exigences de qualité, de sécurité et d’efficience.

Ce projet ne prétend pas faire le tour de la question de la formation des animateurs de groupes d’APP. J’ai cherché à proposer un cadre cohérent allant de l’intention aux contenus puis aux modalités et concrétisation. Il est bien évident que plusieurs scénarii sont possibles en la matière et que cet article est conçu comme une invitation à réfléchir l’offre de formation.

Références bibliographiques

Chocat, J. (2016). La place de l’animateur comme chef d’orchestre du groupe d’analyse de pratiques professionnelles. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 7, pp 54-65. http://www.analysedepratique.org/?p=2054.

Compère, F. & Vacher, Y. (2016). Séminaire d’Analyse de Pratiques Pédagogiques : un dispositif particulier. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, No 9, pp 3-11. http://www.analysedepratique.org/?p=2293.

Etienne, R. & Fumat, Y. (2014). Comment analyser les pratiques éducatives pour se former et agir ?  Bruxelles : De Boeck Supérieur.

Parent, F. & Jouquan, J. (2015). Comment élaborer et analyser un référentiel de compétences en santé ?  Bruxelles : De Boeck Supérieur.

Pastre, P. (2011). La didactique professionnelle : approche anthropologique du développement chez les adultes. Paris : P.U.F.

Rebetez, F. (2014). Le rôle de l’animateur sur le climat socio-affectif comme condition d’apprentissage lors d’une APP. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, No 4, pp. 42-53. http://www.analysedepratique.org/?p=1383.

Robo, P. (2017). Vers un mémento pour mettre en place et démarrer un groupe d’APP… In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 10, pp 23-41. http://www.analysedepratique.org/?p=2433.

Thiébaud, M. (2015). Animer un groupe d’APP, ça s’apprend. Oui mais comment ? Retour sur des formations et l’expérience développées en Suisse. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 5, pp. 31-47. http://www.analysedepratique.org//?p=1681.

Thiébaud, M. & al. (2016). Devenir compétent dans l’animation de groupe d’APP. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 7, pp 28-53. http://www.analysedepratique.org/?p=2051.

Thiébaud, M. (2016). Co-animer un groupe d’APP : 1+1=… ? In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 9, pp 37-50. http://www.analysedepratique.org/?p=2271.

Thiébaud, M. (2017a). Mettre en place un groupe d’analyse de pratiques qui fasse sens et inspire confiance. Quels défis ? Quels repères ? Quels chemins ? In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 10, pp 9-22. http://www.analysedepratique.org/?p=2431.

Thiébaud, M. (2017b). Co-animer un groupe d’APP : quelles modalités de préparation et de mise en œuvre de la co-animation ? In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 11, pp. 4-17. http://www.analysedepratique.org/?p=2751.

Vacher, Y. (2014). Phase méta en APP… quels contenus, quelles fonctions ? In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 4, pp. 23-34. http://www.analysedepratique.org/?p=1379.

Vacher, Y. (2015). Professionnalisation, alternance et émergence de nouveaux savoirs dans la formation initiale des enseignants. Recherche et formation, 79, 91 – 102. En ligne URL : http://rechercheformation.revues.org/2461.

Vermesch, P. (2011). L’entretien d’explicitation. Paris : E.S.F.

 

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Notes

 

[1] Organisme qui valide la qualité des organismes de formation.

[2] Les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

[3] L’ancrage par la didactique professionnelle : approche visant dans le cadre de la formation professionnelle à analyser en première intention le travail en situation réelle afin de dégager quelles compétences sont à développer chez l’apprenant et comment les inclure dans un processus de formation.

[4] La multiréférentialité renvoie aux différentes références théoriques, conceptuelles, investies dans le travail d’analyse.

[5] L’alternance intégrative dans le sens d’une démarche visant à articuler différents lieux de formation et savoirs structurants la pratique professionnelle.

[7] L’analyse du travail réel par un seul animateur ne peut se suffire et il serait intéressant de compléter ceci par une recherche auprès d’autres animateurs et participants.

[8] Voir à ce sujet deux articles de Marc Thiébaud qui traitent de la question de la co-animation (Thiébaud, 2016 et 2017b).

[9] GEASE : Groupe d’Entraînement à l’Analyse de Situations Educatives (Etienne et Fumat, 2014).

[10] GFAPP : Groupe de Formation à l’Analyse de la Pratique Professionnelle (Robo, 2017).

[11] ARPPEGE : Analyse Réflexive de Pratiques Professionnelles En Groupe d’Echange (Vacher, 2014).

[12] La multidimensionnalité renvoie aux différentes dimensions (psychologiques, sociologiques, institutionnelles, etc.), aux différents facteurs de la pratique analysée.

[13] Les effets perlocutoires : il s’agit d’interroger la question des effets produits par les divers énoncés au sein du groupe. C’est notamment étudié dans le cadre de l’entretien d’explicitation développé par Vermesch (2011).