Patrick Robo

Formateur-consultant, Béziers
patrick.robo@laposte.net

Résumé

La Revue de l’analyse de pratiques professionnelles – regards croisés a dix ans cette année. Cela peut se fêter ou inviter à jeter un regard sur ce qui s’est passé à son sujet et à celui de l’APP durant cette décennie. Après un bref historique relatif à ce qui a conduit à l’existence de la Revue, cet article aborde de manière subjective, voire intimiste, ce que l’auteur retient de ces dix années autour de l’APP, d’abord à titre personnel puis au niveau de la Revue, en évoquant sa création et l’équipe qui la fait vivre, les auteurs et les contenus des articles, et l’évolution possible de cette publication, avant de conclure avec une invitation à coopérer à son développement.

Mots-clés 

réseau, séminaires, formations, supervision, cheminement

Catégorie d’article 

Témoignage

Référencement 

Robo, P. (2024). Une décennie autour de la Revue de l’APP – regards croisés et de l’APP. Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 25, 107-117. https://www.analysedepratique.org/?p=5745.


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A decade around the « Revue de l’analyse de pratiques professionnelles-regards croisés » and the PPA
Abstract

The « Revue de l’analyse de pratiques professionnelles – regards croisés » is ten years old this year. This may be celebrate, or it may invite us to take a look at what has happened to it and to PPA during this decade. After a brief history of what led to the Revue’s existence, this article takes a subjective, even intimate look at what the author remembers from these ten years working with PPA, first on a personal level and then at the level of the Revue, by mentioning its creation and the team that brings it to life, the authors and content of the articles, and the possible development of this publication, before concluding with an invitation to cooperate in its development.

Keywords

network, seminars, training, supervision, pathway


Uma década em torno da Revue de l’analyse de pratiques professionnelles – regards croisés e da APP
Resumo

A revista de análise da prática profissional – olhares cruzados faz dez anos este ano. Isso é motivo de comemoração, ou um convite para dar uma olhada no que aconteceu com ela e com a APP durante essa década. Após um breve histórico do que levou à existência da Revista, este artigo apresenta um olhar subjetivo, até mesmo íntimo, sobre o que o autor lembra desses dez anos de trabalho com a APP, primeiro em nível pessoal e depois em nível da Revista, mencionando sua criação e a equipe que lhe dá vida, os autores e o conteúdo dos artigos e o possível desenvolvimento dessa publicação, antes de concluir com um convite para cooperar em seu desenvolvimento.

Palavras-chave

rede, seminários, treinamento, supervisão, caminho


Dix ans déjà que la Revue de l’analyse de pratiques professionnelles – regards croisés a vu le jour ! Un anniversaire qui invite à effectuer un retour sur cette décennie autour de l’analyse de pratiques professionnelles (APP) et de la Revue[1] mais aussi à poser un regard sur leur actualité.

Je ne livrerai pas ici une étude à ce sujet mais m’autoriserai simplement à partager une évocation subjective, peut-être intimiste qu’éveille chez moi cette période.

1. Bref historique

En 2001, suite à des échanges informels avec des animateurs de divers dispositifs d’APP au cours desquels a été évoqué à plusieurs reprises le manque de lieux pour réfléchir, partager, se former autour de l’animation, j’ai proposé à certains d’entre eux de nous co-accompagner sur ces questions via une simple liste de diffusion. En décembre de cette même année, j’obtenais l’accord d’héberger cette liste sur le Réseau Renater[2]. À noter qu’en juillet 2001 une circulaire du Ministère de l’Education nationale[3] précisait ceci :

« L’analyse de pratiques, une démarche à privilégier :
Les ateliers d’analyse de pratiques qui permettent d’identifier et d’analyser des expériences professionnelles, avec des collègues et des experts, doivent être privilégiés : études de cas, mise en relation des résultats obtenus et des démarches utilisées, analyse des incidents critiques et des réussites, etc. Ils nécessitent une organisation particulière : étalement dans le temps, groupes restreints et travail de proximité. »

A la suite de cette publication, le Ministère a confié en 2002 à la Direction de l’enseignement scolaire (DESCO) l’organisation d’un séminaire national en janvier, puis d’une université d’automne en octobre autour de l’analyse de pratiques professionnelles, manifestations auxquelles j’ai participé (Robo, 2002) et au cours desquelles j’ai rencontré d’autres animateurs d’APP intéressés par ce co-accompagnement. Ainsi, cette liste hors institution s’est petit à petit développée autour d’échanges à distance sur des thématiques proposées par les membres de ce réseau.

En 2004, après deux ans de co-accompagnement à distance, est apparu le désir chez certains participants de se rencontrer pour faire connaissance physiquement et réfléchir, partager, « cogiter » en présentiel. Ainsi a commencé une série de séminaires hors de toute institution[4].

Au cours de l’un de ces séminaires est née l’idée de créer un premier site GFAPP qui fut hébergé sur un serveur de l’académie de Besançon. Et c’est lors d’un autre séminaire qu’a germé l’idée de créer une revue, gratuite et en ligne ; elle a vu le jour en septembre 2013 sous le titre « Revue de l’analyse de pratiques professionnelles – Regards croisés » titre signifiant que cette initiative ne s’enfermait pas dans un courant particulier de l’APP, mais par choix ouverte à toute approche de ces démarches.

À noter aussi qu’à l’automne 2013, décision a été prise de faire migrer le site GFAPP hébergé institutionnellement à Besançon vers une annexe du site de la Revue, site géré par Marc Thiébaud membre du réseau GFAPP et webmaster du site de la Revue. Puis en 2019, la décision a été prise de « sortir » cette annexe Réseau GFAPP du site de la Revue afin d’alléger le travail du webmaster. Le site Réseau GFAPP a alors été mis en sommeil. Et en juin 2023, j’ai décidé de démarrer un nouveau site[5] avec aussi l’intention de redynamiser le réseau de co-accompagnement à distance.

Mais pourquoi évoquer ici le réseau, les séminaires, et ce site ? Tout simplement parce qu’ils sont des constituants de la Revue mise en œuvre bénévolement par des membres de ce réseau initial et dans laquelle on trouve un certain nombre d’articles dont les auteurs sont ou ont été participants de cette aventure.

2. Que retenir de ces dix ans ?

2.1 Au niveau personnel

Depuis 2013, retraité ou senior actif comme il se dit, j’ai continué à cheminer sur les voies de l’APP grâce aux écrits publiés dans la Revue et ce à trois titres en particulier :

  • en tant que membre de l’équipe de pilotage et de rédaction de la Revue par la réflexion menée, entre autres, à propos des contenus à publier ou non, conduisant à continuer à préciser ce que recouvre le concept d’APP ;
  • en tant que lecteur-accompagnateur à l’écriture d’auteurs proposant volontairement ou sur invitation des textes pouvant devenir des articles mis en ligne, ce qui contribuait également à affiner ce qui se trouvait derrière des démarches évoquées et des formulations ou des termes utilisés ;
  • en tant que lecteur de la Revue, ce qui nourrit ma réflexion, mon approche et ma pratique d’animateur de groupes d’APP, mais aussi celle de formateur, en particulier de formateurs et de cadres voulant développer ou développant déjà des APP dans le cadre de leur activité professionnelle.

Durant ces dix ans, j’ai aussi poursuivi mon chemin et ma réflexion, je dirai même ma formation au travers d’environ 150 formations-interventions[6] liées à l’APP que j’ai pu mener, la grande majorité d’entre elles suite à des sollicitations me parvenant par différentes voies et me convenant (privilège de la retraite !). J’ai seulement proposé durant ces dix années deux formations avec Richard Etienne sur « GEASE et GFAPP » et quinze formations de niveaux 1, 2 ou 3 avec Maela Paul, autour de « APP et démarches d’accompagnement ». Toutes ces formations étaient bien sûr très riches grâce à la diversité, à l’hétérogénéité des participants issus de régions, pays, professions, structures, organismes différents et avec des niveaux de connaissance, de compétences, de pratiques d’APP diverses parfois liés à des courants, modalités, genres et styles variés. Ce qui résonnait souvent avec des écrits de la Revue.

Pendant cette décennie j’ai ainsi vécu, participé à environ 450 séances d’APP (quand on aime on ne compte pas, dit le dicton familier), séances que j’animais ou qui étaient animées par d’autres dans le cadre de formations à l’animation ou de supervisions professionnelles. Ceci, par la variété des approches et démarches rencontrées, a bien sûr nourri ma pratique, ma réflexion, mes savoirs en matière d’analyse de pratiques professionnelles proprement dit ainsi que d’animation, et a contribué à ma cogitation en particulier sur la place que peut prendre ou prend l’animateur dans une séance. Quelle(s) posture(s) adopte-t-il ? Quel(s) rôle(s) joue-t-il ? Quel lâcher-prise ou deuil de la toute-puissance accepte-t-il ? Quelles compétences met-il en œuvre, etc. ? J’ai assisté à des séances où l’animateur facilitait, accompagnait, était inducteur de réflexivité (Donnay & Charlier, 2008), favorisait l’analyse par l’Autre et/ou avec le groupe, ce qui pour moi est le sens que doit prendre l’APP. Mais j’ai aussi assisté à des séances où l’animateur, parfois sans en prendre ou avoir conscience, analysait (ou pensait analyser) la pratique de l’Autre si ce n’était le sujet porteur d’une pratique, en se référant à des approches telles que, par exemple, l’entretien d’explicitation (Vermersch, 1994), la relation d’aide (Rogers, 1968), le DPA-C Développement du pouvoir d’agir des personnes et des collectifs (Le Bossé, 2004), le co-développement professionnel (Payette et Champagne, 1997), etc. J’ai aussi assisté à quelques séances où l’animateur « se servait » du groupe pour expérimenter personnellement des modalités qu’il n’avait pas vécues pour lui-même… Et je pense pouvoir dire à ce niveau que la Revue, par ses regards croisés, permet de se situer, de se repérer, d’y voir plus clair dans ce que je nomme le « concept valise » qu’est l’APP.

Je dois aussi dire que la Revue a toujours été présente dans ces temps de rencontre, bien sûr parce que j’en faisais la promotion en invitant à l’alimenter, mais aussi et peut-être surtout car moi-même ou des participants-abonnés pouvions faire référence à certains articles ou auteurs en lien avec nos thèmes de réflexion. Dire aussi en retour que ces rencontres ont permis à certaines personnes de s’autoriser à proposer un écrit pour la Revue, sachant qu’il y avait un accompagnement à l’écriture proposé par l’équipe de rédaction, écriture personnelle pour être lue par d’autres, ce qui fut parfois une première pour certaines d’entre elles.

Toutes ces rencontres, avec des participants mais aussi avec des décideurs, des responsables institutionnels, m’ont permis d’aborder une réalité de l’APP allant de représentations erronées de « la chose » (obstacles épistémologiques dirait Bachelard, 1999) à des approches enfermées dans des courants spécifiques, en passant par des pratiques efficientes et variées, mais aussi par ce que je nommerais des « modes institutionnelles » saupoudrant d’APP des projets-plans de formation initiale ou continue…

J’ai pu ainsi constater que des démarches dites d’APP n’en étaient pas forcément, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elles ne produisaient pas des effets positifs sur le plan professionnel, mais qui nécessitaient des clarifications sémantiques afin « d’éviter de provoquer de la confusion dans la tête de ceux qui se forment, de même que dans la tête des formateurs » (Cifali, 2018, p. 201), voire des déboires. Découvrir aussi et encore que des APP pouvaient provoquer des effets négatifs, voire du rejet en particulier lorsqu’elles étaient mises en œuvre par des intervenants non formés à ces pratiques et parfois n’utilisant pas ces démarches pour leurs propres pratiques, ou parce qu’il y avait un écart important entre les attentes et/ou les besoins des participants et les objectifs des animateurs, souvent par manque de clarification de contrats explicites au départ (Robo, 2017), ou parce que des personnels étaient obligés de participer à des séances d’APP. Je dois cependant préciser que la grande majorité des séances auxquelles j’ai participé provoquaient des effets positifs, faisaient naître ou accroître le besoin, voire le désir, de pouvoir bénéficier encore d’accompagnement professionnel par l’APP !

Durant cette décennie, j’ai constaté une augmentation du nombre d’ouvrages sur l’APP. J’en ai consulté, lu quelques-uns. Certains ont alimenté ma réflexion et nourri ma pratique car rédigés par des praticiens réflexifs de et sur l’APP. D’autres m’ont laissé perplexe, parfois écrits par des auteurs pouvant parler de démarches sans pour autant les pratiquer ou les avoir vécues[7], parfois décrivant, sans beaucoup de recul, des créations (inventions ?) de nouvelles modalités dites d’APP, en employant, peut-être pour se démarquer, d’autres termes que groupe, démarche, analyse, animation, etc., mais étant selon moi, autre chose que de l’analyse de pratiques (parfois de l’échange de pratiques, parfois de la résolution de problèmes, parfois de la pseudo thérapie, parfois du coaching…) ; d’autres ouvrages étant très difficiles à lire (pour moi) car jargonnant, débordants de termes nécessitant  d’ouvrir un dictionnaire ou référés à une multitude d’auteurs connus ou non et cités dans une quinzaine de pages « bibliographie » en fin d’ouvrage[8], laissant le lecteur sur sa soif de compréhension car dans l’impossibilité de consulter tous ces ouvrages cités pour appréhender la pensée et/ou la pratique de leurs auteurs. À savoir, si nécessaire, que la Revue fournit un grand nombre de ressources[9] sélectionnées comme traitant d’APP ou de contenus et pratiques pouvant être au service de l’APP.

Je crois pouvoir dire que toutes ces lectures, ces formations, ces rencontres m’ont conforté dans mon souci de partage de réflexions, d’expériences, de pratiques ; elles ont renforcé ma conviction que l’APP « bien menée » est d’une richesse extraordinaire sur le plan humain, sur celui de la formation, du développement et de l’accompagnement professionnels. Cependant je m’étonne et regrette qu’elle soit encore si peu, voire pas du tout connue dans certains milieux professionnels, et si elle est connue, qu’elle soit parfois considérée comme une activité secondaire, non formatrice, comme un palliatif qui pourrait résoudre des problèmes « insurmontés[10] » (une sorte de SAMU[11] professionnel), voire comme une variable d’ajustement si ce n’est un gadget… alors que tous les retours et bilans entendus encore lors de ces dix ans (me) disent son impérieuse utilité, pour ne pas dire nécessité dans les métiers de l’humain.

Ces dix années écoulées m’ont aussi permis de mesurer, entre autres par des demandes qui me parvenaient, le besoin pour beaucoup d’animateurs d’APP de se former et de pouvoir bénéficier de la possibilité d’analyser avec d’autres animateurs leurs pratiques de développement et d’animation d’APP. Cette possibilité peut être mise en œuvre sous formes de supervisions professionnelles (Robo, 2021) ou d’intervisions en groupe (comme par exemple dans les séminaires évoqués ici), ou à deux (ce que je pratique régulièrement par téléphone avec mon ami Yves de La Monneraye (1999) développant de l’APP avec un ancrage majoritairement psychanalytique et nourri de psychothérapie institutionnelle). Mais force est de constater qu’il y a peu de « lieux » ou cette possibilité est proposée…

Je pense pouvoir affirmer que la Revue a participé de/à tout cela, qu’elle m’a permis de belles rencontres professionnelles distancielles et/ou présentielles, qu’elle a alimenté et augmenté ce que je nomme ma « spirale de l’APP », cette volute toujours ouverte et quelque part habitée par le doute, et je dirai en m’inspirant de Ferry (1983) que l’APP est « bien plus qu’une opération de connaissance ; c’est une production de sens et une ouverture à agir ». Alors, merci à la Revue !

2.2 Au niveau de la Revue

Que dire en sa dixième année d’existence ?

Tout d’abord qu’au moment où l’idée de la réaliser a surgi, peut-être moment d’euphorie collective lors d’un séminaire, j’ai pensé que c’était un projet un peu fou mais que l’aventure méritait d’être tentée.

2.2.1 Une aventure

En effet ce fut le début d’une aventure humaine lancée par une petite équipe, les fondateurs[12] de la Revue, hors de toute structure, de toute institution, sans moyen technique outre nos ordinateurs et nos téléphones, sans moyen financier si ce n’est nos finances personnelles.

Cette équipe hétérogène était constituée au départ de sept personnes (cadres, formateurs, enseignants, actifs et retraités… avec des parcours divers, des origines différentes et des implantations géographiques sur les territoires français et suisse), toutes acteurs et peut-être pour certaines « militants » de l’APP, se connaissant plus ou moins. Une équipe avec des visions diverses de l’APP et des visées peut-être différentes mais complémentaires pour la Revue (son identité avec des types d’articles variés du simple témoignage de pratique d’APP à des écrits de recherche sur cette démarche, son lectorat, sa périodicité…). Une équipe de bénévoles avec des compétences composites, certains ayant déjà des expériences de publications de revues papier, d’autres des expériences en informatique, etc. mais tous praticiens de l’APP.

La décision prise, restait à relever le défi ! Ce qui fut fait après moult échanges et réflexions à distance permettant de préciser ce que pourrait être cette publication gratuite et en ligne ainsi que l’organisation de l’équipe. Au début il y eut des hésitations, des tâtonnements, des ajustements et le premier numéro fut mis en ligne en septembre 2013 avec sept articles dont les auteurs étaient les membres de l’équipe de la Revue… Fallait bien commencer !

2.2.2 L’équipe de la Revue

Au cours de la décennie, l’équipe a changé. Il y eut deux départs remplacés par deux nouveaux membres apportant du sang neuf au « noyau dur » qui a maintenu la permanence du projet collectif, même si à un moment a pu se poser la question de pouvoir poursuivre en petit nombre vu l’évolution de la Revue et la somme d’activités à mettre en œuvre pour la réaliser, en particulier tout le travail d’accompagnement à l’écriture des auteurs qui demande un certain investissement dans le temps et la relation avec ces personnes. Heureusement une dizaine d’abonnés, avec des disponibilités diverses, ont accepté de donner un coup de main et de devenir, toujours en binômes et bénévolement, lecteurs de projets d’article et accompagnateurs à l’écriture. Cet accompagnement s’est accru avec l’évolution de la Revue et l’équipe souhaiterait qu’il y ait davantage de lecteurs-accompagnateurs car ses sept membres contribuent encore et beaucoup à cette activité rédactionnelle. À bon entendeur à la coopération, salut !

2.2.3 Les auteurs

Progressivement au cours des dix ans et dès le deuxième numéro, de nouveaux auteurs ont fourni des articles, ce qui est apprécié, la Revue n’étant pas un media réservé aux écrits des membres de l’équipe. Ainsi, à ce jour[13], 132 auteurs différents ont publié au moins un article parmi les 174 mis en ligne. Certains ayant spontanément proposé un projet d’article, d’autres répondant à des sollicitations de membres de l’équipe qui souhaiteraient qu’il y ait bien plus d’auteurs tant il y a encore de richesses à partager sur l’APP.

A titre personnel, je sais qu’écrire demande de s’autoriser à le faire, demande de démarrer sur la page blanche (ou l’écran), demande du temps et de l’engagement, mais je constate que l’exercice est toujours formateur car, a minima, il contribue à mettre de l’ordre dans ses pensées, ses savoirs et même ses manques. Parmi les personnes rencontrées dans ce parcours, beaucoup ont eu et ont la velléité de partager leur vécu, leur réflexion, leurs savoirs, leur pratique en matière d’APP, mais comme le disait Hegel, « La vérité de l’intention, c’est l’acte » et ce passage à l’acte (pas toujours réalisé) est un choix personnel qui est ensuite facilité par l’accompagnement à l’écriture proposé dès lors que la décision d’écrire est prise… Choix toujours récompensé,  j’ose le dire ici, par le plaisir d’avoir écrit et d’être publié. J’ai pu constater une forme de gratification chez les élèves dont je m’occupais et qui écrivaient des textes libres ou des comptes-rendus d’activités pour le journal de la classe, mais aussi chez des personnes qui écrivaient dans des revues pédagogiques auxquelles j’ai pu contribuer.

Alors, l’invitation à proposer un article pour la Revue est toujours présente ! À bon lecteur-entendeur…

2.2.4 Les contenus de la Revue

Ils sont à l’image des auteurs, à savoir divers et variés, mais d’une richesse au service de la connaissance et du développement de l’APP, cette démarche multiréférentielle et multiforme. Du simple, modeste et authentique témoignage de sa pratique d’APP en tant que participant ou animateur, à un compte rendu de recherche sur la mise en œuvre de la démarche, en passant par le partage d’une réflexion personnelle, ils sont tous au service de ce que d’aucuns pourraient nommer la diffusion, voire la vulgarisation de l’APP, mais ils sont surtout au service de personnes désireuses de s’informer, de s’initier, de se former, de se « perfectionner » (même si la perfection est inatteignable en la matière), de développer cette APP, voire d’en faire leur métier.

Devant une baisse de projets et de propositions d’articles, la question a été posée un jour de savoir si au bout de dix ans, il n’y aurait plus rien à publier, tout ayant déjà été dit et écrit à propos de l’APP… Personnellement, je ne pense pas que ce soit le cas, notamment du fait d’un renouvellement du lectorat, de l’évolution des APP dans certaines professions et du peu de formations à ces démarches. Des partages d’expériences et de réflexions sont encore utiles et un équilibre entre les divers contenus doit donc être préservé et entretenu au bénéfice des quelques 2900 abonnés actuels dont les attentes et les besoins sont disparates. Un équilibre devrait aussi être préservé entre des numéros thématiques et des numéros dits varias. Il ne faudrait pas que par tarissement de propositions d’articles, la Revue ne devienne qu’une publication pratico-pratique ou à l’inverse, qu’un recueil d’écrits uniquement théoriques bardés de références pouvant se rapprocher d’une revue scientifique, ce qu’elle n’est pas.

2.2.5 Quelle évolution pour la Revue ?

En dix ans, elle s’est améliorée chemin faisant sur le fond et la forme. Elle a progressé avec des hauts et des bas, avec du questionnement et parfois des doutes au sein de l’équipe, avec des craintes de tarissement comme évoquées précédemment, mais elle est toujours là, bien présente, reconnue, citée et référencée.

Comment peut-elle poursuivre ce chemin et évoluer encore ? Qui peut le dire aujourd’hui ? Cette évolution dépend en partie de l’équipe qui continuera à la faire vivre, mais elle dépend beaucoup des lecteurs qui de simples consommateurs d’écrits, peuvent devenir des « consom-acteurs » en renforçant l’équipe et/ou en devenant lecteurs-accompagnateurs de projets d’articles, et des « consom-auteurs » qui s’autorisent à proposer de nouveaux articles en faisant fi d’une modestie laissant penser que d’autres le feraient mieux que soi.

3. En guise de conclusion

Au cours des dix années écoulées, l’APP a évolué dans les milieux professionnels, renforcée dans certaines structures ou institutions, devenue à la mode dans certaines professions, naissante dans d’autres… Des publications à son sujet ont fleuri, de qualité et intérêts divers. Des (pro)créations de modalités d’APP ont vu le jour, des modalités existantes se sont améliorées grâce à l’expérience et au partage, mais aussi grâce à certains travaux de recherche… La pénurie de formations pour développer ces démarches est encore criante et les lieux d’accompagnement et de supervision d’animateurs sont très rares…

L’APP avec ses différents courants, objectifs, définitions, dispositifs, modalités, etc. mérite encore d’être diffusée, partagée pour être mieux connue, mieux reconnue et davantage développée car elle répond à des besoins dans beaucoup de milieux professionnels, métiers de la relation, métiers de l’humain.

Et la Revue de l’analyse de pratiques – regards croisés peut contribuer à tout cela. Elle a besoin de soutiens, de coopération… L’aventure entamée il y a dix ans peut se poursuivre en ayant en tête, à propos d’APP, cette citation d’Albert Jacquard (1997) : « Ceux qui prétendent détenir la vérité sont ceux qui ont abandonné la poursuite du chemin vers elle.  La vérité ne se possède pas, elle se cherche. »

Que la Revue contribue à la poursuite du chemin… avec prudence et clairvoyance, avec de nouveaux contributeurs… pour que l’on puisse se donner rendez-vous dans dix ans !

Références bibliographiques 

Bachelard, G. (1999). La formation de l’esprit scientifique, Paris, Librairie philosophique Vrin, 1999 (1ère édition 1934), chapitre 1er.

Cifali, M. (2018). S’engager pour accompagner. Valeurs des métiers de la formation, Paris, PUF.

Donnay, J. & Charlier, E. (2008). Apprendre par l’analyse des pratiques. Initiation au compagnonnage réflexif. 2ème édition revue et augmentée.  CRP. Presses Université de Namur.

Ferry G. (1983). Le trajet de la formation, les enseignants entre la théorie et la pratique, Paris, Dunod, 1983.

Jacquard, A. (1997). Petite philosophie à l’usage des non-philosophes, Editions Calmann-Lévy.

La Monneraye, Y de. (1999). S’ouvrir à la parole entre enseignants in Je est un Autre n°9. http://probo.free.fr/textes_amis/s_ouvrir_a_la_parole_entre_enseignants_ydlm.pdf

Le Bossé, Y. (2004). Vous avez dit ‘’empowerment’’ ? De’’l’habilitation’’ au ‘’Pouvoir d’Agir’’ vers une définition plus circonscrite de la notion d’empowerment. Nouvelles Pratiques Sociales, 16(2), 30-51.

Payette, A. et Champagne, C. (1997). Le groupe de codéveloppement. Québec : Presses de l’Université du Québec.

Robo, P. (2002). http://probo.free.fr/ecrits_app/synthese_atelier_desco_pnp_app.htm#_ftn1

Robo, P. (2017). Vers un mémento pour mettre en place et démarrer un groupe d’APP… Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 10, pp 23-41. https://www.analysedepratique.org/?p=2433

Robo, P. (2021). Supervision de cadres de santé – formateurs pratiquant des temps d’analyse de pratiques professionnelles in Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 21, 72-115. https://www.analysedepratique.org/?p=5173

Rogers, C. (1968). Le développement de la personne. Paris : Dunod.

Vermersch, P. (1994). L’entretien d’explicitation en formation initiale et en formation continue. Paris : ESF.

 

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Notes

[1] Dans la suite du texte je garderai l’appellation Revue que l’on dira générique pour cette publication gratuite et en ligne.

[2] Réseau au service de la communauté Education-Recherche : https://www.renater.fr/

[3] Circulaire n°2001-150 DU 27-7-2001 : Accompagnement de l’entrée dans le métier et formation continue des enseignants des 1er et 2nd degrés et des personnels d’éducation et d’orientation

[4] Cf. la liste de ces séminaires https://www.analysedepratique.org/?p=3509 ou https://www.gfapp.fr/index.php/seminaires/

[5] Site en construction : www.gfapp.fr

[6] Liste consultable sur mon site www.probo.free.fr

[7] Je pense ici à la non-congruence et à Fernand Oury qui, lors d’échanges, nous disait à propos de pédagogie : « Ne rien dire que nous n’ayons fait ».

[8] Force est de constater qu’avant l’arrivée d’Internet ces bibliographies étaient moins fournies car la quête de références dans des bibliothèques demandait de lire les ouvrages et donc du temps, de la perspicacité et de l’investissement personnel.

[9] Voir : https://www.analysedepratique.org/?p=773.

[10] Différent de insurmontables.

[11] Service d’Aide Médicale Urgente.

[12] https://www.analysedepratique.org/?page_id=20

[13] Des statistiques sont régulièrement mises à jour et consultables sur le site de la Revue : https://www.analysedepratique.org/?page_id=25