Aziz Tlemceni

 Psychologue clinicien et superviseur GAPE, Master en psychologie clinique et psychopathologie
 Centre Hospitalier Alès-Cévennes, Alès, France

tlemceni.aziz@gmail.com


Résumé

Des études statistiques témoignent d’un mal-être croissant chez les étudiants en soins infirmiers en lien avec leur formation. Après un repérage statistique et des observations de terrain visant à déterminer les points de souffrance traitables, nous avons construit au sein d’un Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) un Groupe d’Analyse des Pratiques pour les Étudiants (GAPE). Orienté par la psychanalyse, le GAPE est un espace pensé pour permettre aux étudiants infirmiers d’éveiller leur capacité d’analyse des enjeux relationnels se déployant sur leurs lieux de stage, favorisant ainsi la construction d’un sens et d’un savoir-être par-delà les protocoles de soins. Cet article vise ainsi à témoigner de l’intérêt et des effets de ce dispositif au cours de leur formation.

Mots-clés 

étudiants – infirmiers, supervision, parole, soins

Catégorie d’article 

Modalités d’analyse de pratiques professionnelles

Référencement 

Tlemceni, A. (2024). Le Groupe d’Analyse des Pratiques pour les Étudiants : une ouverture sur la clinique relationnelle dans le soin infirmier. Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 26, 67-88. https://www.analysedepratique.org/?p=5953.


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The Practice Analysis Group for Students : an opening onto the relational clinic in nursing care 
Abstract

Statistical studies show that nursing students are increasingly unhappy with their training. Following a statistical survey and field observations aimed at identifying treatable areas of suffering, we set up a Student Practice Analysis Group (Groupe d’Analyse des Pratiques pour les Étudiants, Gape) at an Institut de Formation en Soins Infirmiers (Ifsi). Oriented towards psychoanalysis, the Gape is a space designed to enable student nurses to awaken their ability to analyze the relational issues at stake in their placements, thereby fostering the construction of a sense of meaning and self-knowledge that goes beyond care protocols. The aim of this article is to illustrate the interest and effects of this system during their training.

Keywords

student – nurse, supervision, speech, care


O Grupo de Análise da Prática para Estudantes: uma abertura para a clínica relacional no cuidado de enfermagem 
Resumo

Estudos estatísticos mostram que os estudantes de enfermagem estão cada vez mais insatisfeitos com seu treinamento. Após um levantamento estatístico e observações de campo com o objetivo de identificar as áreas de sofrimento que poderiam ser tratadas, criamos um Grupo de Análise da Prática do Estudante (GAPE) em um Instituto de Formação em Serviços Infantis (IFSI). Baseado na psicanálise, o GAPE é um espaço projetado para permitir que os estudantes de enfermagem despertem sua capacidade de analisar as questões relacionais em jogo em seus estágios, promovendo assim a construção de um senso de significado e know-how que vai além dos protocolos de atendimento. O objetivo deste artigo é ilustrar os benefícios e os efeitos desse sistema durante seu treinamento.

Palavras-chave

estudantes de enfermagem, supervisão, palavras, cuidados


Remerciements

Nous tenons à remercier l’Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) d’Alès ainsi que ses professionnels, collaborateurs et superviseurs, pour leur engagement et leur confiance qui ont permis aux GAPE de voir le jour :

  • Mme Gisèle Blanc, cadre supérieure de santé, coordinatrice pédagogique et superviseure
  • Mme Martine Taiton, cadre de santé, formatrice et première superviseure
  • M Philippe Flament, cadre de santé, formateur et superviseur
  • Mme Mélanie Valmalle, cadre de santé, formatrice et superviseure
  • Notre collaboratrice, qui a souhaité demeurer anonyme, pour son travail de mise en page, sa grande patience et sa disponibilité.

Nous saluons également le sérieux et l’investissement des étudiants infirmiers de l’IFSI d’Alès sur le dispositif GAPE depuis 2021, en espérant que cet espace leur a été profitable.

1. Introduction

Depuis une trentaine d’années, les progrès scientifiques et l’application des nouvelles méthodes de management dans le champ du soin ont entraîné un déplacement de la place de la parole et de la relation dans la thérapeutique. Le recours de plus en plus massif à la technique et aux protocoles, qui tendent à se délester de cette variable « confusionnante » que serait l’intersubjectivité, relèguent au second plan les approches théoriques qui permettaient l’analyse des enjeux relationnels. Au motif d’une quête d’efficacité et supposant un rapport d’équivalence qui laisse songeur, les supervisions et les espaces de réunions cliniques, lieux autrefois sacralisés de la clinique relationnelle et de la mise en récit des vécus des soignants, se voient peu à peu remplacés par des staffs ; une réduction opératoire de la relation à l’observation de paramètres objectivables, médicaux et comportementaux.

Au milieu de ces effacements qui semblent se dérouler dans l’indifférence du plus grand nombre, quand il ne s’agit pas de la satisfaction de mettre enfin un terme à ces réunions sans but concret, quels espaces reste-t-il pour travailler sur les effets que produit la relation intersubjective sur le patient et le soignant ?

Dans la même période, de nombreuses recherches en psychopathologie du travail ont permis de délimiter les contours du syndrome d’épuisement professionnel (ou burn-out), dont le turn-over constitue un signe avant-coureur. Les travaux de Christophe Dejours et Isabelle Gernet (2012) mettent en évidence l’importance du vivre-ensemble, des valeurs et du sens de la pratique ainsi que la liberté de créer, c’est-à-dire de pouvoir s’impliquer subjectivement dans la manière de travailler du collectif pour assurer une bonne qualité de vie au travail. Suivant le même axe, Alexandra Salembier-Trichard (2019) nous permet notamment d’identifier certains facteurs de risque du burn-out. Parmi eux, nous relevons les effets de la qualité des relations construites sur le lieu de travail et les effets psychiques de la confrontation quotidienne à la souffrance de l’autre. Ces recherches prolongent celles de Christophe Dejours (2007, p.93) qui établit un lien entre violence, contact répété avec la souffrance des patients et absence d’espace de parole au sein des équipes : « Dans les services de soins, dans les maisons de retraite, dans les longs séjours, dans les services de psychiatrie, dans les internats pour les enfants psychotiques et déficients mentaux, les contraintes de travail se caractérisent par le fait que, même quand il est bien conçu et bien organisé, le travail ne peut vaincre l’obstacle de la maladie chronique ou l’obstacle de la mort annoncée. La souffrance face au réel du travail est redoutablement éprouvante pour les hommes et les femmes qui sont constamment confrontés à l’échec (aides-soignantes, infirmiers, animateurs, kinésithérapeutes, orthophonistes, médecins). C’est l’intensité inévitable de la souffrance des sujets impliqués dans ces tâches qui explique qu’en l’absence d’espace de discussion, la violence puisse prendre des formes particulièrement ravageuses ».

Effectivement, comment imaginer que le vécu de soignants confrontés à la dégénérescence, à la maladie mentale ou encore aux deuils répétés en soins palliatifs pour ne citer que ces cas précis, ne produit pas d’effet sur la manière d’accompagner les patients, de vivre son métier ou même sur l’ambiance qui se dégage des lieux ?

Ainsi, comment s’écarter du risque de réduire la pratique infirmière à celle de techniciens aux pratiques strictement standardisées et, dans le même mouvement, soutenir des dispositifs qui redonnent aux soignants une possibilité de penser les effets de la relation sur la qualité de vie au travail, mais surtout, sur les soins portés aux patients ?

Ce dernier point est à souligner. Le psychiatre Hermann Simon (1929) affirmait déjà dans les années vingt qu’il est nécessaire de « soigner l’hôpital pour soigner le malade », et Jean Oury (2007), dans son sillage, a souligné les effets délétères que pouvait produire une mauvaise ambiance de travail sur la qualité d’accompagnement des patients. Il décrivait, par l’usage du terme de « pathoplastie », la manière dont un environnement insuffisamment soigné pouvait produire en psychiatrie des effets d’aggravation de la pathologie mentale. Une manière de rappeler l’importance de l’accompagnement des équipes et du travail du collectif dans le soin porté aux plus fragiles.

De cette nécessité de sensibiliser à la clinique de la parole pour prendre soin des patients, mais aussi des soignants, nous avons choisi de déplacer notre focale en amont, sur le vécu des étudiants infirmiers qui sont, par leur statut et leur situation d’apprentissage, dans une position de vulnérabilité particulière face aux enjeux relationnels sur leurs lieux de stages.

Au travers d’une enquête menée en Mars 2022 par la Fédération Nationale des Etudiant.e.s en Sciences Infirmières (FNSEI)[1] [2], nous pouvons constater que ces professionnels en devenir sont déjà porteurs des stigmates d’un mal-être psychique pour lequel la crise Covid (Corona Virus Disease) a fait office de catalyseur.

A partir de ce constat, et dans le but de soutenir les étudiants dans la construction de leur identité professionnelle, nous avons construit et institué depuis 2021, en collaboration avec un Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI), un dispositif expérimental d’analyse des pratiques à destination des étudiants infirmiers : le Groupe d’Analyse des Pratiques pour les Étudiants (GAPE).

Cet espace, inspiré des groupes Balint[3] initialement destinés aux médecins, vise à soutenir les étudiants dans leur rencontre avec le monde professionnel et à proposer, dès le début de leur formation, une ouverture sur la clinique relationnelle dans la rencontre avec les patients, mais aussi avec les équipes et les institutions d’accueil.

Cet article vise ainsi à présenter le GAPE, à en décrire le cadre et les fonctions avec le souhait d’ouvrir une réflexion sur la pertinence de la construction de ces espaces de parole dans les IFSI.

2. Difficultés des étudiants et modalités de réponses aux besoins

2.1. Analyse du vécu des étudiants à l’échelle nationale

Une étude de M. Simon pour la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES) daté de mai 2023 montre que les statistiques nationales du taux d’abandons en cours de formation des étudiants infirmiers sont en constante hausse depuis 2011, passant de 11 % pour la promotion entière de 2011 à 14 % pour la promotion entière de 2018. De plus, les extrapolations sur la base de ces données (cf. p.5) décrivent un accroissement du taux d’abandons au cours du temps à partir de 2018.

Conjointement à cette étude, un article de Lamaurt F., et al. (2011, p. 56 – 57) s’intéressant au vécu des étudiants au cours de leur formation révèle que la souffrance psychique liée au travail et les conditions de stage insuffisamment bonnes sont des facteurs déterminants dans la décision d’abandon des étudiants : « [Les] étudiants ayant arrêté leur scolarité mettent surtout en avant des difficultés rencontrées sur les terrains de stage : décalage réalité/théorie, conditions insatisfaisantes d’encadrement, difficultés à réaliser un travail de qualité… Ils font aussi remonter des difficultés psychosociales liées au travail (stress, difficultés émotionnelles…), des attentes professionnelles non satisfaites ainsi que des difficultés d’ordre personnel (finances…). Dans cette enquête le burnout, ou épuisement professionnel, concerne 39,3 % des étudiants. Certains facteurs amplifient sa survenue : la réalité du terrain, la charge émotionnelle, les difficultés dans la vie personnelle ».

De plus, l’étude (p.54) établit un lien entre le niveau de stress ressenti par les étudiants et leur souhait de disposer d’un espace de parole : « Les étudiants qui regrettent l’absence de groupe de parole au sein de leur IFSI sont les plus nombreux à se déclarer stressés souvent ou tout le temps (48,6 % des étudiants souhaitant la mise en place d’un tel groupe, versus 32,1 % de ceux qui y participent et 36,8 % de ceux qui n’ont pas cette possibilité, mais ne la souhaitent pas). Il en va de même pour les étudiants qui déplorent l’absence d’un moment d’échange ou qui n’y participent pas […]. Les étudiants qui déclarent ne pas pouvoir s’exprimer librement au sein de leur IFSI sont les plus nombreux à se déclarer stressés souvent ou tout le temps […] ».

Ces déclarations montrent l’intérêt d’une action simultanée pour tenter d’amoindrir le taux d’abandons en proposant :

  • Un accompagnement spécifique de l’étudiant visant à le sécuriser, à le soutenir, à lui permettre une expression libre et à amorcer un travail de réflexion concernant ses situations de stage afin de rendre possible un décalage et un apaisement de son vécu.
  • Un travail d’articulation renforcé avec les partenaires de santé, permettant d’ouvrir sur un ajustement lorsque cela est nécessaire du cadre d’accueil et d’accompagnement des étudiants sur leur lieu de stage.
2.2. Réflexion locale pour le traitement de la souffrance des étudiants

Les observations de terrain et des récits des étudiants s’inscrivent en cohérence avec les données statistiques à l’échelle nationale. Ceci nous a conduit à établir plusieurs hypothèses étiologiques du mal-être des étudiants sur lesquelles il nous semblait possible de travailler, à savoir :

  • Le sentiment de solitude et d’isolement face aux situations difficiles rencontrées sur les lieux de stage, redoublé par la période Covid-19.
  • La difficulté à construire un récit partageable de leurs expériences cliniques, c’est-à-dire d’opérer un travail de retour sur soi puis de prise de recul afin de structurer en un tout cohérent les éléments contextuels, cliniques, et psycho-affectifs[4].
  • La difficulté à mettre du sens sur la pratique clinique, dès lors qu’elle s’éloigne des gestes techniques et des protocoles.
  • La difficulté à penser et à occuper une place de stagiaire au sein d’une équipe soignante.
  • La difficulté à se sentir légitime dans leur fonction de soignant, à penser, à soutenir un point de vue et à proposer des réflexions aux équipes en lien avec leurs observations.
  • La difficulté à penser et à adapter leur posture clinique au contact des patients afin de rechercher la juste proximité nécessaire à l’accompagnement.

En conséquence, nous avons construit et institué le GAPE, un groupe d’analyse des pratiques destiné aux étudiants. De la même manière qu’un GAP réservé aux professionnels, il s’agit d’un dispositif qui vise à offrir aux étudiants un espace de parole dédié à la mise en récit de leur vécu de stagiaire, des situations cliniques au contact des patients, mais également de leur vécu au sein des institutions et des équipes qui les accueillent, le tout encadré par un psychologue clinicien et un cadre de santé formateur de l’IFSI.

Les GAPE se constituent comme des espaces dans lesquels l’étudiant qui présente, mais aussi ceux qui l’écoutent, vont pouvoir partager leurs expériences de stage afin d’être accompagnés, par des réflexions croisées, dans l’élaboration des enjeux relationnels qui sous-tendent les situations dans lesquelles ils sont impliqués.

Nous rassemblons les visées de ces groupes en trois points-clefs :

  • L’étayage et la sécurité: La fonction contenante d’un tel groupe, différencié des autres espaces et régit par un cadre[5] bien spécifique permet en premier lieu de réassurer et de soutenir l’étudiant dans son élaboration clinique. L’étayage et la sécurité sont les prérequis indispensables pour aider l’étudiant à construire un récit et à renouer avec ses ressources internes, d’autant plus lorsqu’on rajoute à la difficulté de mise en récit la nécessaire confrontation au regard des autres, les craintes du jugement ou de la comparaison qui sont des facteurs d’inhibition considérables. Principalement, la culpabilité et la honte qui peuvent en émerger nécessitent pour être dépassées que des règles claires soient fixées, mais aussi qu’un travail puisse être mené avec les étudiants sur leur représentation du « bon soignant » pour faciliter la libération de la parole. Il y aurait beaucoup à dire sur ce dernier point, mais cela nous écarterait sans doute trop de notre objet d’étude. Toutefois, le recul de trois ans d’expérimentation GAPE nous a permis de constater la prévalence d’identifications particulières chez de nombreux étudiants qui, bien souvent, se fondent aux extrêmes soit :
    • Sur l’image du héros : dont le rôle est de survivre à tout, parfois au risque d’une répression massive de ses propres affects, considérés comme une faiblesse. Une image qui nous semble correspondre à une vision très ancrée du monde moderne où la performance et la productivité sont survalorisées.
    • Ou bien sur l’image de la none : héritée de l’histoire du métier. Une représentation faite d’abnégation, d’un idéal de bonté conduisant à une rigidification surmoïque et à une répression parfois massive des affects négatifs de dégoût, de haine ou de rejet que les patients peuvent susciter en nous.

Des représentations aux deux extrémités d’un éventail qui nous donnent la mesure, à la fois des effets des représentations psychiques sur le vécu de l’étudiant et sa liberté de penser, d’éprouver, de dire ; mais également du travail de déconstruction à mener pour les aider à produire un décalage dans leur posture professionnelle. Étayer l’étudiant, c’est ainsi lui offrir un espace, un contenant sécurisé bordé par un groupe bienveillant visant à le soutenir et l’apaiser face au débordement d’affects pouvant émerger lors de l’évocation de sa pratique de stage.

  • La mise en mots: Ensuite, la construction d’un récit partageable. L’étudiant peut, dans le cadre de son stage, se trouver en prise avec des événements vécus, des éprouvés ou des pensées qu’il n’a pas encore pu mettre en mots, le laissant dans un sentiment de flou, d’indétermination, pouvant générer de l’inhibition et de l’angoisse. Accueillir l’étudiant dans un espace dédié à l’écoute de ces difficultés favorise ainsi la construction, la formalisation d’un récit, d’un contenu psychique fait de représentations et d’affects permettant par ce travail une première mise à distance, une prise de recul nécessaire. Lorsque l’étudiant raconte son histoire, il la reconstruit pour mieux se l’approprier et s’en décaler.
  • L’analyse transférentielle: Elle correspond à la mise en lumière, à l’analyse des enjeux relationnels et de leurs implications intersubjectives. Dès lors que deux personnes entrent en relation, des effets psychiques surgissent de la rencontre. Freud, en son temps, avait relevé que la relation thérapeutique[6] favorisait la réactualisation au présent, dans la relation au thérapeute, de modalités relationnelles précoces autrefois construites avec certaines figures d’attachement. Ainsi, la parole traduit à la fois quelque chose du psychisme de celui qui parle, de son histoire, mais également de celui qui l’écoute et qui interprète, à partir de son propre psychisme, la parole qu’il reçoit. A cela s’ajoute une complexité de niveau, puisqu’il y a la parole qu’on entend consciemment et les effets de résonance inconscients qu’elle produit au regard de notre histoire et de notre manière singulière d’appréhender le monde.

Dans ces échos de paroles entre deux sujets qui se parlent, s’écoutent et s’interprètent souvent sans en avoir conscience, le GAPE se constitue comme un espace d’analyse et de mise en sens des enjeux intersubjectifs. La visée de ce travail d’analyse étant d’accompagner l’étudiant vers un certain degré de conscientisation de tels enjeux, une élaboration de sa posture clinique et de la manière dont il réagit aux événements afin de soigner au mieux ou, à minima, de prémunir le patient et lui-même de conduites maltraitantes. Car les effets psychiques de la rencontre produisent des comportements singuliers, des attitudes chez les patients et des contre-attitudes réactionnelles chez les soignants qui peuvent être d’importants leviers thérapeutiques comme des points de souffrance et ce, dépendamment du travail d’élaboration qui en est fait.

Ainsi, penser la place qu’on occupe dans une relation spécifique, ses éprouvés et les éléments intersubjectifs qui les mobilisent favorisent la mise en œuvre d’une juste proximité thérapeutique au cœur du soin. Un travail d’analyse qui ne se réduit pas à la relation patient-soignant, mais qui gagne à être pensé cliniquement dans les enjeux interpersonnels qui se nouent au sein d’une équipe et de l’institution dans laquelle chacun se trouve pris. L’ajustement de la posture clinique nécessite ainsi de penser plus largement la place que l’on occupe au sein de l’équipe, ce qu’elle peut venir dire de ses difficultés, de l’histoire de l’institution d’accueil et de penser son propre contre-transfert institutionnel pour y construire une place de stagiaire suffisamment bonne.

3. Cadre du dispositif GAPE : construction et biais 

3.1. Illustration d’une séance de GAPE

Les superviseurs préparent la salle. Dix chaises sont disposées en cercle pour accueillir en moyenne huit étudiants. Le nombre de chaises correspond toujours au nombre de personnes attendues même s’il y a des absents et ce, afin de symboliser leur place au sein du groupe.

Les superviseurs prennent alors un temps à deux pour échanger sur l’humeur du jour et les nouvelles concernant les étudiants, les professionnels ou l’institution afin de déblayer la scène psychique pour se préparer à accueillir les étudiants dans des conditions suffisamment bonnes.

Les étudiants entrent et s’installent. Un appel est fait et les absents sont contactés pour s’informer de leur potentiel retard. Lorsque le GAPE commence, aucun accueil n’est fait en cours de séance pour éviter d’altérer la dynamique du groupe. Un rappel du cadre et du sens de cet espace est fait avec les étudiants puis un temps est pris pour échanger avec eux sur le dispositif. Lorsqu’il s’agit du premier GAPE avec les premières années, le temps d’échange peut être plus conséquent afin de s’assurer que chacun est au clair avec l’engagement que nécessite le groupe. Les étudiants sont invités à se présenter à tour de rôle et à décrire leur lieu de stage : lieu, nature du soin, population accueillie, etc.…avant de pouvoir entrer dans le vif des échanges.

A partir de ce point, ils sont libres de prendre la parole sur la base d’une sollicitation : « Qui souhaiterait faire le récit d’une situation ? L’idée étant d’essayer de dégager quelque chose du quotidien, de parler d’une rencontre ou d’observations qui vous ont interpellé, qui ont éveillé des pensées ou des sentiments particuliers qu’on pourrait essayer de penser ensemble ». Les échanges se font ensuite sur la base du premier récit, en essayant de favoriser au maximum l’association libre au sein du groupe. Les superviseurs ont le souci de tenir le cadre tout en favorisant au maximum en son sein la dynamique des échanges. Ils interviennent par relances, pour tenter de traduire ou encore d’interpréter les dires qui pourraient permettre aux étudiants d’interroger leur posture transférentielle. Les superviseurs peuvent également proposer des éléments théorico-cliniques lorsque cela est jugé nécessaire à soutenir la pensée dans le groupe.

En fin de séance, les étudiants s’en vont et les superviseurs prennent un temps de reprise pour parler du GAPE. Sont évoqués les pensées et les ressentis liés à l’ambiance, à la dynamique du groupe, aux contenus des échanges, mais également aux potentiels vécus contre-transférentiels qui pourraient s’installer avec les étudiants, au cas par cas. Ce travail de reprise permet aux superviseurs de penser le sens du tissage transférentiel multiple qui se déploie au sein du groupe. Une démarche nécessaire afin de conserver une mobilité psychique garantissant le support de pensée des étudiants et le sentiment de sécurité du groupe.

3.2. Cadre général 

Le cadre est une bordure qui, par le contrat social qu’il institue entre ses membres, délimite, différencie un espace d’un autre. Et parce qu’il différencie, le cadre permet à un espace d’occuper une fonction différenciatrice, c’est-à-dire qu’il rend possible l’émergence de relations, de contenus psychiques, de comportements différents et parfois inédits. Ainsi un cadre, par la délimitation qu’il impose et les règles qui le fondent, constitue le contenant indispensable à l’accueil et à la transformation des contenus psychiques déposés par les étudiants.

Le cadre définissant les spécificités de l’espace de GAPE se décline ainsi en cinq facteurs :

  • L’accueil: La manière d’accueillir les participants contribue à fonder ce que Jean Oury a nommé l’ambiance. Nous pouvons rapporter l’ambiance au climat général qui s’installe par la mise en commun d’affects et de représentations qui émergent au sein du groupe. L’ambiance est notamment dépendante du lieu, des activités proposées, des personnes et des interactions qui se co-construisent au sein d’un groupe. Le premier accueil des étudiants est donc déterminant pour établir ensemble les conditions premières qui influenceront l’ambiance. Il s’agit pour les superviseurs de favoriser la formation d’un espace collectif qui soit suffisamment sécure et accueillant pour permettre le déploiement de la parole. Ainsi, trois étapes semblent nécessaires lors du premier accueil pour favoriser l’émergence d’une ambiance de travail clinique :
    • La présentation du GAPE, de son histoire, des règles qui le régissent et de ses objectifs.
    • La présentation libre de chacun des membres et de leur lieu de stage.
    • L’accueil des interrogations et des échanges concernant le cadre de travail proposé.
  • La continuité: La contenance du cadre s’appuie sur une certaine continuité ou, quand cela n’est pas possible, sur une verbalisation et une redéfinition avec le groupe des éventuelles modifications. Ainsi, dans chaque groupe de GAPE, constitué d’environ 8 étudiants et deux superviseurs, il sera porté attention à conserver, dans la mesure du possible, les mêmes groupes durant les trois années de formation et ce, afin de renforcer le lien de confiance par le partage d’une histoire commune. Les superviseurs demeurent, eux aussi, les mêmes d’une année sur l’autre. Dans la même ligne, les règles fixées sont conservées. L’attention portée à la continuité du cadre assure ainsi une continuité du groupe et renforce le sentiment de sécurité.
  • Les superviseurs: Ils ont pour fonction de tenir le cadre au sein du groupe et d’accompagner l’étudiant dans son élaboration. Ils se posent ainsi comme les garants de l’espace proposé et font partie intégrante de la fonction d’accueil et de contenance du groupe. En tant que superviseurs, ils ont pour mission de favoriser la circulation de la pensée et de la parole entre les membres du groupe, de soutenir l’élaboration collective et d’être attentifs aux enjeux transférentiels qui se déploient dans le discours de l’étudiant et qui se réactualisent dans le groupe.
    La présence de deux superviseurs, un psychologue extérieur et un cadre formateur, a été pensée comme une manière de soutenir l’articulation entre deux dimensions parfois conflictuelles des GAPE : la question de la formation et celle de l’élaboration psychique. Ces deux dimensions impliquent des postures cliniques très différentes qui demandent aux superviseurs de penser leur manière d’intervenir en fonction de la dynamique des groupes. Une des difficultés repose sur la tentation de recourir au savoir pour endiguer l’angoisse qui circule dans le groupe. Cette fonction de bouchon à l’angoisse est un frein au travail d’élaboration du groupe et doit être travaillée en permanence par le binôme.
  • Le temps de reprise: Le binôme de superviseurs prend un temps à chaque fin de GAPE pour aborder ce qu’il s’est passé pendant la séance. Il s’agira pour chacun d’être attentif à ses propres représentations et affects durant la séance, puisqu’ils sont à la fois les moteurs de leurs interventions au sein du groupe et des indices de ce qui a été vécu par les étudiants. Ce temps de reprise est un travail indispensable d’élaboration des éléments qui nous travaillent afin d’ajuster au mieux notre posture au groupe et aux situations qui se présentent.
  • Les règles : La loi est au fondement de toute communauté. Ainsi l’établissement de règles est central lorsqu’on constitue un groupe. Elles fixent ce qui est autorisé et interdit afin que le groupe puisse se tenir à distance des risques d’insécurité et d’éclatement en donnant à chacun de ses membres une place et une délimitation de son espace de liberté. Parmi les règles qui nous semblent essentielles, nous notons :
    • La confidentialité : Ce qui se dit dans le groupe ne sort pas du groupe et demeure sous le sceau de la confidentialité. Cette règle vaut également pour les superviseurs qui s’engagent à ce que les récits des étudiants restent confidentiels, exception faite d’une situation de danger présente ou à venir pour un étudiant ou un patient.
    • La liberté de parole : On peut dire tout ce qui nous passe par la tête, du moment que cela se fait dans la bienveillance pour le groupe en présence. L’idée de la libre association, empruntée à Freud, vise à permettre une levée d’un excès d’inhibition qui empêcherait de dire. Celle-ci est souvent liée à une représentation erronée -car idéalisée- du métier qui rend difficile l’évocation d’affects ou de représentations négatives à l’égard du patient, ce qui empêche de les mettre au travail dans la relation patient-soignant.
    • L’écoute et l’interdit du parasitage : Si l’écoute de celui qui parle semble être une règle assez évidente, l’interdit du parasitage lui, passe plus facilement sous les radars. Il s’agit de l’interdit d’imposer ses propres pensées à un autre ou de parler à sa place lorsque ce dernier se trouve en difficulté d’élaboration. Assez souvent, lorsque le silence s’installe, une angoisse diffuse circule et peut pousser certains étudiants à transgresser cet interdit pour boucher l’angoisse.
    • La bienveillance et le non-jugement : On peut tout dire dans le respect de l’autre et de sa réalité psychique. Ces règles sont essentielles à la construction d’un espace suffisamment sécure.
    • La présentation des superviseurs comme garants du cadre : Pour que le cadre puisse tenir, il est indispensable que les superviseurs se positionnent comme garants du respect des règles qui ont été instaurées au sein du groupe. Notons enfin que les transgressions de règles ne doivent pas faire l’objet d’une censure par les régulateurs, mais doivent être considérées comme des éléments cliniques à relever, à interpréter et à reprendre en présence du groupe pour en dégager le sens.
3.3. Biais du dispositif GAPE : Le risque de confusion des places

La démarche expérimentale du GAPE nous impose d’en questionner les biais afin que chaque formateur soucieux de construire un tel dispositif puisse être interpellé sur leurs effets potentiels.

Au moment de sa conception, les approches théoriques, notamment celle de Paul-Claude Racamier (2010), psychiatre, sur l’incestuel, nous ont questionné d’emblée sur la confusion des places que pouvait engendrer le fait qu’un cadre formateur occupe une place de superviseur. A la fois responsable pédagogique, évaluateur et donc en position d’autorité face aux étudiants, nous craignions que les enjeux de pouvoir, réels ou fantasmés, puissent renforcer l’inhibition et rendre laborieux l’exercice d’une libre parole pour les étudiants.

Toutefois, soucieux de maintenir un système de binôme, nous avons opté pour la verbalisation auprès de chaque groupe de première année de l’existence d’un tel biais en nous engageant à la plus grande attention au fait que leurs dires demeurent circonscrits à cet espace et n’aient pas de répercussion sur leurs évaluations, qu’elles soient quantitatives ou qualitatives.

A l’heure actuelle, aucun repérage franc dans les groupes ni aucune verbalisation des étudiants, en face à face ou lors de leur réponse anonyme au questionnaire[7] qui leur a été remis, n’a permis d’identifier clairement les effets d’un tel binôme sur l’inhibition des étudiants.

En revanche, cela ne nous semble pas suffisant pour écarter un tel biais de la liste. Si des difficultés de mise en récit demeurent chez certains, nous ne sommes pas en mesure d’en déterminer une étiologie précise et donc de démêler les facteurs subjectifs liés au vécu de l’étudiant des paramètres du groupe. De plus, les facteurs inconscients liés aux effets de la double place formateur/superviseur peuvent rendre difficile la conscientisation de tels enjeux pour les étudiants qui pourraient attribuer leur inhibition à d’autres facteurs au travers d’une rationalisation erronée qui viserait, inconsciemment, à protéger les superviseurs.

Dans cette mesure, pourquoi ne pas avoir éliminé ce biais dès le début ?

3.4. Pertinence du binôme formateur-psychologue

Tout d’abord et de manière rétroactive, nous notons que malgré la présence de ce biais, la majorité des étudiants occupe une place active au sein des GAPE ou parvient à entrer dans la mise en récit à la suite de la prise de parole d’un camarade. Ce repérage d’après-coup nous semble important à signifier car il témoigne, si des effets de biais existent, de leur étendue limitée qui jusque-là n’entrave pas le bon déroulement des GAPE.

En contrepoint de ces effets de biais qui, pour être clairement identifiés, nécessiteraient de choisir des superviseurs étrangers à la structure en vue d’une comparaison, nous justifions le choix d’un binôme psychologue-formateur en trois points :

  • La recherche d’une articulation entre la formation et la clinique: Les GAPE ont ceci de particulier qu’ils s’adressent à des étudiants en formation et non à des professionnels. Ceci implique que nous accueillions des personnes qui sont amenées, par leurs expériences de stage, à occuper une fonction soignante sans toutefois avoir pu recevoir et intégrer certains savoirs[8] relationnels indispensables à la pratique clinique. Ainsi, le binôme formateur-psychologue permet de mettre au travail les deux pôles que sont la formation et la clinique dans une approche dialectique entre la théorie et la pratique, entre les obligations protocolaires et l’imprévisibilité de la rencontre avec le patient. Une conflictualisation qui nous semble d’autant plus nécessaire qu’elle permet aux superviseurs de rejouer -et donc d’interroger- les conflits psychiques dans lesquels les étudiants peuvent être pris. Dans cette perspective, la posture des superviseurs doit être pensée de près, et retravaillée sans cesse lors des temps de reprise, car elle oscille régulièrement entre une position pleine, celle du savoir, et une position en creux, celle de l’accueil du dire et de la mise en circulation de la parole. L’attention portée à la place du savoir dans de tels dispositifs porte sur son ambivalence : il peut être un support à l’élaboration comme un bouchon dont la fonction est de proposer une réponse à la réflexion des étudiants qui abolit dans le même temps l’angoisse et la circulation de la parole. Il arrive que la tentation d’une position trop maternante, celle qui consiste à remplir le vide laissé par les étudiants, à les protéger de l’inconfort laissé par leur incapacité à traiter une situation, nous pousse à apporter une réponse clôturante qui permet de renouer avec une certaine quiétude au sein du groupe, au prix du travail de la parole. Ce mode de fonctionnement, calqué sur le modèle problème-solution doit être pensé dans les effets d’interruption du fil associatif qu’il produit.
  • Le croisement des regards: Le travail de reprise en binôme permet de confronter les observations et d’interroger à deux l’expérience commune pourtant traversée singulièrement par chacun des superviseurs. Cette rencontre permet de comparer les expériences et les interrogations qui en émergent, mais aussi de pouvoir interroger la posture de l’autre et de formuler des hypothèses sur ses effets. Cette démarche à deux permet ainsi de renforcer le travail d’élaboration de la posture de chaque superviseur, mais également de l’adapter au plus près, d’une séance à l’autre, à chaque groupe. C’est à partir de cette rencontre que peuvent notamment être parlés les rapports au savoir, les contre-attitudes parfois défensives ou encore les effets de la double place formateur-superviseur. C’est dans cette élaboration d’après-coup que la qualité de présence des superviseurs pourra demeurer suffisamment bonne pour favoriser la prise de parole des étudiants et leur capacité à penser les situations auxquelles ils sont confrontés.
  • Rencontrer autrement les étudiants: La construction d’un cadre est le prérequis indispensable à la construction d’un espace différenciateur. Le cadre du GAPE permet ainsi aux formateurs inscrits sur le dispositif d’accueillir les étudiants dans un contexte autre qui favorise de nouvelles modalités de rencontre. Le déplacement de la position de formateur vers celle de superviseur, avec ce qu’elle exige de non-jugement et de séparation des espaces[9], ouvre sur une qualité d’écoute et une libération de la parole qui semble modifier le rapport empathique établi avec les étudiants. Des témoignages des deux plus anciennes superviseures, le dispositif de GAPE leur a permis de changer leur regard sur les étudiants, d’entendre autrement et de prendre meilleure mesure de leurs difficultés modifiant ainsi la qualité des liens construits et l’appréhension de leur vécu de stage. En favorisant une disponibilité de chacun à l’accueil de la parole de l’autre, des pensées et des affects qu’elle porte avec elle, l’empathie du groupe et l’étayage psychique des étudiants s’en trouvent renforcés. Ce bénéfice bilatéral des espaces de GAPE apparaît comme un élément central justifiant l’intérêt d’un travail de binôme articulé avec un formateur de l’IFSI. Nous soutenons que le cadre constitué ouvre la possibilité d’un changement durable des relations formateurs-étudiants par le renforcement du lien de confiance et d’un accueil empathique de la parole. Dans cette mesure, les GAPE peuvent être pensés comme des espaces facilitateurs de la parole permettant aux formateurs d’entendre autrement et d’évaluer plus finement les enjeux de terrain auxquels sont confrontés les étudiants.

4. L’utilisation du GAPE pour l’analyse institutionnelle

L’accompagnement des étudiants tout au long de leur formation[10] a permis, par une approche globale et longitudinale, d’interroger les effets des dynamiques institutionnelles et des dispositifs de formation sur les étudiants. En procédant à des recoupements à partir des GAPE, il devient possible d’analyser les problématiques redondantes se dégageant des récits des étudiants afin d’envisager l’impact des dispositifs institutionnels sur la construction de leur posture professionnelle.

4.1. L’évaluation de stage : les enjeux de pouvoir face à la prise de parole

Les étudiants infirmiers arrivent dans des structures de soins déjà constituées et sont intégrés en tant qu’éléments extérieurs pour une durée de stage déterminée à l’avance. Cela pose, pour les équipes, la question de l’accueil et de la manière d’accompagner les étudiants dans leur apprentissage.

Lorsque les institutions sont en bonne santé, cette intégration ne pose le plus souvent pas de problème : l’arrivée des étudiants a été parlée en amont, les infirmiers référents de stage ont été désignés ou se sont proposés et l’accueil des étudiants permet une bonne prise de contact avec le terrain de stage et les patients. Les relations sont fluides et le cadre suffisamment sécurisant pour permettre à l’étudiant une liberté d’expression et des prises d’initiatives favorisant la construction de sa posture et de son identité professionnelle.

En revanche, lorsque les institutions sont en moins bonne santé, pour des raisons aussi variées qu’un turn-over important, un événement traumatique récent, des conflits d’équipe non traités ou une surcharge de travail, pour ne citer que ces exemples, les conditions d’accueil des étudiants peuvent s’en trouver profondément altérées. Dans ce cas de figure, bien souvent, l’équipe est en difficulté pour penser l’accueil du stagiaire : l’étudiant débute son stage sans que les soignants ne soient au courant ; il n’a, le plus souvent, pas de référent désigné et la question des modalités de transmission des savoirs dans le cadre de son stage n’ont pas été parlées. Dans ce cas de figure, lorsque l’équipe se trouve dans une difficulté quotidienne telle qu’elle est entravée dans sa capacité à porter un stagiaire, le sentiment de sécurité de l’étudiant peut s’en trouver fragilisé, rendant plus difficile l’acquisition d’un sentiment de légitimité et entravant, de fait, la prise de parole et d’initiative durant le stage.

Lors des GAPE, les étudiants témoignent fréquemment dans un tel contexte de leur crainte d’occuper une place de mauvais objet qui pourrait avoir des répercussions sur leur évaluation de stage, précieux sésame tant attendu. Face aux situations parfois difficiles qu’ils peuvent rencontrer, qu’il s’agisse de relations conflictuelles avec certains soignants ou lorsqu’ils se trouvent pris dans un clivage d’équipe[11], les étudiants font très souvent référence au temps qu’il leur reste à faire avant la fin de leur stage, à l’image d’une peine à purger. Leur sentiment d’impuissance à pouvoir agir favorablement sur la situation rencontrée les pousse à occuper des postures effacées ou hyperadaptées visant l’évitement de tout conflit susceptible de mettre à mal leur évaluation, allant parfois jusqu’à garder le silence face à des situations qui les interrogent pourtant sur la qualité de l’accompagnement du patient.

Ces enjeux d’évaluation créent les conditions d’un rapport de pouvoir référent-étudiant qui n’est donc pas sans effet sur leur posture durant leur stage. Que ce pouvoir soit réel ou fantasmé, ses effets psychiques sont exactement les mêmes pour le sujet qui en témoigne puisqu’il est pris par sa réalité psychique ; l’important n’étant pas la réalité objectivée de la situation, mais le vécu intime de l’étudiant qui en fait le témoignage.

Si ces situations font l’objet d’une mise au travail lors des GAPE, espace tiers permettant de penser ces situations et de produire un certain décalage, nous ne pouvons faire l’économie d’interroger la portée psychique du mode d’évaluation par portfolio qui est décrit par les étudiants comme un dispositif sans tiers : comment expliquer que la fonction de tiers symbolique de l’IFSI soit psychiquement peu opérante pour nombre d’étudiants alors même que les missions d’accompagnement sont remplies par l’organisme de formation ?

Tout semble se passer comme si le dispositif d’évaluation par portfolio plaçait les étudiants dans un rapport direct de dualité avec leur référent qui gagnerait à être interrogé pour pouvoir dégager les étudiants d’une représentation arbitraire et sans appel de leur évaluation de stage.

Ainsi, comment envisager la fonction tierce dans un tel dispositif ?

4.2.   La fonction de tiers institutionnel de l’IFSI

La fonction de tiers symbolique de l’IFSI entre les étudiants et les institutions d’accueil nous amène à interroger la manière dont le dispositif d’évaluation pourrait être médiatisé.

En effet, l’analyse institutionnelle fondée sur les échanges en GAPE nous conduit à faire l’hypothèse que le portfolio ne laisse pas suffisamment de place à l’IFSI dans le processus d’évaluation des stages, plaçant étudiant et référent dans un rapport de dualité pouvant produire deux effets néfastes :

  • Un rapport de pouvoir entre le référent et l’étudiant que nous avons déjà évoqué pouvant mettre à mal, par l’inquiétude qu’il suscite, la capacité de l’étudiant à dire et à prendre position au sein de l’équipe favorisant ainsi des postures effacées ou hyperadaptées.
  • Une difficulté pour le référent à se dégager de la relation à l’étudiant : l’accompagnement d’un étudiant favorise la construction d’un lien affectif particulier, un lien qui rend parfois difficile le maintien d’une juste distance nécessaire à l’accomplissement de la mission d’évaluation du référent. L’infirmier référent peut ainsi s’identifier à l’étudiant, se trouver pris dans des sentiments de culpabilité à l’idée de mal l’évaluer ou se trouver influencé par des affects négatifs pouvant déprécier son évaluation. A ce titre, les mécanismes d’identification, de projection et la nature du contre-transfert sont des éléments actifs qu’il convient de prendre en compte dans le processus d’évaluation des étudiants et qui nécessitent, pour être pensés, la présence d’un tiers qui permettra de médiatiser la rencontre.

Ainsi, comment l’IFSI pourrait-il renforcer sa fonction de médiation dans le dispositif d’évaluation de stages ?

Cette interrogation pédagogique ne relève pas de notre champ de compétences, mais propose toutefois une analyse du dispositif d’évaluation actuel au regard de ses effets potentiels sur la capacité des étudiants à occuper une posture professionnelle sur leur terrain de stage.

4.3. Le travail de réseau avec les partenaires de santé

Pour pouvoir fonctionner, le dispositif de GAPE a nécessité un travail d’information et d’articulation avec l’ensemble des institutions de soins accueillant les étudiants en soins infirmiers.

Pour que les étudiants puissent parler de leurs expériences du quotidien, nous avons proposé que les séances de GAPE soient organisées sur leur temps de stage et comptabilisées comme telles, avec l’idée que ce temps d’élaboration est un temps de mise au travail lié à la pratique de terrain. Cela n’a rien d’anodin, puisque les institutions d’accueil sont amenées à libérer l’étudiant sur un temps initialement destiné au stage.

Pour permettre une médiation entre le service d’accueil et l’étudiant, nous avons proposé d’ajouter deux composantes au dispositif :

  • Afin de dégager l’étudiant d’un potentiel conflit de loyauté entre son stage et les attentes de l’IFSI, nous avons choisi, en articulation avec les superviseurs et la direction, de rendre le GAPE obligatoire[12]. Ceci vise à le délester d’une prise de position contrainte dans une situation qu’il n’a pas choisie.
  • La rédaction d’une note d’information signée du directeur de l’IFSI à destination des partenaires visant à décrire les GAPE, leur caractère obligatoire ainsi que le planning des séances.

Les effets s’en sont fait ressentir et nous avons pu observer plusieurs cas de figure :

  • La plupart du temps, les services permettent à l’étudiant de se rendre au GAPE.
  • Rarement-nous ne dénombrons que quelques occurrences en trois ans-certains services en difficulté refusent de libérer l’étudiant pour qu’il puisse faire son GAPE sans en informer l’IFSI.
  • Une seule fois, un cadre de santé refusant de libérer l’étudiant a pris contact avec l’IFSI pour discuter de la situation.

Que pouvons-nous dégager de ces observations ?

Tout d’abord, notons que les institutions ne se sont pas opposées à l’instauration de ce dispositif. Hormis les quelques résistances ponctuelles évoquées, les étudiants ont pu se présenter à leur séance de supervision. Dans une époque qui voit disparaître progressivement les réunions cliniques et les supervisions, la reconnaissance des GAPE dans le parcours de stage des étudiants rappelle ainsi l’importance de la clinique relationnelle dans leur formation, mais plus globalement dans l’accompagnement et les soins portés aux patients.

Ensuite, les échanges lors des GAPE laissent entendre que les difficultés des institutions conduisant au refus de libérer l’étudiant étaient toutes liées à un manque d’effectif qui ne pouvait être compensé. De telles déclarations, qui se recoupent avec d’autres situations déjà évoquées avec les formateurs, questionnent la place de l’étudiant infirmier sur son terrain de stage : comment se fait la distinction entre le professionnel et l’étudiant au regard des responsabilités et de l’organisation du travail ? Comment maintenir une différenciation qui préserve l’étudiant des problématiques de service ?

Ces éléments relancent une réflexion qui gagnerait à être menée sur un axe pédagogique en articulation avec les services de soins, car ils pointent à leur tour l’ambiguïté de la place du stagiaire : à la fois dedans et dehors, apprenti et professionnel. Une position mouvante aux limites parfois floues qui peut mettre en difficulté l’étudiant dans la construction de sa posture professionnelle.

Enfin, nous faisons l’hypothèse, au regard des éléments recueillis, que le dispositif GAPE a permis de renforcer une position tierce de l’IFSI dans le rapport de l’étudiant avec les services d’accueil. Le cadre et les articulations constituées favorisent l’émergence d’hypothèses de travail et semblent créer les conditions d’une plus grande réflexivité permettant de requestionner les modalités d’interventions auprès des partenaires afin d’améliorer la qualité de l’accompagnement des étudiants.

5. Analyse des premiers résultats concernant les effets du GAPE

Les premières données de retour d’expérimentation de l’espace GAPE par les étudiants via un questionnaire[13] anonyme tendent à confirmer la pertinence d’un tel dispositif dans les IFSI. Toutes précautions gardées au regard de la taille de l’échantillon, les observations longitudinales croisées avec les différents superviseurs ainsi que les déclarations des étudiants vont dans le sens d’une confirmation de la pertinence du cadre théorico-clinique proposé et de ses effets.

Les réponses des étudiants, en concordance avec leurs retours en fin de GAPE, soulignent leur intérêt pour le dispositif dans leur parcours de formation : 86.7 % des étudiants interrogés ont émis le souhait que le GAPE se pérennise au sein de l’IFSI.

Parmi les éléments les plus saillants du questionnaire -avec une échelle allant de 0 (pas satisfaisant) à 5 (pleinement satisfaisant) -, une majorité des étudiants interrogés considère que le GAPE :

  • Leur a permis de se sentir moins seuls dans leur vécu d’étudiant sur le moment (82.6 % ayant répondu 3, 4 ou 5) et dans la durée (69.6 % ayant répondu 3,4 ou 5).
  • Leur a permis de mieux comprendre certaines situations de stage (problème posé, mécanismes, enjeux relationnels et affectifs) (80.4 % ayant répondu 3, 4 ou 5).
  • Leur a permis de trouver de nouvelles façons de penser leur posture clinique afin de s’adapter ou de réagir différemment aux situations (73.9 % ayant répondu 3,4 ou 5).
  • Leur a permis de développer ou de renforcer le sentiment de pouvoir agir, d’avoir un impact sur les événements qui se présentent à eux dans le cadre de leurs études (69.6 % ayant répondu 3,4 ou 5).

Ces points tendent à montrer que le GAPE répond aux difficultés principales évoquées dans la première partie de cet écrit, en y ajoutant de fait le développement de la capacité à construire un récit partageable qui est un effet inhérent au travail d’analyse des pratiques.

En contrepoint, deux zones de fragilité demeurent et nous interrogent sur des axes d’amélioration possibles :

  • Avec 65.3 % des réponses rassemblées autour de la moyenne (en 2 et 3), les étudiants semblent témoigner d’un effet relatif du GAPE sur leur capacité à construire plus facilement leur place au sein des équipes de soins durant leurs stages.
  • Avec des chiffres comparables (54.4 % des réponses en 2 et 3), les étudiants ne semblent pas témoigner d’un sentiment franc d’apaisement dans la durée lié aux GAPE.

Ces données, qui tendent à pointer les limites du GAPE, nous rappellent la nécessité d’une réponse multi-axiale visant à penser conjointement les difficultés des étudiants sur un axe psychique et institutionnel, par l’analyse des dispositifs s’inscrivant dans le parcours de formation.

Pour pouvoir traiter plus en profondeur certaines sources du mal-être des étudiants, notamment leur difficulté à trouver leur place au sein des équipes soignantes, nous soutenons l’importance pour les IFSI de poursuivre en parallèle un travail d’articulation avec les partenaires de santé qui permette de repenser les modalités d’accueil, d’accompagnement et d’évaluation des étudiants sur leur lieu de stage. Dans cette perspective, le GAPE s’intègre comme un point d’articulation permettant aux IFSI de se saisir d’un autre regard sur la manière d’envisager ses rapports avec les étudiants et les partenaires de santé.

6. Pour conclure

Les premières données et le cadre théorico-clinique construit semblent confirmer la pertinence du GAPE dans le traitement de points de souffrance des étudiants infirmiers en lien avec leur formation. Elles tendent à montrer que le GAPE agit efficacement sur un certain nombre d’axes en lien avec les abandons en cours de formation. De plus, le dispositif semble également permettre d’améliorer le niveau de compréhension des enjeux relationnels et la posture clinique des étudiants sur leur lieu de stage.

Dans le même mouvement, la fenêtre que le GAPE ouvre sur l’analyse institutionnelle nous rappelle l’importance d’associer à l’étayage et au travail d’élaboration des étudiants des modalités d’action sur les dispositifs qui encadrent leur formation afin d’agir plus efficacement sur leurs difficultés. C’est par ces allers-retours du singulier au collectif et du psychique aux cadres institutionnels qu’il devient possible d’agir favorablement sur le mieux-être et la formation clinique des étudiants.

Ainsi, il nous semble pertinent d’imaginer le GAPE, non comme un îlot dont on attendrait qu’il se tienne dans une position d’extériorité, mais comme une presqu’île permettant d’ouvrir une réflexion sur les effets d’un ensemble plus large auquel il appartient.

Cet espace peut alors s’envisager comme un trait d’union entre l’IFSI, l’étudiant et les services de soins en permettant un recentrement de la réalité psychique de l’étudiant au cœur des dispositifs pédagogiques : une opération qui donne sa place à la subjectivité de l’étudiant pour qu’à son tour il puisse donner toute sa place à celle du patient dont il aura la charge.

C’est par l’étayage, l’ouverture à la libre parole, l’analyse relationnelle et institutionnelle que le GAPE permet d’ouvrir des perspectives de transformation permettant aux étudiants de construire une réflexion et un savoir-y faire avec une réalité de terrain parfois difficile à appréhender.

De quoi nous inviter à soutenir la construction de dispositifs similaires dans les autres IFSI du territoire.

Références bibliographiques

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Dejours, C. & Gernet, I. (2012). « Travail, subjectivité et confiance ». Nouvelle revue de psychosociologie, vol. 13, no. 1, 75-91.

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Lamaurt F., et al. (2011). « Enquête sur le vécu et les comportements de santé des étudiants en soins infirmiers ». Recherche en soins infirmiers, 105 (2), 44-59.

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Reznik, F. (2009). « Le groupe Balint, une autre façon de penser le soin ». Le Journal des psychologues, n° 270, 29-30.

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Simon, H. (1929). Une thérapeutique plus active à l’hôpital psychiatrique, Berlin et Leipzig. Ed. Walter de Gruyter, (trad. fr. Hôpital psychiatrique de Saint-Alban, inédite).

Simon, M. (2023).  Les étudiantes en formation d’infirmière sont trois fois plus nombreuses à abandonner en première année en 2021 qu’en 2011. DREES, Études et résultats, n°1266.

 

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Notes

[1] https://www.fnesi.org/site/kw1S19v5RsW1uatqu18iQQ/api-website-feature/files/download/18703/ddp-__-enquete-bien-etre-2022-de-la-fnesi-version-presse-2__1_.pdf?file_type=media_files

[2] Selon cette enquête portant sur le bien-être des étudiants en soins infirmiers (Esi) sur la base de 15652 réponses exploitables, nous observons une augmentation de 13,1 points par rapport à l’enquête de 2017 d’étudiants ayant déclaré avoir fait des crises d’angoisse, passant de 33,9 % à 47,8 %. De même, une augmentation de 9,4 points des étudiants ayant déclaré avoir fait une dépression, passant de 19 % à 28,4 %, une augmentation de 9,5 points des étudiants ayant déclaré avoir eu recours à une consultation auprès d’un professionnel de la santé mentale, passant de 13,8 % à 23,3 % et enfin, une augmentation de 9 points d’étudiants ayant déclaré avoir eu des pensées suicidaires, passant de 7,4 % à 16,4 %, ce qui correspond à près d’un étudiant sur six en 2022. Plus globalement, et toujours selon cette même enquête, en 2017, 52,5 % des Esi déclaraient que leur santé mentale s’était dégradée depuis le début de leur formation contre 61,4 % des étudiants en 2022.

[3] Reznik, F. (2009). « Le groupe Balint, une autre façon de penser le soin », Le Journal des psychologues, n°270, p. 29-30

[4]   C’est à dire les représentations et les affects qui émergent chez l’étudiant dans une relation clinique.

[5] Cf. Partie 3.2. Cadre général

[6] Pour Freud, dans Psychanalyse et médecine, le transfert est « un phénomène humain général, il domine toutes les relations d’une personne donnée avec son entourage humain ». Il fait donc partie de la vie quotidienne. Toutefois, notons que la particularité de la relation thérapeutique, entre celui qui demande de l’aide et un autre qui y répond, réside dans l’asymétrie de la relation proposée qui exacerbe le déploiement du transfert. On comprend ainsi que de tels enjeux transférentiels ne se circonscrivent pas à la relation patient-soignant, mais puissent également se déployer dans la relation stagiaire-formateur ou stagiaire-référent.

[7] Dans la perspective d’éclairer davantage les effets du GAPE sur les étudiants et leur motivation à s’engager sur ce dispositif, un questionnaire leur a été remis incluant un encart permettant une expression libre.

[8] Nous englobons sous le terme de « savoir » les connaissances théoriques, le savoir-faire et le savoir-être.

[9] Par « séparation des espaces », nous nous référons aux règles de confidentialité et l’interdit énoncé pour le superviseur d’utiliser le contenu des échanges du GAPE à des fins extérieures se rapportant à sa fonction de formateur, telle que l’évaluation de l’étudiant.

[10] A raison de cinq GAPE sur trois ans, deux pour la première et deuxième année, un pour la dernière année.

[11] Les clivages d’équipe peuvent produire des effets sur l’accompagnement des étudiants. Par exemple, lorsque deux soignants en conflit accompagnent un étudiant, il est fréquent que chacun lui montre une manière différente de faire un même soin, sans concertation préalable. Ces deux méthodes étant différentes et le conflit entre les soignants étant clairement identifié par l’étudiant ce dernier, pour satisfaire chacun des partis, adapte sa méthode de soin à l’infirmier en présence sans parvenir à questionner les contradictions dans lesquelles il est pris. Cette position, visant l’évitement du conflit, conduit l’étudiant à développer une posture d’hyperadaptation aux situations entravant sa prise de position professionnelle.

[12]   Notons qu’aucune sanction n’est portée aux étudiants en cas de manquement de séances de GAPE afin de les responsabiliser dans leur participation, il nous semblait pertinent de proposer un système décalé du fonctionnement scolaire, avec l’idée que chacun puisse s’interroger sur son engagement. Ainsi, il est rappelé lors du premier GAPE l’importance de leur présence dans le groupe pour la réflexion collective et le soutien de leurs camarades et nous leur demandons de justifier leurs absences auprès de la cadre de santé supérieure. A ce titre, l’obligation n’occupe qu’une fonction symbolique visant à amener une réflexion chez l’étudiant sur son implication dans le collectif.

[13] Ce questionnaire anonyme proposé en mars 2023 réunissant 46 réponses, nous a offert un premier aperçu de la manière dont les étudiants ont éprouvé le dispositif GAPE.