Anne-Claude Hinault
Sociologue intervenante et formatrice Association SAFIR – Sociologues associés pour la Formation, l’Intervention et la Recherche, Paris
ac.hinault@gmail.com
Résumé
Ce texte fait retour sur l’expérimentation d’un dispositif d’analyse des pratiques (APP) avec des conseillères France Services à la demande d’une collectivité territoriale. Il rend compte de la singularité d’une orientation sociologique en APP. Il montre l’usage qui peut être fait du matériau recueilli lors des séances d’élaboration de la pratique professionnelle, au service d’une lecture-diagnostic transversale. Cette lecture compréhensive resitue les épreuves vécues dans un milieu de travail organisé. Partagée avec les acteurs et restituée aux commanditaires, elle ouvre des voies d’étayage du métier à la main des professionnelles et des hiérarchies. Moins classique et balisée que les méthodes d’enquête, l’analyse des pratiques fait ainsi partie des dispositifs que peuvent mobiliser les sociologues dans une pratique d’accompagnement de collectifs.
Mots-clés
intervention sociologique
Catégorie d’article
Expérience pratique
Référencement
Hinault, A-C. (2025). Révéler et soutenir le métier. Retour d’expérience sur un dispositif d’analyse sociologique des pratiques avec des conseillères France services. Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 27, 65-78. https://www.analysedepratique.org/?p=6102.
Revealing and supporting the profession.
Feedback on a sociological analysis of practices with France Services advisers
Abstract
This paper looks back at the experimentation of a practice analysis scheme (PPA) with France Services advisers at the request of a local authority. It describes the singularity of a sociological approach to PPA. It shows the use that can be made of the material gathered during the professional practice development sessions, in the service of a cross-disciplinary reading-diagnosis. This comprehensive reading resituates the ordeals experienced in an organised work environment. Shared with those involved and reported back to the sponsors, it opens up ways of supporting the profession in the hands of professionals and hierarchies. Less traditional and less standardised than survey methods, the practice analysis is one of the tools that sociologists can use to support groups.
Keywords
sociological intervention
Revelando e apoiando a profissão.
Retorno sobre uma análise sociológica de práticas com consultoras de France services
Resumo
Este artigo faz uma retrospectiva da experimentação de uma análise da prática professionnelles (APP) com consultoras da France Services a pedido de uma autoridade territorial. Ele descreve a singularidade de uma abordagem sociológica do APP. Ele mostra o uso que pode ser feito do material coletado durante as sessões de desenvolvimento da prática profissional, a serviço de uma leitura diagnóstica interdisciplinar. Essa leitura abrangente ressitua as provações vividas em um ambiente de trabalho organizado. Compartilhada com os envolvidos e relatada aos patrocinadores, ela abre maneiras de apoiar a profissão nas mãos de profissionais e hierarquias. Menos tradicional e menos padronizada do que os métodos de pesquisa, a análise das práticas é uma das ferramentas que os sociólogos podem usar para apoiar os grupos.
Palavras-chave
intervenção sociológica
Introduction
Largement développés dans les milieux de l’enseignement (Altet, 2001), du soin et de l’intervention sociale, et donc des professions instituées spécialisées dans l’intervention sur autrui, les dispositifs d’analyse de pratiques se développent et se multiplient dans de nombreux champs de la vie professionnelle. Ils offrent un espace d’exploration et d’élaboration des pratiques professionnelles en groupe, entre pairs, sous l’égide d’un animateur garant du dispositif. Ils s’appuient sur des références théoriques, des dispositifs et des cadres méthodologiques variés (Giust-Ollivier et Oualid, 2015).
Depuis plusieurs années, des sociologues intervenants investissent ce dispositif dans une pratique d’accompagnement de collectifs pris dans des situations de crise ou de changement (Osty, Uhalde, 2007). L’analyse des pratiques peut en effet suivre une orientation intervenante, au sens où « un changement est visé, qui concerne non seulement les individus dans leur rapport à leur activité mais aussi le collectif auquel ils appartiennent et les structures organisationnelles au sein desquelles ils sont amenés à évoluer. » (Fablet, 2004, p.115). Elle est alors mobilisée à la fois comme un objectif pour les participants et comme un moyen pour recueillir du matériau.
L’intervention se situe à un double niveau.
- Au plan individuel, la visée est celle d’une réflexivité sur les situations de travail comme gage d’un déplacement possible dans la pratique, mais aussi dans le positionnement dans l’organisation ou dans les formes d’engagement au travail. Les questionnements et difficultés dont témoignent les participants sont resitués, à l’aide d’hypothèses et de référentiels sociologiques (analyse des organisations et de la gestion, des relations de coopération et de pouvoir, des identités et parcours professionnels) dans un milieu organisé qui soutient, équipe ou entrave la pratique.
- Au plan institutionnel, la visée est celle d’une régulation qui engage les professionnels et leur hiérarchie ou des représentants de l’institution dans une discussion sur les points critiques du fonctionnement collectif, en vue d’une amélioration. Ce temps de régulation vient après les séances d’APP et inscrit celles-ci dans une démarche intervenante plus globale. (Hinault, Osty, 2017).
La production d’une analyse sociologique post-APP constitue le miroir tendu aux acteurs pour soutenir leurs déplacements et apprentissages. Moins classique et balisée que d’autres pratiques sociologiques comme l’enquête ou l’étude, l’analyse des pratiques représente une formidable opportunité de recueil de matériau pour proposer une lecture secondaire, transversale et systémique, des situations individuelles explorées au cours des séances. Cette lecture restituée et mise en débat avec les professionnels concernés par l’APP puis avec les commanditaires du dispositif, peut susciter des prises de conscience et des apprentissages sources de changement.
Cet article rend compte, à propos d’une intervention récente, de cette orientation sociologique en analyse des pratiques. Un premier temps rappelle le contexte, la demande et le dispositif conçu pour y répondre. Un second temps rend compte de la problématique commune qui émerge au fil des séances et de l’interprétation sociologique qui en est proposée autour de trois registres d’appréhension d’un métier en émergence. Enfin, l’article témoigne des effets, pour les participantes et les commanditaires, de cette intervention par l’analyse des pratiques.
1. La demande et le dispositif
Le programme France services, initié en 2019, se déploie sur les territoires ruraux notamment, pour accompagner les usagers du service public dans leurs démarches administratives en ligne auprès d’un ensemble de 12 organismes publics partenaires (France Travail, Impôts, CAF, France Renov…). Piloté nationalement par une agence étatique, il est délégué à des institutions publiques (Mairies, MSA), associatives (centres sociaux) ou privées (La Poste), qui reçoivent une subvention pour mettre en place un binôme de conseillers/conseillères en charge d’accueillir et d’accompagner les usagers.
Ce métier est donc en émergence, tant par le fait que le réseau s’étoffe progressivement de nouvelles structures et conseillers et conseillères, que par sa singularité. Peu de repères institués existent pour définir les contours de ce métier « satellite » des institutions publiques dont il est censé déployer l’action sans faire institution lui-même.
Le Département X, comme collectivité territoriale, soutient depuis plusieurs années ce métier en émergence, en proposant différents types de retour d’expérience aux 28 professionnelles de son territoire. En 2024, le choix a été d’expérimenter un dispositif d’analyse des pratiques en groupe de pairs, pour permettre aux conseillères d’explorer ensemble des situations de travail qui suscitent du questionnement, de la difficulté ou du malaise. A travers cette commande, la référente fonctionnelle animatrice du réseau et la responsable des formations souhaitaient répondre au besoin d’un espace de parole pour déposer la charge émotionnelle liée à une relation de service qui affecte les professionnels (l’empathie pour les situations vécues par les usagers en situation de vulnérabilité, la peur en lien avec l’agressivité de certains usagers, sa propre colère à l’égard d’institutions partenaires muettes ou défaillantes…). Il s’agissait aussi pour elle de soutenir les professionnels dans la construction d’une juste distance dans la relation à l’usager, en évitant les risques de la confusion, de l’identification ou du faire à la place de. Enfin, il s’agissait de les aider à clarifier un champ de responsabilité cohérent par rapport aux moyens à leur disposition et d’apprendre à s’affirmer dans ce positionnement, face aux usagers, aux partenaires, à la hiérarchie.
Deux groupes d’une dizaine de conseillères ont été constitués et se sont réunis pendant 3h à échéance mensuelle. L’animation répond à un protocole classique en APP. Après le choix et l’exposition d’une situation, une phase de clarification ouvre aux questionnements du groupe. Une phase de formulation d’hypothèses, échos et résonances invite chacune à s’exprimer, avant le retour à l’auteure du récit. Les conditions de confidentialité, de suspension des jugements de valeur et d’implication sont énoncées pour créer un cadre propice à l’exploration de la réalité de travail. Les situations mises au travail dans ce cadre ont concerné des questionnements ou ressentis individuels relevant de la relation aux usagers, dans des configurations éprouvées comme des formes d’emprise, de dépendance, d’injustice, de débordement, de malentendu ou de mépris à leur égard. D’autres situations individuelles examinées ont concerné des vécus de fatigue ou d’épuisement, de lassitude et de colère, en lien avec des questions d’organisation du travail et de management défaillant ou absent.
Le souhait des commanditaires de faire un bilan de la démarche en fin de parcours a créé l’opportunité de proposer un temps de partage d’une analyse secondaire des séances. Un accord sur le processus a été construit d’emblée : une restitution de l’analyse serait faite à chaque groupe, ceux-ci ayant la main pour décider de ce qui pourrait être restitué, ou non, aux commanditaires.
Au plan pratique, chaque séance a fait l’objet d’une prise de notes complète par l’animatrice. Cette modalité a été discutée au cours de la première séance, pour valider l’accord des participantes. Le matériau recueilli à chaque séance a été ensuite retranscrit pour produire une lecture transversale et problématisée, mise en débat avec le groupe dans une séance conclusive. C’est une manière de faire retour au groupe d’une compréhension sociologique des dynamiques qui traversent le métier et plus seulement des situations individuelles. Cette restitution invite les professionnelles à se comprendre, par le biais d’une analyse extérieure, comme un collectif métier, inscrit dans des logiques organisationnelles et institutionnelles qui fabriquent des épreuves et offrent aussi des points d’appui à l’action. C’est aussi une manière de construire l’accord du groupe pour un partage de l’analyse avec le commanditaire, afin de soutenir l’appropriation de cette lecture. C’est enfin, pour l’intervenante, une manière de reconnaître ce que ces professionnelles engagent d’elles-mêmes dans l’activité, en termes de compétences et d’identité, là où les institutions les rabattent sur un rôle d’exécution et d’accueil.
2. Le métier à l’épreuve de la relation aux usagers : des malentendus sur le rôle
Ces séances d’APP sont traversées par un questionnement récurrent, transverse aux deux groupes, relatif au périmètre du métier. Les matériaux recueillis au cours des séances en témoignent : « jusqu’où on va ? », « Quelles sont les limites ? » A quel moment je peux dire non, refuser de faire ? » « Est-ce que ça fait partie de nos missions ? ». Un certain flou pèse sur ce qui fait partie ou pas du métier, en termes de tâches concrètes mais aussi d’implication. L’analyse des pratiques est un moyen pour saisir ce qui concourt à troubler ce périmètre du métier et en proposer une compréhension à partir d’une analyse secondaire du matériau recueilli.
La question des limites se pose en premier lieu dans le registre de la relation aux usagers. L’écart entre la définition prescrite et institutionnelle du travail – accompagner les usagers dans leurs démarches numériques en ligne pour un ensemble de partenaires identifiés, en s’en tenant à un « niveau 1 » et sans faire à la place des personnes mais en soutenant leur autonomie – et les situations qui se présentent dans le réel contribue à troubler le périmètre du métier. C’est que l’usager fictif, qui fonde la prescription du travail – un usager autonome qui aurait besoin d’un petit coup de pouce dans ses démarches numériques – a peu à voir avec les usagers réels qui se présentent aux guichets de France services.
« Le niveau 1, ce n’est pas très défini. Et puis ça dépend des personnes, nous on a un public très vieillissant. Le niveau 1 dit qu’on ne doit pas « faire à la place de » mais c’est impossible. »
Pour ces publics, le numérique ne représente pas une simplification des démarches mais au contraire une épreuve : il faut gérer les mails, se souvenir de son identifiant et mot de passe, installer un certificat électronique… La simplification promise par la digitalisation se révèle mensongère quand les usagers s’affrontent aux bugs répétés et aux barrières à l’entrée (posséder un ordinateur récent, un téléphone portable, une identité numérique…). Pour certains usagers, les compétences font défaut et « ne pas faire à la place de » est quasiment impossible. Pour les personnes les plus précaires et vulnérables, ces épreuves font obstacle à l’accès à leurs droits sociaux. L’accroissement de la précarité se traduit aussi par une multiplication des situations de vulnérabilité et des besoins d’accompagnement des personnes. Les séances d’APP ont été traversées par l’expression d’une certaine culpabilité liée au fait de dire non à des personnes en situation de vulnérabilité, dont on sait ou pense qu’elles ne trouveront pas d’aide par ailleurs :
« La balance est compliquée à tenir parfois. L’institution dit de s’arrêter à un endroit mais si on sait que la personne ne saura pas faire toute seule la suite ? Donc on fait. On serait en droit de dire « je ne fais pas », mais si on ne fait pas, qui le fera ? »
Par ailleurs, il peut y avoir de la confusion, pour les usagers, sur le type de service ou d’aide procuré par France services. La fermeture des guichets au sein des institutions, en lien avec la dématérialisation de l’action publique constitue France services, sur certains territoires, comme un des seuls points de contact humain auprès duquel trouver des ressources pour débrouiller les questions administratives au sens large (droit sociaux, mutuelles, banque…). Il y a un certain malentendu entre les usagers, qui identifient les conseillères comme des représentantes locales de l’administration, et le réel qui est qu’elles n’ont pas accès aux outils et aux réponses de ces institutions. Ce malentendu est source de frustrations de part et d’autre de la relation : frustration de l’usager de ne pas avoir de réponse et frustration des conseillères de « ne pas tout savoir ».
Cette confusion est accentuée par les institutions qui portent le label France Services, et qui lui donnent une orientation, une couleur spécifique, du côté du service ou de l’accompagnement social selon sa propre mission. Une participante témoigne de ce que les élus de son territoire contribuent au flou, en posant l’injonction de « dire oui à tout le monde » ou de ne pas se montrer « rigides » en refusant de répondre aux demandes qui ne relèvent pas du périmètre des partenariats. Une autre conseillère, salariée d’une entreprise publique, indique qu’on l’incite à mettre à profit les besoins qu’elle capte dans l’accompagnement au numérique pour réaliser des prestations de vente (d’assurance par exemple). Ces redéfinitions ou réinterprétations institutionnelles du label, sont porteuses pour les conseillères d’une forme de méconnaissance de leur travail et de dévaluation du métier, où elles seraient rabattues sur des fonctions « d’assistantes » pour les usagers ou instrumentalisées au profit d’un autre métier principal.
Le fait d’avoir une double casquette (FS/mairie, FS/MSA, FS/Centre social) contribue aussi au brouillage et aux incompréhensions ; il est compliqué pour l’usager de comprendre que certains jours ils s’adressent à la conseillère France service qui peut faire certaines choses et d’autres jours à l’agent d’une autre mission qui ne les fera plus.
Cet écart entre prescrit et réel, variable selon les territoires, dévoile une part du travail, que les conseillères qualifient de « sociale » et qui est méconnue. Ce déport vers une dimension plus « sociale » est source de valorisation, d’utilité sociale, et de reconnaissance quand s’exprime la gratitude des usagers. Mais elle est aussi éprouvante, quand les usagers sont antipathiques ou agressifs, quand s’exercent des tentatives d’instrumentalisation pour que la conseillère devienne une secrétaire personnelle, ou quand, les conseillères sont touchées par la grande vulnérabilité d’une personne.
« C’est une dame en détresse, perdue, qui s’est attachée, elle revient toujours vers moi, je n’arrive pas à m’en sortir, j’ai peur de la blesser. J’appréhende quand je la vois arriver. C’est une dame qui a des diplômes, des capacités, elle a fait un burn out, elle est fragile, je fais très attention à elle, ça la fait souffrir d’être comme ça, je la conforte beaucoup. C’est dur de ne pas ramener la détresse des autres chez soi. »
Dans cette part sociale de l’activité, il y a ainsi un équilibre à trouver entre une implication en termes d’écoute, d’accueil des situations, d’aide, qui permet de débrouiller les situations et de les faire avancer et une distance nécessaire pour se protéger, éviter de se faire avoir, d’être instrumentalisée ou enlisée dans une relation dont on n’arrive plus à se sortir.
« Je suis mal à l’aise quand les gens se livrent, pleurent. C’est difficile de dire stop. »
Les conseillères ont besoin de soutien pour construire ce positionnement dans la relation, et trouvent pour certaines des ressources d’échange et de distanciation auprès de leurs collègues ou de leur hiérarchie.
La construction d’un positionnement dans la relation révèle des différences de pratiques et d’interprétation du rôle de conseillère, qui ont pu s’exprimer et nourrir des débats. Ces différences sont pour partie liées aux trajectoires et expériences professionnelles des conseillères. Elles se construisent de manière singulière, sur un continuum entre deux grandes représentations du métier :
- une conception de type « service public », où l’accent est mis sur l’égalité de traitement entre les usagers, l’importance de ne pas en faire plus pour certains que pour d’autres, le risque à aller sur un accompagnement plus social qui n’est ni dans la définition de la fonction, ni dans les qualifications de la professionnelle, et qui pourrait conduire à des erreurs qui se retourneraient contre soi. Le rapport au métier y est peut-être plus centré sur sa part d’accompagnement administratif comme source d’intérêt et de motivation.
« Je réfléchis à partir, j’aime beaucoup ce que je fais mais tendance à aller vers le social et moins l’administratif et le numérique qui est la mission de départ. On fait beaucoup plus que ça et trop à mon goût. »
- une conception orientée « accompagnement social », qui peut provenir d’une qualification initiale, d’expériences professionnelles antérieures, mais aussi de l’orientation de l’institution qui abrite le FS (centre social par exemple), qui construisent une appétence pour la relation d’accompagnement « à la limite du travail social ». Le rapport au métier est plus polarisé sur l’aide, l’écoute, le lien, l’utilité sociale comme vecteurs de sens au travail.
« J’adore faire partie de cette équipe du centre social, permettre l’accès aux droits, permettre aux gens d’être citoyens. »
Ces conceptions sont toutes les deux légitimes et servent de points d’appui aux professionnelles pour mieux cerner les contours de leur fonction et tenir dans l’activité. Mais elles peuvent aussi mettre des équipes sous tension quand elles sont source de comparaison et de jugements croisés entre collègues. L’interdépendance entre professionnelles qui peuvent être interlocutrices pour les mêmes personnes peut mettre à jour ou aviver ces différences d’interprétation du rôle et se transformer en désaccords ou en tensions.
3. Le métier à l’épreuve des relations partenariales : s’inscrire dans un écosystème
Au fil des séances d’APP, cette question des limites s’est aussi formulée dans le registre de la relation aux partenaires. Le métier est inscrit dans un écosystème de partenaires censés prolonger l’action ou prendre le relais, par exemple pour des actions de « niveau 2 » qui mobilisent des compétences et des outils auxquels les conseillères n’ont pas accès. Certaines ont pu dire la ressource que représente le fait d‘avoir sur place une assistante sociale, une maison des solidarités, une CAF, et de pouvoir passer le relais sur des situations complexes. Mais le constat est plutôt celui de la méconnaissance réciproque et de la défaillance de certains partenaires, qui créent parfois une culpabilité à laisser l’usager sans réponse ou sans prise en charge et conduisent à compenser ou faire à la place de ces institutions.
Cela concerne d’abord les acteurs de l’action sociale publique – les assistantes sociales de secteur, maisons de la solidarité…- qui, sur certains territoires, semblent débordés et reportent une partie de la charge qu’ils ne parviennent plus à absorber. Dans d’autres cas, c’est l’absence d’interlocuteurs identifiés vers qui orienter les personnes, qui peut créer de la culpabilité à ne pas prendre en charge la demande d’aide de la personne. A contrario, des exemples de « petits-déjeuners des acteurs sociaux » trimestriels contribuent, sur certains territoires, à l’inter-connaissance entre professionnels mobilisés par les mêmes usagers et à une forme de reconnaissance des conseillères comme prenant part à cette prise en charge des usagers. Le cloisonnement entre acteurs sociaux de différentes institutions aliment en revanche le sentiment d’être peu reconnues voire méprisées par des travailleurs sociaux en surplomb des conseillères.
Cela concerne aussi certaines institutions partenaires de FS. Un partenariat, c’est « une relation entre des intervenants qui, tout en maintenant leur autonomie, acceptent de mettre en commun leurs efforts en vue de réaliser un objectif commun » (Barreyre, 1995). Certaines institutions (impôts, CAF) semblent jouer le jeu du partenariat. D’autres, comme l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH), s’inscrivent plutôt dans des rapports de sous-traitance et d’exécution. Il s’agit d’un « faux partenariat », où le partenaire ne fait pas sa part et ne donne pas les moyens d’agir : formation claire et insuffisante, numéro dédié pour les joindre, site internet fonctionnel…. Ce manque d’équipements efficaces confine parfois à l’absurde, quand il conduit les conseillères à « tourner en rond » avec l’usager dans une boucle dysfonctionnelle et à perdre leur temps à attendre en ligne qu’un interlocuteur décroche :
« On pédale dans la semoule. On les appelle, on attend pendant 25 mn et au final ça raccroche, ça rend fou. Ça n’a pas de sens, la casquette France Services devrait permettre de faire avancer les dossiers mais on tourne en rond avec les usagers. »
Il semble aussi y avoir aussi des formes d’instrumentalisation par les partenaires qui pour certains se défaussent sur FS alors que ce serait à eux de répondre ou de prendre en charge les personnes. Cela peut conduire à des formes de compensations où on fait à la place du partenaire, au bénéfice de l’usager.
Ces défaillances des partenaires ont des effets sur la relation aux usagers, pour lesquels l’accès à leurs droits devient de plus en plus contingent et aléatoire, dépendant du bon vouloir des professionnelles. Celles-ci sont vues comme des héroïnes quand elles compensent la fermeture des autres guichets publics, mais les usagers peuvent aussi exprimer leur colère ou leur mécontentement quand elles n’ont pas les moyens de répondre ou de débloquer la situation.
« Parfois on se sent seules malgré le panel de partenaires. On ne peut pas répondre aux personnes ; ce serait au partenaire d’intervenir. Ils nous envoient leurs usagers sans chercher à comprendre leur demande. Ça crée des incompréhensions entre eux et nous. Le partenaire nous met dans une situation délicate, les gens disent « vous ne servez à rien » parce qu’on n’a pas de numéro direct pour joindre le partenaire, on passe par le même site et le même numéro qu’eux. »
Jusqu’où compenser ces défaillances est un objet de débat et de questionnement au cours de séances, et les réponses individuelles qui se construisent participent au flou sur le périmètre du métier et ses limites. Il contient aussi le risque d’un arbitraire dans la relation, où les « bons » usagers mériteraient qu’on les accompagne au-delà du niveau 1 et les « mauvais » usagers pourraient se voir opposer une stricte tenue du niveau 1.
4. Le métier à l’épreuve du flux : défaillances organisationnelles et managériales
Les situations individuelles examinées au cours des séances d’APP montrent également que le registre de l’organisation du travail et des équipements qui sont nécessaires pour pouvoir exercer l’activité permet de saisir la question des limites du métier. L’activité se présente comme un flux quantitatif, sans cesse variable, de demandes d’accompagnement physiques et téléphoniques de différentes natures entre lesquelles il faut jongler avec souplesse. Elle convoque au fur et à mesure une technicité croissante, avec l’augmentation du nombre d’institutions partenaires dont il faut maîtriser les procédures, les démarches, les sites internet… Le degré de technicité et de compétences à maîtriser intensifie le flux. Pour la plupart des conseillères s’ajoute à cela le fait de changer de casquette selon les journées ou à l’intérieur d’une même journée, accentuant la charge cognitive du travail. Cette variété et cette technicité font, jusqu’à un certain point, l’intérêt du travail : c’est intéressant d’être « un couteau-suisse », de ne jamais faire la même chose, que chaque journée soit singulière.
Mais ce flux peut aussi, sous certaines circonstances, devenir débordant en termes de rythme, de charge mentale, de fatigue. Cela met en exergue la question des supports et des équipements organisationnels pour canaliser le flux et faire limite à des débordements qui peuvent rendre le travail difficilement soutenable.
Les échanges au cours des séances ont montré que le lieu dans sa configuration peut être une ressource ou une contrainte, quand il n’y a pas d’espace d’accueil du public, pas de bureau dédié pour s’isoler… La configuration du lieu peut aider à fluidifier le flux ou au contraire augmenter sensiblement le bruit et la pénibilité du travail.
Les conseillères ont également évoqué l’organisation du travail comme ressource ou contrainte pour maîtriser le flux des usagers. Notamment, la possibilité de distinguer ce qui peut être traité dans le flux et ce qui nécessite de proposer des RDV pour certains types de prestation plus chronophages. Mais aussi le fait d’organiser les temps de travail dédiés à FS et les temps dédiés à l’institution d’appartenance dans un calendrier anticipé.
L’absence d’outils de suivi des personnes peut également s’avérer problématique, alors que certaines demandes supposent en réalité que la personne revienne quand sa situation aura évolué (obtention d’une pièce, d’un document, d’un identifiant…). Il y a une certaine charge cognitive à devoir se souvenir, plusieurs jours ou semaines après, de ce qui avait été entrepris avec cette personne, ou à devoir rentrer dans une procédure déjà entamée par une autre collègue sans avoir trace ou mémoire des démarches précédentes. Une certaine ingéniosité se déploie d’ailleurs, ici ou là, pour créer clandestinement des outils de suivi.
Un repère unanimement partagé est celui d’avoir un vrai binôme comme ressource essentielle pour faire face au flux des usagers, jongler entre accueil physique et téléphonique, s’entraider quand on ne sait pas répondre sur un point, passer le relais avec un usager compliqué… L’exercice solitaire du métier est une épreuve très difficile à vivre du point de vue des conditions de travail.
« C’est très difficile quand on n’est pas deux, que l’autre est en congé ou en formation, on en chie quand on doit assurer seule les RDV, l’accueil physique et téléphonique. Ça me tue qu’on ne pallie pas les absences. »
Enfin, la formation est nommée une ressource essentielle pour actualiser les connaissances de règles et de savoirs qui sont finalement très évolutifs au sein des institutions partenaires. Ces évolutions sont parfois mal connues des conseillères dont la formation remonte à quelques années. La formation, ce n’est pas recevoir en visio des informations descendantes, mais bien se retrouver entre pairs pour pouvoir s’approprier des informations et savoirs par l’échange et la discussion.
Ces équipements professionnels sont à la main des hiérarchies, qui représentent de ce point de vue un soutien essentiel au métier. Aux rares endroits où les hiérarchies ont suivi la formation France services et connaissent de près le métier, elles agissent pour poser un cadre, soutenir les conseillères dans la relation avec les usagers, aider à se positionner dans le flou du périmètre métier, arbitrer et trancher les désaccords dans l’équipe.
« Nous on a du soutien hiérarchique, le directeur prend l’accueil quand on est seule et que la collègue est absente. Il nous dit « ne le fais pas » si on lui dit qu’on ne peut pas faire. Des fois ça part dans tous les sens, mais on prend notre temps pour écouter, accompagner, le directeur encourage ça. »
Mais le réel est plutôt que les hiérarchies sont peu présentes pour penser l’organisation du travail, arbitrer et réguler l’activité (éloignement du site, mission principale chronophage, arrêts de travail…). Les conseillères sont rattachées à des niveaux hiérarchiques trop élevés (DGA, DGS) pour être disponibles et connaître le réel du travail, ou à des hiérarchies dont la mission principale est déjà prenante et plus valorisante peut-être.
« On se sent très seules, pas du tout accompagnées. On communique par Teams avec notre chef qui est sur un autre site, et on n’a pas toujours de réponse, ou alors trop tard. On se débrouille beaucoup toutes seules. On nous félicite pour ça d’ailleurs, on nous dit bravo, c’est bien, vous vous débrouillez seules, mais nous on a besoin de directives, de conseils, de quelqu’un qui va contacter les partenaires quand ça ne va pas. »
L’absence de ces étayages professionnels peut dégrader fortement les conditions d’exercice du métier. La pénibilité d’un environnement bruyant, le stress de passer du coq à l’âne, d’être sans cesse interrompue par des demandes multiples, la pression de l’accumulation des usagers à l’accueil, la fatigue chronique, le sentiment de se débrouiller seules et sans soutien, les arrêts maladie en sont des symptômes.
« J’ai le sentiment de ne plus aller en profondeur sur les projets, de survoler, de tout bâcler, de tout faire à la dernière minute. On voit le truc plonger alors qu’on est une super équipe. Tout s’écroule et on ne sait pas pourquoi. »
Ce défaut d’organisation du travail crée une forme de lassitude voire d’épuisement face au flux que l’on ne parvient plus à maîtriser et qui attaque le sentiment de bien faire son travail.
5. Connaître le métier pour mieux le reconnaître
L’analyse secondaire retrace également les ressources et les points d’appui que les professionnelles ont évoqué au fil des séances comme autant de pistes d’action pour mieux vivre ce métier.
Un premier apprentissage concerne le registre de la relation à l’usager. L’analyse des pratiques est identifiée comme un équipement de la pratique, où peuvent être examinées, avec la ressource des collègues, les situations qui font question, difficulté ou malaise. L’élaboration collective permet de s’autoriser à mettre des limites et à dire non dans des situations de travail floues où la conception du métier pourrait être très extensive. Elle se nourrit des différences de pratiques et de représentations qui ont amené certaines à réinterroger leurs manières de se positionner et de (ne pas) mettre des limites, et de conscientiser des liens avec une histoire ou des dispositions personnelles et des carences organisationnelles.
« Je suis trop empathique. Et aussi on n’est pas formées à se protéger. »
Les échanges ont aussi permis de lever des formes de culpabilité dans le fait de dire non ou de rappeler aux usagers le périmètre du métier. Les conseillères ont pu nommer également la ressource d’un tiers qui pourrait s’intercaler dans la relation quand elle devient problématique – c’est parfois une collègue qui prend le relais avec une personne qu’on ne supporte plus, ou un chef qui intervient pour recadrer un usager énervé.
Un second apprentissage a été pour certaines de faire le lien entre des formes d’épuisement (arrêts de travail personnel ou des collègues, de manière répétée) et l’organisation du travail.
« Les arrêts de travail se succèdent dans l’équipe, on ne s’est pas vues en équipe depuis avril (la séance a lieu en novembre). Les collègues ne sont pas bien, en lien avec le travail et moi aussi j’ai eu un arrêt en juin. Je pensais que c’était perso mais en fait je me rends compte que c’est aussi le travail. »
Ce qui s’interprétait jusque-là comme un « problème personnel » a pu être relié à des besoins et points d’appui mieux identifiés : penser l’organisation du lieu et du travail pour faire face au flux ; mettre à disposition des outils fonctionnels, des procédures claires ; être en vigilance sur la qualité des relations au sein des binômes ou des équipes ; réguler les relations avec les partenaires, les autres acteurs de l’institution… autant de pistes identifiées dans ces séances qui sont à la main des hiérarchies et qui ont un impact décisif sur la qualité des conditions de travail. De fait, le rattachement hiérarchique à un niveau pertinent de l’organisation, pas trop éloigné du terrain et disponible pour porter réellement l’activité est un axe d’optimisation pour les conseillères. Mieux connaître leur travail réel permettrait de mieux reconnaître les conditions nécessaires à ce que ce travail soit soutenable et reste source de plaisir, de motivation et de sens. Pour certaines, face à la défaillance managériale, la prise de distance, le retrait voire la défection ont pu être nommées comme des formes de protection dans ce contexte.
Au final, un embryon de collectif métier a pu émerger de ces séances. Les conseillères France services n’avaient jamais eu l’occasion d’expérimenter une analyse des pratiques, et certaines ont pu dire au cours du bilan qu’elles y étaient venues « à reculons », mal à l’aise à l’idée de devoir prendre publiquement la parole. Pour autant, elles ont mis en avant le grand intérêt à se retrouver entre collègues pour échanger librement, en petit comité et sans jugement sur des situations concrètes. Elles ont apprécié de découvrir d’autres pratiques que les leurs, de faire circuler des idées, des astuces, des manières de faire. Ces échanges ont nourri des décalages dans la pratique : certaines ont adopté à un endroit ce qui semblait fonctionner ailleurs ; d’autres ont dit avoir relativisé des agacements en comprenant mieux les raisons des différences de pratique ; d’autres ont relaté avoir gagné en recul et en distance par rapport à des situations frustrantes. C’est d’autant plus important que les échanges portant sur leur travail sont, en interne de leurs institutions, très rares, à quelques exceptions près. Les participantes ont valorisé de fait de se retrouver en présentiel, là où les formations métier et réunions se déroulent majoritairement à distance et de manière descendante. Le désir de prolonger ce dispositif témoigne de cette identification à des problématiques partagées, au-delà des différences de rattachement ou de statut.
L’enjeu d’une restitution aux commanditaires du dispositif est investi, par les groupes, d’une attente de reconnaissance de cette dynamique professionnelle et des équipements qui lui seraient nécessaires pour se déployer. Dans le fond, la prescription d’un « niveau 1 » dans l’activité méconnait le réel de leur investissement, où elles sont loin de s’en tenir à exécuter une prescription peu ajustée à la réalité des usagers. Cette méconnaissance est redoublée d’un flou statutaire, vécu comme une méconnaissance de leur professionnalisme. Les agents qui exercent sous le label France services ne sont pas reconnus comme des fonctionnaires, mais comme « agent administratif » ici ou « chargée de clientèle » ailleurs. Leurs rémunérations et conditions d’emploi sont disparates, avivant à certains endroits le vécu de non-reconnaissance. L’évolution de leur activité, la technicité et la complexité croissante des procédures à maîtriser, ne se traduisent pas par des améliorations salariales à la hauteur des compétences développées.
« On nous dit merci mais quid des salaires ? Notre expérience, la technicité qu’on développe ne sont pas reconnues. On nous remercie pour nos sourires ! »
Le bouclage institutionnel avec les commanditaires, à partir de l’analyse secondaire, a permis de soutenir une forme de déplacement dans la perception de la situation. La commande initiale, celle d’une demande d’aide pour les conseillères dans l’élaboration de leur posture vis-à-vis des usagers ou des institutions partenaires, a pu être questionnée en miroir de l’analyse sociologique. La réinscription du métier dans un écosystème hiérarchique et partenarial a permis de prendre conscience que l’amélioration de la situation des conseillères ne dépend pas que de l’étayage de leur pratique. La régulation des relations avec les partenaires défaillants et avec les institutions employeuses qui ne respectent pas les engagements minimaux de la Charte qu’elles signent avec l’Etat (travail en binôme notamment) apparaît comme un enjeu plus net. Dans le soutien aux professionnelles. La référente métier, qui pilote le réseau au niveau départemental, peut alors se projeter en porte-parole du collectif auprès des institutions employeuses comme des représentants de l’Etat. La diffusion de l’analyse et des pistes d’étayage qui en découlent, sa mise en débat dans les instances de pilotage départementales où se réunissent institutions employeuses et représentants de l’Etat, lui apparaît comme une modalité pour s’approprier ce déplacement.
Conclusion
L’analyse sociologique des pratiques professionnelles peut ainsi être investie à la fois comme un objectif et comme un moyen. Elle est un objectif au sens où la visée des séances est bien celle de soutenir une réflexivité des professionnelles sur leurs contextes de travail et la relation aux usagers afin de permettre un positionnement plus ajusté. Elle est également un moyen de fabriquer une lecture compréhensive au service d’une visée intervenante. En capitalisant le matériau recueilli au fil des séances, il est possible de construire une analyse secondaire des dynamiques collectives, institutionnelles et des effets de système qui se répercutent dans l’activité quotidienne. Cette lecture permet à la fois de mieux comprendre les épreuves vécues par les professionnelles, mais également de mettre en perspectives les voies de dégagement identifiées au cours des séances et qui existent à la maille des individus, du travail, de l’organisation ou du management. Ce faisant, la réflexivité sur les situations de travail se double d’une réflexivité plus collective sur un métier en émergence et les impensés dont il est l’objet.
Références bibliographiques
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