Yves-Félix Montagne

MCF Sciences de l’éducation et de la formation
Université de Franche Comté. ELLIADD
yves_felix.montagne@univ-fcomte.fr

Résumé

Ce texte présente « une » façon de concevoir, construire et conduire un Groupe de Parole et d’Analyse de Pratiqué (GPAP) en étant orienté par la psychanalyse. Cette option épistémologique demande de comprendre les participants comme des sujets divisés par l’inconscient et que leur parole est équivoque, scindée entre dit (énoncé) et dire (énonciation). Le rôle de l’animateur sera précisé car il met en lumière l’écoute singulière de ce genre de rencontre. Les différentes étapes d’un GPAP, se déroulant à partir d’un cas ex-posé par un participant, intègrent la prise en compte de ce qui s’entend dans ce qui est dit. Cette forme d’analyse en compagnie a pour but d’améliorer « l’être-bien » professionnel des participants.

Mots-clés 

groupe, psychanalyse, parole

Catégorie d’article 

Texte de réflexion en lien avec des pratiques ; modalités d’analyse de pratiques professionnelles

Référencement 

Montagne, Y.-F. (2022.). Tenir l’orientation de la psychanalyse dans la conception et l’animation des GPAP (Groupes de Parole et d’Analyse de Pratique). Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 23, 21-50. https://www.analysedepratique.org/?p=5465.


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Keeping the orientation of psychoanalysis in the design and animation of GPAPs (Groups for Talking and Analysis of Practice)
Abstract

This text presents “a” way of conceiving, constructing and conducting a Group of Talk and Practice Analysis (GPAP) with a psychoanalytic orientation. This epistemological option requires an understanding of the participants as subjects divided by the unconscious and that their speech is equivocal, split between saying (statement) and saying (enunciation). The role of the facilitator will be specified because it highlights the singular listening of this type of meeting. The different stages of a GPAP, based on an ex-posed case by a participant, integrate the consideration of what is heard in what is said. This form of analysis in company aims to improve the professional « being-well » of the participants.

Keywords

group, psychoanalysis, speech


Manter uma orientação psicanalítica na conceção e funcionamento dos GPAP (Grupos de Discussão e Análise da Prática)
Resumo

Este texto apresenta « uma » forma de conceber, construir e dirigir um Grupo de Fala e Análise da Prática (GFAP) de orientação psicanalítica. Essa opção epistemológica requer a compreensão de que os participantes são sujeitos divididos pelo inconsciente e que sua fala é equívoca, dividida entre o dizer (enunciação) e o dito (enunciado). O papel do facilitador será clarificado, pois evidencia a necessidade de escutar de forma singular este tipo de encontro. As diferentes etapas de um GPAP, a partir de um caso exposto por um participante, incluem a tomada em consideração do que se ouve no que se diz. O objetivo desta forma de análise da empresa é melhorar o « estar bem » profissional dos participantes.

Palavras-chave

grupo, psicanálise, fala


 

1. Introduction

Dans le texte, il s’agit de présenter une manière de concevoir et de prendre en charge un moment de discussion collective entre pairs, un Groupe de Parole et d’Analyse de Pratique (GPAP), en étant orienté par la psychanalyse et la linguistique. Le cadre épistémologique et méthodologique qui structure ce moment d’élaboration collective, a déjà été présenté ailleurs (Montagne, 2014, 2017). Il s’agit plutôt ici de préciser d’une façon explicite et utilisable les « postures » (au sens donné par Bucheton & Soulé de manière de penser / dire / faire, 2009) que peut prendre un animateur[1] de GPAP et celles qu’il demande de prendre aux participants.

Le « groupe » dont il est question dans cet article, est un collectif d’une douzaine de professeurs (stagiaires ou titulaires, tuteurs de professeurs stagiaires, doctorants chargés de cours, maitres de conférences, …). Lors de cette analyse réflexive dans l’après-coup, un participant raconte à d’autres quelque chose qu’il a vécu et ce que cette expérience a provoqué en lui. Les échanges sont organisés et ordonnés par un animateur formé à cette fonction et habitué à l’écoute de sa propre parole en tant que participant à l’analyse de sa pratique personnelle (de professionnel et d’animateur de GPAP).

 « Analyser » selon le dictionnaire consiste à « séparer un corps complexe en corps simples, pour en comprendre la composition » (cf. une analyse de sang). Le corps complexe est, en GPAP, un moment professoral qui a été important pour celui qui en parle ; un punctum dirait Barthes (1980).

Entendons « pratique » comme la manière concrète d’exercer une activité mettant en œuvre des principes, des relations aux autres, en vue d’obtenir des résultats. La pratique en jeu dans ce texte est l’enseignement.

Dans le sigle GPAP, le ‘‘P’’ de parole est le signifiant maître qui représente et détermine l’originalité de cette forme d’analyse de pratique en compagnie qui « prend soin de la parole » (la formule est de Gavarini, 2009). La notion de parole sera définie plus loin, mais il faut dire d’ores et déjà qu’il s’agit d’offrir un moment où chacun peut avoir « l’audace de se laisser parler[2] ». Cela favorise une énonciation qui « porte à conséquences » (Lacadée, 2001). Autrement dit, cela revient à permettre à des enseignants de parler en se sachant écoutés en vérité, de façon à possiblement transformer celui qui s’exprime comme celui qui entend. Cela demande de concevoir que dans un GPAP, c’est autant ce qui est dit (le contenu explicite du propos), que ce qui se dit (le contenu implicite du propos), mais aussiomment c’est dit (la forme du propos) qui sont considérés comme la valeur angulaire et incontournable des échanges et de l’analyse. Le « dit et le dire » (l’énoncé et l’énonciation) et leur interrelation, orientent la façon d’entendre, d’analyser et de faire évoluer les participants. Il est donc logique que des éléments de linguistique colorent l’acte d’animation de celui ayant la responsabilité de ce de moment.

Il est évident aussi par cette option que c’est bien l’orientation de la psychanalyse en tant que procédé d’écoute thérapeutique qui fonde un GPAP. Cela demande de prendre en compte l’équivoque de la parole, de mesurer l’écart entre signifié et signifiant, de faire attention à ses effets qui dépassent ceux de la simple signification.

En cela les GPAP s’inspirent des groupes Balint (1961), des Groupes de Soutien Au Soutien (Lévine, 2010), des GAPP (Nimier, 1991, groupes d’analyse de la pratique professionnelle ), des GACPP (Groupe d’analyse pratique professionnelle, Blanchard-Laville, 2000), des « conversations du CIEN » (Lacadée, 2001), des « supervisions » en tant que « holding du holding » (Allionne, 2005) et de « l’analyse des gestes professionnels » (Alin, 2010) pour ce qui concerne le rapport au langage et à la sémantique. Toutes ces formes d’analyse clinique sont en quelque sorte des légataires des « Soirées psychologiques du mercredi [3]» mises en place par Freud au début du XXème siècle. Elles réunissaient des thérapeutes analysant entre pairs leur relation respectives à leur pratique, en appliquant à eux-mêmes, dans ce moment précis la « technique psychanalytique » d’usage du verbe.

Cet adret « clinicien » de l’analyse de pratique, complémente l’ubac « réflexif » de l’analyse de pratique en groupe tel que développé par Loizon (2021), Etienne (2014), Robbo (2002). On peut se référer au texte de Fablet (2004) qui dresse un panorama précis des différents paradigmes. Il s’agira ici de montrer le supplément original que propose l’orientation psychanalytique et linguistique à l’analyse de pratique en groupe : celui qui parle et ceux qui l’entendent sont considérés comme des sujets divisés par l’inconscient et pris dans les rets du langage.

Pour ce faire seront précisés successivement les enjeux de cette orientation, la nature et le rôle de la parole, la conception des participants pris comme « sujets », la fonction impliquée de l’animateur d’un GPAP, et les étapes du processus d’analyse collective. On peut, pour nommer les différents moments d’une analyse de pratique en groupe, parler de phases, de périodes, de temps. On préférera ici « étape » compte tenu du sens triple du mot : « lieu où l’on s’arrête au cours d’un déplacement », « intervalle à parcourir pour arriver à une destination » et « période dans le cours d’un événement ; palier, point notable marqué par un fait important ».

2. Une certaine idée de l’utilité et de la nature des GPAP

Un GPAP propose une expérience permettant d’affronter autrement l’épreuve de l’enseignement. Cela revient à chercher à aider les participants à construire leur « être-bien » de professeur, mais aussi, de leur permettre le cas échéant de passer du « mal-être » à l’« être-mal ». Si le bien-être est (selon l’OMS) « l’état agréable résultant de la satisfaction des besoins du corps et du calme de l’esprit », « l’être-bien » est « le bien être plus le sentiment de savoir (un peu) pourquoi on est bien » (Montagne, 2021). Dans la même logique si le mal-être est l’état d’un être humain qui se sent mal dans une situation (dans les deux sens de l’expression se sentir ; avoir l’impression de et se percevoir), « l’être-mal » est le fait de se sentir mal, mais en sachant (un peu) la cause de cet éprouvé. Un GPAP ambitionne donc d’aider ceux qui y participent à en savoir plus sur eux pour transformer leur rapport à la situation dans laquelle ils évoluent.

Il s’agit d’aider, ce jour-là, l’ex-posant[4] à faire autrement avec le Réel[5] de la situation qu’il décrit, en la comprenant autrement, en s’y représentant différemment, en imaginant une autre façon de l’aborder lors de la prochaine rencontre. Ceci revient à changer de point de vue sur soi, sur l’autre en jeu dans ce qui est décrit, sur la situation, et au final sur le métier d’enseignant. Il s’agit de déconstruire pour reconstruire des habitus d’usage et de compréhension de l’autre, autant que de soi.

Mais un GPAP, dans l’univers scolaire, est aussi à prendre comme une alternative aux habituels face à face qui mettent en présence des professeurs avec leurs élèves, avec leurs pairs, avec leurs formateurs. Une alternative car toutes ces rencontres sont régies par l’imaginaire. Or, se mettre à parler en compagnie « + 1 », en étant attentif et attentionné vis-à-vis de la parole, est un changement de taille. En effet ce genre de parole peut aboutir, à faire exister un dire nouveau pour celui qui ose s’ex-poser autant qu’un rapport nouveau à la parole (la sienne et celle des autres). Ces deux nouveautés permettant pour certains participants, de changer quelque chose dans la compréhension et la conduite de l’acte d’enseignement dans leurs classes. Elles donnent en tous cas une autre valeur et une autre saveur à la compétence professorale n° 7 « Maîtriser la langue française [6]» et évite aux participants les chances d’être englués dans une parole cataphasique (un bla-bla sans conséquence ni texture) durant toute leur carrière d’enseignant.

2.1. Dans un GPAP chaque participant est considéré comme un « sujet » divisé

Le sujet dont il est question dans ces pages et dans un GPAP, désigne l’être humain parlant.  La notion lacanienne du sujet ne désigne ni le « moi » de la conscience ni le « je » de l’énoncé (le « je » dont on parle) ou de l’énonciation (le « je » qui parle) de la linguistique. Le sujet est l’être humain en tant qu’effet de signifiant (au sens saussurien du terme), c’est-à-dire en tant que conséquence de sa parole sur l’autre. Préciser que « le sujet lacanien est un sujet subverti » (Leguil, 2019). Cela signifie que le sujet est l’être humain qui parle là où il ne pense pas. En effet celui qui parle n’est pas tout ce qu’il dit et ce qu’il dit n’est pas que ce qu’il est. En d’autres termes, dans un GPAP, on fait attention au fait qu’on ne dit pas toujours ce que l’on pense et qu’on ne pense pas toujours ce qu’on dit. Néanmoins, c’est la parole d’un sujet (ce qu’il dit et ce qui s’entend dans ses mots), aussi approximative et mal interprétée que ce soit, qui fonde son rapport à lui, au monde et aux autres. On verra plus loin comment faire avec cette approximation et ce mal-entendu.

L’écart entre l’être et sa parole est le premier marqueur de la division du sujet. Le deuxième marqueur de la division humaine est celle causée par la trilogie des instances psychiques freudiennes (Freud, 1923) ; le Ça, le Moi et le Surmoi et par leurs affrontements.

Le Ça est l’instance qui nomme le vivier des pulsions, et qui pousse l’être humain à assouvir ses envies les plus bestiales. Le Moi est l’instance des identifications ; elle constitue l’image qu’un sujet a de lui, ce qu’il a comme représentation (en partie) consciente de lui. Le Surmoi est l’instance de contrôle qui, par l’intégration des interdits et des commandements de la société (et de la famille), pousse le Moi à rester fidèle à la conscience morale, à la bienséance, aux valeurs, et à ne pas céder aux demandes du Ça.

Un participant en GPAP, quand il ex-pose une situation qui l’inconforte, témoigne souvent (sans le savoir) du fait que ces trois instances s’affrontent dans ce qu’il vit. Ce qu’il voudrait, vraiment (les pulsions en lui) s’oppose à ce qu’il pense devoir présenter comme image moïque de lui, et ce qu’il croit devoir faire pour être conforme à ce que lui demande sa loi intime. Les trois instances freudiennes sont construites principalement durant la petite enfance, dans le lien aux parents. Le rapport au présent du métier peut ainsi parfois être inspiré par quelque chose du passé de celui qui parle. Ainsi, toute situation peut être, sous une autre forme, envisagée comme « la renaissance d’un conflit infantile que [l’ex-posant] a connu avec ses parents ou ses maîtres » (Postic, 1979). En prenant le temps d’entourer de mots ce que cette trilogie provoque chez un enseignant, on peut, parfois, le mettre au jour et en aplanir les encombres.

Le troisième marqueur de la division du sujet est la proposition lacanienne de la « ternarité » du psychisme. Lacan, fort du structuralisme et de la linguistique, a conçu la psyché humaine divisée entre le Réel, Le Symbolique et l’Imaginaire (Lacan, 1975).

Le Réel n’est pas la réalité, encore moins le « réel de l’activité[7] » ; c’est à dire la tâche effectivement réalisée par un professionnel. Le Réel lacanien est l’impossible de l’être humain ou du monde. C’est ce qui, dans ce que vit un sujet, en lui ou dans sa rencontre avec les autres, est indicible et irreprésentable. Le Réel désigne ce qui, en l’homme et autour de l’homme, est ineffable ou irreprésentable faute de mots ou d’image pour le représenter, mais qui pourtant existe, revient, embarrasse, ou laisse coi.

Le Symbolique est ce qui représente chez le sujet l’univers du langage, l’ordonnancement du monde grâce aux mots d’une langue, et, plus précisément, grâce aux signifiants. Le Signifiant, en linguistique est non seulement la forme mentale d’un mot, mais aussi la valeur subjective et syntaxique accroché au signe/son que représente ce mot. Cette valeur d’un signe/mot est complémentaire du Signifié qui désigne la représentation mentale du concept associé au signe/son. Se tient dans cette dialectique du Symbolique l’écart entre le sens littéral d’un mot et son sens figuré.

L’imaginaire est ce qui renvoie aux représentations, aux identifications, aux images qu’un être humain construit pour se représenter le monde et lui-même).

Ainsi dans un GPAP, celui qui parle expose aux autres, via le Symbolique, le souvenir Imaginaire d’une situation professionnelle. On peut penser que si l’ex-posant décide de faire part de cette situation aux autres c’est parce qu’elle a provoqué chez lui une confrontation au Réel et l’a laissé sans savoir quoi en dire ou quoi en penser. Il s’agit alors de « faire passer le Réel par le Symbolique » (Terrisse & Labridy, 1990) pour transformer et aider celui qui parle.

Dans un GPAP, ces trois positions épistémologiques permettent de comprendre quand il est important de comprendre que ce dont parle celui qui s’ex-pose n’existe pas en soi. Cela n’existe que parce que cela lui pose question parce que cela le perturbe, l’interroge, l’angoisse, le fait souffrir, en perturbant son homéostasie psychique.

Si le corpus théorique de la psychanalyse est convoqué dans un GPAP, ce n’est pas à des fins thérapeutiques. Ce n’est pas non plus pour exprimer de façon docte et donc fausse et infondée un avis sur une structuration psychiques particulière. Ni l’animateur, ni les participants ne sont analystes. C’est en cela que le « langage intermédiaire » inventé par Lévine[8] est la forme retenue pour parler des concepts de psychanalyse sans en convoquer les mots.

2.2. Le savoir est du côté du sujet

Dans une cure, celui qui possède le savoir sur ce qui le fait souffrir c’est le patient. Le savoir de l’analyste n’est là que pour aider celui qui parle à en dire davantage, et davantage en vérité.

Un GPAP repose sur ce postulat. Quand un participant ex-pose quelque chose de sa vie passée « il n’est pas sans savoir même s’il dit ne rien y voir » (Lacan, 1966a). Pour l’aider à y voir plus clair, l’animateur se doit de n’être ni un « sujet savant (celui qui sait le savoir théorique) ni un sujet sachant (celui qui sait le savoir pratique, qui sait faire faire) » (Montagne, 2022a). Il ne s’agit pas de donner un cours, ni d’expliciter notions et concepts. Il s’agit dit Nasio (1980) de « feindre l’oubli ». Bion (1970) ajoute qu’il faut être « sans mémoire » et donc ne pas convoquer son savoir savant ou ses connaissances d’expérience pour comprendre et élaborer une suite à la situation mise en lumière. Il convient juste d’aider à libérer la parole à propos de ce qui est évoqué, d’en souligner les manques autant que le poids signifiant afin de donner une autre couleur, une autre forme à ce qui est évoqué.

Cette posture est parfois difficile à prendre (et à tenir) pour un animateur de GPAP qui est souvent aussi un formateur ou un enseignant. Il doit frustrer son désir de nourrissage des participants en face de lui. Enseigner est en effet « se déposséder de son savoir au profit d’un autre » (Postic, 1979), en régurgitant le savoir savant déjà un peu digéré (un certain aspect de la transposition didactique) à la manière du pélican. Cette forme active de la pulsion orale (nourrir l’autre) demande d’être réfrénée dans un GPAP en une forme intermédiaire de cette même pulsion (faire que l’autre se nourrisse), voire une forme médiée de cette pulsion (se fasse nourrir par ses pairs).

S’attacher à ce renversement du lien au savoir permet une co-construction de signification sur ce que vit l’ex-posant, sans proposer de signification a priori ou de signification finale.

2.3. Faire attention à la parole

Il est nécessaire pour préciser ce qu’est la parole, de faire un petit détour par la linguistique[9].

Le langage est la concrétisation du pouvoir de communication de l’être humain. C’est un instrument mental qui par l’usage du signe et du son permet de se représenter et dire le monde et la compréhension que l’on en a. Les linguistes (de Saussure à Jakobson) précisent que le langage est ce qui permet, dans un contexte défini, d’établir un contact avec un interlocuteur et de lui adresser un message qui sera compris grâce à un code commun.

La langue est le système spécifique d’expression parlée à telle ou telle communauté humaine, qui prend valeur d’institution et impose à chacun de s’exprimer pour être compris sous les formes d’un vocabulaire et d’une grammaire. Elle se définit ainsi dans le temps et l’espace et alimente cultures, catégories sociales, professions qui comprennent en leur son sein plusieurs niveaux d’emploi (grossier, familier, courant, soutenu). Ces différences sont des combinaisons singulières de lexiques (un ensemble de mots) et de codes (ces mots sont organisés en acceptions conventionnelles).

La parole est la concrétisation du pouvoir d’expression d’un être humain dans une langue par le choix de certains mots dans l’ensemble lexical à sa disposition. Elle matérialise le fait d’utiliser certains termes et leurs nuances pour se faire comprendre des autres et pour exprimer ce qu’il pense.

La psychanalyse, fort de l’exemple des lapsus, des homophonies équivoquant la signification (je sais pas moi / je c’est pas moi) ou des effets d’approximations langagières (résumées par l’expression « ce n’est pas ce que je voulais dire[10] »), avance que le choix des mots quand quelqu’un parle n’est pas totalement conscient. Ainsi toute parole peut être une manifestation de l’inconscient de celui qui parle, et révéler quelque chose de sa structure psychique. Lacan (1975) a nommé ce pan de la parole la « Lalangue » (écrit en italique et attaché). Les GPAP s’attachent à prendre en compte et en charge cette teneur latente des propos échangés par les participants. Ce que Althusser (1993) nomme le « double fond des mots » fait qu’il se dit de temps à autre, quand quelqu’un parle, plus et/ou autre chose que ce qu’il pense/veut dire. Dans cet en plus, dans cet autre chose, se logent parfois les clefs de compréhension et de dénouement de la situation évoquée. C’est en cela qu’un GPAP demande de faire attention à la parole (veiller sur elle et être, et s’en méfier).

2.4. S’obliger à dire : le pari de la parole

Dans un GPAP, il s’agit d’appliquer le commandement de Kant (1992) du devoir formel envers soi-même et envers autrui, et de parler par obligation morale. Dans un GPAP on se doit de parler.

Un animateur cependant peut laisser le choix de prendre ou pas la parole, et permettre aux silencieux de le rester. Il respecte comme dans la cure, la possibilité de silence. Mais fort du fait qu’un GPAP est un moment de formation qui repose sur la solidarité des formés et sur l’auto-implication dans sa propre formation, il semble intéressant pour tous de forcer un peu le verbe en demandant à ce que tous prennent la parole à chaque rencontre. Il se joue là une expérience de la solidarité professionnelle, parler peut aider l’autre. La parole peut être prise ne serait-ce qu’en proposant une phrase, une question, un avis, une piste de réflexion. Cette incitation « à se livrer » repose sur le pari de la parole. Pour expliquer cette option, on peut prendre la comparaison avec le pari dans des jeux d’argent. Dans un tel moment pour avoir une chance de gagner, il faut miser. On n’est pas sûr du résultat, on peut ne pas gagner, on peut perdre ; cependant sans le risque du pari, pas de gain. Dans un GPAP il en va de même. Pour gagner il faut parler, mais en parlant on n’est pas sûr de gagner. S’exprimer revient à parier que se parler (dans l’équivoque de l’expression, dire entre pairs, livrer quelque chose de soi) va permettre de s’entendre, ou pas. Cette incertitude renvoie à ce qui a Cette incitation été dit en introduction, la psychanalyse se place dans le champ du ratage possible.

Néanmoins, il n’est pas toujours facile de (se) forcer à parler. Un certain nombre de participants peuvent être pris autant dans l’insécurité linguistique (Bentolila, 2004) ; penser ne pas avoir assez de mots, assez précis pour exprimer ce qu’ils ont vécu, ce qu’ils ressentent), que dans l’insécurité langagière (Rossetto, 2004) ; se méfier des effets secondaires de ses paroles, des conséquences subjectives des mots prononcés sur l’interlocuteur ; des réactions agressives de ce dernier comme, de l’absence de réaction de celui-ci. Il s’agit donc d’oser dire fort du postulat que « les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d’eux » (Char, 1948). Un GPAP offre ainsi un espace-temps sécuritaire, où disait un participant « on peut se parler tranquille ». C’est cette tranquillité qui fait que souvent ce sont des paroles pleines qui arrivent en GPAP, des paroles vraies qui dévoilent qui est celui qui parle.

Cela dit, contrairement au pari d’argent, on peut aussi gagner dans un GPAP en ne pariant pas. Les taciturnes, les taiseux lors des bilans de fin d’année, disent en grande majorité que les GPAP leur ont plu, qu’ils y ont trouvé leur compte. Alors pourquoi ce devoir de parole ? Pour faire gagner autrui, le locuteur à qui on s’adresse (qu’il soit ex-posant ou participant), mais aussi les autres qui entendent ce qui se dit. La parole est un moyen de gain altruiste, fraternel, car si elle peut ne pas faire gagner le locuteur, elle peut faire gagner un des auditeurs. Cela signifie qu’il convient en tant qu’animateur de mettre le groupe au service de celui qui (s’)ex-pose autant que celui qui parle au service du groupe. C’est une variante locutoire de la « convivencia [11]» mise en lumière par Paolo Freire (2006) .

Reste que pour beaucoup de professeurs débutants parler (surtout de soi) insécurise. Pourtant Cocteau (1947) avertit « souvent l’idée nait dans la bouche », et souvent dans un GPAP, le locuteur ne savait pas qu’il savait quelque chose avant de s’entendre le dire. Il s’agit d’oser parler sans avoir prémédité sa parole, dans une sorte de déclinaison de l’association libre freudienne. Cet usage de la parole est souvent nouveau et apeurant pour les enseignants qui pensent maîtriser la langue française et préméditer tout de leur discours quand ils parlent aux élèves.

Bien entendu, par déontologie, si l’animateur peut s’autoriser à donner/demander la parole, pour pousser à parler, les participants ont le droit de ne pas répondre et de se taire.

Se dresse là une des bornes éthiques cadrant un GPAP. Au-delà des éléments « classiques » d’un moment d’analyse de pratique en groupe (pas d’agressivité verbale, pas de coupure de parole, anonymat et confidentialité), ce rapport obligé à la prise de parole participe à la construction du sentiment d’appartenance à un groupe, à « ce » groupe. Il s’agit de s’habituer à ces autres, de s’habituer à soi avec ces autres, et de s’habituer à cet autre en moi qui s’exprime quand je parle. Participer aux échanges en disant quelque chose, et donc en se dévoilant pour aider, fait que cette habitude se construit plus vite et plus facilement.

2.5. La situation ex-posée est considérée comme « un cas »

Sans sujet pas de symptôme annonce la psychanalyse. Cela signifie que la situation ex-posée par celui qui en parle, « en soi » n’existe pas. Elle n’existe que parce qu’elle a provoqué chez un sujet une réalité subjective qui l’a embarrassé. On entend souvent en GPAP la surprise de certains participants devant l’effroi ou l’insupportable d’une situation décrite par un autre, alors qu’elle a été chez eux de moindre portée affective. C’est pour cela que Freud a différencié la réalité matérielle, sociale et consciente (Wirklichkeit) de la réalité psychique, intime et inconsciente (Realität). Ce dont parle l’ex-posant c’est de la valeur affectante pour lui d’une situation, de « sa » situation. Dans un GPAP se télescopent différentes valeurs de la situation ex-posée. Celle vécue (dans le Réel) par l’ex-posant, la trace qu’il en garde (dans l’Imaginaire), ce qu’il en dit (dans le Symbolique) et ce que son discours provoque chez ceux qui l’écoutent dans leurs trois instances psychiques.

Pour cette raison la situation ex-posée sera considérée comme un cas. Le terme « cas » signifie pour le dictionnaire « ce qui fait rupture avec la continuité, trompe l’attendu, pose problème ». Le cas est donc un effet de surprise qui interrompt le déroulement d’un événement, d’une situation. Dans un GPAP une situation fait cas quand elle souligne une énigme pour celui qui en parle. C’est en cela que toute proposition de situation doit être prise comme l’expression d’une plainte de celui qui ose la formuler. En ex-posant comment tel élève, tel collègue, tel parent lui pose problème celui qui parle témoigne de sa sortie du « principe de plaisir ». Ce concept freudien désigne ce qui dans la dynamique psychique d’un être humain organise sa vie pour lui procurer de la satisfaction et un évitement du déplaisir. Or, parfois, dans le métier d’enseignant, des éléments viennent perturber cet idéal hédonique. On peut penser que la nature de ce qui provoque cet impossible à supporter est autant de nature contextuelle (c’est un en soi qui se produit et qui possède une valeur relativement objective = un parent agressif qui vient se plaindre) que de nature structurelle (l’écho subjectif, lié au passé, à l’histoire de vie de celui qui parle, que l’interpellation agressive du parent prend pour celui à qui elle s’adresse). Il s’agit donc d’entendre que la situation exposée a une double valeur explicite et latente et de postuler que ce qu’expose celui qui parle vaut « pour lui / en lui » avant tout et qu’en cela il est important de s’en occuper avec / pour lui.

Dans la même logique de valeur subjective de la situation ex-posée, il est possible aussi de considérer que parfois l’être humain, alors qu’il se plaint fortement d’une situation qui l’embarrasse, ne fait rien pour la transformer, voire fait ce qu’il faut pour la provoquer. Il peut se tenir dans ce genre de situation un point de jouissance au sens lacanien du terme : quelque chose de satisfaisant pour le psychisme d’un sujet mais de désagréable pour lui.

Il ne s’agit pas, fort de ces deux pistes interprétatives, de la nature d’une proposition de situation de proposer qu’on en fasse une analyse clinique. Un GPAP n’est pas thérapeutique car ni l’animateur ni les participants ne sont thérapeutes. Il s’agit juste de poser que les choses ne sont pas aussi simples qu’il y parait et que la teneur complexe de ce qui est ex-posé constitue la majorité des situations exposées.

C’est en cela que toute situation présentée doit être prise comme un cas. Fix-Lemaire (2021) précise que le cas « constitue le nœud épistémologique par lequel s’articule le particulier à l’universel. C’est grâce à cette particularité que l’on peut faire en sorte que chacun des participants fasse sienne la situation dont on a parlé. Par exemple, cela permettra à un professeur de lycée professionnel enseignant les sciences de l’ingénieur de rentrer en résonnance avec un collègue de petite section ex-posant son embarras vis-à-vis d’un élève mordant ses camarades. Dans les deux situations il s’agit de traiter de l’interdiction de jouir contre son gré du corps de l’autre.

Prendre en considération la situation, pour en faire un cas demande aussi, dans une logique holistique, de comprendre que les éléments à analyser sont autant l’ex-posant qui parle, que « l’autre » dont il parle (élève, groupe d’élèves, classe, collègue, …) et les autres absents-présents de la situation. Dans un cas le problème évoqué relie tous ces sujets. Préciser que les « absents présents » sont tous les sujets symboliques et imaginaires qui étayent et encadrent (à côté, avant), sans se montrer, les protagonistes d’une situation. Les parents respectifs, la fratrie, des enseignants passés de l’ex-posant, ses formateurs, ses collègues, peuvent avoir un rôle dans la dynamique structurelle d’un cas. Lacan (2001) avance, en parlant des psychanalystes, mais ceci vaut aussi pour ceux qui écoutent en GPAP, qu’ils sont « les spectateurs d’un drame dont la moitié des acteurs jouent dans la pièce d’à côté ». Cet assujettissement multiple est intéressant à repérer, à souligner et à mettre au travail. Il peut révélerarfois, les causes insues de l’embarras de l’ex-posant. C’est là une des parts du rôle de l’animateur.

3. Le rôle de l’animateur ; la fonction de « +1 »

L’animateur est celui qui donne une âme à un groupe. Il lui incombe en cela, et en premier chef, de prendre le rôle d’adjuvant révélateur (au sens photographique) de ce qui se trame au cœur d’une situation exposée par un des participants. Cette fonction est différente d’autres formes d’analyse de pratique. Elle est complexe car l’animateur n’est pas celui qui explique « voilà ce que signifie ce que vous dites » mais celui qui, dans une logique maïeutique, aide l’ex-posant et le groupe à mettre en mot ce qui s’entend dans ce qui est dit par chacun.

En second lieu l’animateur s’engage à être le garant du cadre du GPAP (l’enchaînement des étapes des échanges, leur teneur, le respect des règles de sécurité langagière). Pour ce faire, il doit assurer la participation de tous mais aussi empêcher, en intervenant directement s’il le faut, que certains participants prennent la totalité de l’espace de parole et d’élaboration.

Cette fonction renvoie à quelque chose de celle de « +1 » telle que décrite dans les cartels lacaniens (réunion de 4+1 psychanalystes discutant d’un thème commun lors de rendez-vous réguliers durant une année). Le « +1 » a pour rôle de prendre en charge « la sélection, la discussion et l’issue à réserver au travail de chacun [12]» et de faire en sorte de mettre au travail du savoir qui ne soit pas déjà là. Renvoyant à l’idée évoquée supra, que dans un GPAP, le savoir est du côté du sujet, le « +1 », précise Miller (1986) « ne s’ajoute au cartel qu’à le décompléter », soit en d’autres termes à ne pas renforcer les certitudes, à installer doute et esprit critique, à éviter toute discussion de tourner en rond, à identifier le savoir co-construit.

3.1. Adopter la technique du canard

Un canard qui avance à la surface de l’eau dans un étang donne l’impression d’être immobile, d’avancer sans bouger. Or en dessous de la surface, ses pattes palmées s’agitent et le propulsent vers l’avant.

Un animateur de GPAP se doit de conserver cette image à l’esprit. Cela demande de présenter, dans la mesure du possible, un corps immobile, un visage neutre. En dessous de cette surface apparemment inactive, il réfléchit, il « palme » pour avancer vers la compréhension seconde de ce qui est prononcé. Cela revient à chercher ce qui veut se dire / ce qui se dit dans ce qui est entendu. Cela consiste par exemple à se demander, en écho aux paroles prononcées : « Que demande-t-il en disant cela ? Pourquoi dit-il cela comme ça ? Pourquoi ne parle-t-il pas de ça ? Comment en est-il arrivé là ? Ces questions se posent car la déontologie demande de ne pas attendre l’autre où on voudrait le voir, où on le pensait, mais l’entendre où il est, voire où il n’est pas. Dans ces interrogations en pensée, il convient aussi de s’inclure au tableau interrogé. C’est le recours au « 3ème œil » qui est nécessaire ici. Le troisième œil renvoie à « l’expérience que l’on peut faire lorsqu’au cours d’une dispute avec la personne que l’on aime, on a l’impression qu’un troisième œil s’échappe de son propre corps et qu’il observe l’altercation avec le détachement du zoologue penché sur tel ou tel spécimen » (Tobing Rony, 2007). Dans ce moment d’interprétation en direct, l’animateur d’un GPAP doit avoir à l’esprit que ce qui est dit s’adresse aussi à lui, au-delà de ce qu’il est dans l’instant présent, mais aussi à ce qu’il représente (l’institution, un adulte plus âgé, une femme, un homme, un formateur, une figure parentale, …).

Il y a quelque chose de l’écoute active rogerienne dans cette façon de prêter l’oreille sans le montrer, de se détacher de ce qui est dit et s’entend, pour attraper ce qui se dit et s’écoute. Cependant, il ne s’agit pas juste de reformuler, de se mettre à la place de l’autre, de s’attacher au non verbal comme le préconisent en substance Rogers & Kinget (1962). Il est question ici de chercher à diminuer le possible mal-entendu. Bien entendre n’est pas bien comprendre ou écouter attentivement mais écouter en ne se contentant pas que du sens premier, de la signification syntaxique du propos. Cela revient à se souvenir du postulat que tout énoncé peut vouloir dire autre chose que ce qu’il exprime. Dans une parole dit et dire se côtoient, se renforcent ou s’invalident en permanence. Dans cette division d’une parole, on peut attraper quelque chose de la vérité de celui qui parle. Cela revient à s’efforcer de saisir les demandes contenues dans des affirmations, d’aider à formuler des questions, d’analyser des besoins pas forcément exprimés de façon explicite.

3.2. « Dire que oui » à ce qui est proposé et « parler juste »

Accueillir une parole sans jugement, ni préconception stigmatisante ou réaction affectée est la position prise par l’Analyste. Elle engage en cela l’animateur à dire oui, à accepter que ce qu’il entend est de l’ordre de la vérité subjective de celui qui parle. Par exemple, si un participant dit « j’ai vu un élève s’envoler » à lui répondre : « ah très bien…??? C’était où ? Tu avais déjà vu cela ? Qu’est-ce que ça t’a fait ? Il volait vers où ? Haut ?  Explique-moi ce que tu en penses d’avoir vu cela ? A cause de quoi volait-il ? C’est la première fois que tu le voyais ? ». En fait ce genre de questionnement renvoie à quelque chose du « discours de l’analyste » (Lacan, 1991). Cette façon de se positionner vis-à-vis de la parole va contre les identifications et défait ce qui paraît évident pour un sujet car elle laisse entendre à celui qui parle l’importance de ce qu’il dit. Ce discours ne commande pas mais accepte la vérité subjective de celui qui s’exprime. Tenir la position d’animateur de GPAP demande de mobiliser des compétences d’accueil et d’interprétation et non de conseil ou d’évaluation.

Lors de ses prises de parole, un animateur doit donc tendre vers ce que Mireille Cifali (2020) nomme le « parler juste ». Il n’y a pas de correction grammaticale ou d’orthodoxie syntaxique dans cette formule, encore moins de parole exacte (au sens scientifique) ou de « bien disante ». Une parole juste, dit en substance Mireille Cifali, est une parole qui se cherche, qui hésite, trébuche. Une parole qui laisse des blancs, qui bégaye. Ces hésitations, ces respirations laissent de l’espace à l’autre à qui elle s’adresse. Elle lui permet de s’y inclure, de s’en entourer.

3.3. Ecouter ce qui se dit dans ce qui s’entend et en faire part pour faciliter les choses

On l’a dit plus haut, la parole se doit en GPAP d’être considérée avec ses deux teneurs, le dit et le dire. C’est en écho à l’attention flottante que cette façon de prendre soin de la parole a été nommée « l’écoute souple » (Montagne, 2014). Pour attraper ce qui se dit dans ce qui s’entend, ce qui fait énigme, ce qui tranche avec l’attendu, ce qui ne va pas, ce qui surprend, il convient d’avoir « le coup d’oreille » (Ansermet 1999) en étant attentif aux trébuchements de la langue, aux lapsus, aux néologismes, aux erreurs de syntaxe, aux variations de rythmes d’élocution, d’intensité et de volume de la voix. Écouter dans ce qui s’entend demande d’être attentif au signifiant, au son qui équivoque le sens par effet d’homophonie. On ne sait pas si en entendant « Je sais pas moi… » il n’a pas été dit « je c’est pas moi ». Cela revient à écouter le son en s’inspirant de la « langue des oiseaux » qui, en jouant sur l’homophonie, permet de changer la signification d’une phrase en gardant le même son mais en changeant l’écriture des mots (mettre/maître, pour rassurer/pour assurer).

Il s’agit aussi d’être attentif à ce qui ne se dit pas, aux blancs, aux « eueeeuuuh » prolongés, quand quelqu’un parle. Ces silences éloquents, au « poids performatif [13]» (Rousseaux, 2003) peuvent être un signe que quelque chose de la structure psychique de celui qui parle (et donc de son rapport au cas évoqué) affleure dans le langage. La psychanalyse enseigne que quelque chose du sujet apparait quand l’être humain qui parle « ne sait pas ce qu’il dit, quand bel et bien se dit quelque chose par le mot qui lui manque, » (Revue Silicet, 1970). De la sorte, comme les silences, les éléments / personnages absentés du récit de l’ex-posant sont intéressants à repérer. Un ex-posant en précisant « Comme mes frères j’ai pratiqué le sport, alors c’est vrai que quand j’enseigne L’EPS, je m’y revois. On allait avec mes frères voir mes oncles jouer aussi, mon père nous entrainait parfois et … Enfin voilà » montre sans le dire que la mère, les sœurs, les tantes, les femmes ne sont pas dans son schéma familial. Ceci est un point important quand on sait que le cas ex-posé mettait en scène ses relations conflictuelles avec une collègue.

Il s’agit bien de prendre au mot celui qui parle et donc de se livrer à sorte d’analyse de discours (Giust-Desprairies & Levi, 2002). En ayant « l’oreille percée par le signifiant » (Ansermet, 1999) les chaines signifiantes de celui qui parle et de celui qui entend s’entrecroisent de façon à produire du sens en plus, un autre sens qui peut donner une porte d’entrée vers ce qui agite/anime celui qui parle de ce qu’il a vécu et, finalement, permettre d’ourler de mots sa confrontation au Réel.

S’il convient d’attraper ce qui dénote, ce qui saute à l’oreille alors que ce n’a été que mi-dit (formule lacanienne), il s’agit aussi de permettre au groupe de l’entendre. Se tient là un processus qui s’approche de la facilitation (Dubost, 2006). Cette manière d’alerter le groupe sur ce qui se passe en son sein en temps réel permet de pointer ce qui survient dans le groupe, à cause du groupe et de mettre le groupe au travail sur « ça » (les participants semblent s’ennuyer, se désintéressent ou s’éloigner trop de l’objet de la discussion ; des tensions ou des conflits naissent entre participants, des sous-groupes se forment et s’affrontent, deux participants s’opposent frontalement…). Dans sa progression vers l’accomplissement de sa tâche, tout groupe peut effectivement rencontrer des obstacles dont la nature n’est pas d’ordre logique mais psycho-affectif (Kaës, 2010).

Attirer l’attention des participants sur ce qui se dit dans ce qui s’entend, peut être fait de façon subtile par l’animateur avec un certain nombre de formules :

 « Avez-vous entendu ce qui se dit ? / ce que vous avez dit ? »,

 « Dans ce que vous avez dit que pouvait-on entendre… »,

« Au fond, que ne dit pas l’ex-posant ? »,

« En fait, à qui s’adresse l’ex-posant? ».

L’animateur peut aussi s’impliquer et s’ex-poser en demandant « ce que j’ai entendu dans ce que vous venez de dire c’est … qu’en dites-vous ? ». Pour tout cela, l’animateur doit être provocateur d’attention et veilleur à la forme et au fond de ce qui se dit.

Dans ce « care » de la parole, il est important aussi de ne pas se satisfaire des mots fourretout avancés par celui qui parle. Un mot fourretout est un terme à la signification floue, polysémique, voire ambigüe mais partagée par une population ou un corps de métier. A force d’être employés de façon évidente, ces mots se retrouvent vidés de leur sens profond et chacun peut leur faire dire ce qu’il veut. Quand un ex-posant affirme « c’est vrai que moi, j’ai toujours été bon pendant ma scolarité, bon avec quelques périodes de de de trou, mais sinon ça a été correct », tous les enseignants présents comprennent. Mais, on ne sait pas ce que signifie pour celui qui parle, les mots « bon», « trou », « correct »l peut être intéressant de faire définir ces mots, de les déployer, comme on dit d’une carte IGN, pour en apprendre davantage sur ce qu’ils prennent comme valeur subjective pour celui qui les emploie. Il ne s’agit pas d’essayer de s’entendre sur une définition commune qui serait le plus petit dénominateur commun au groupe. Il s’agit au contraire de pointer la singularité de la valeur signifiante et subjective que prend un mot quand il est « préféré sans réfléchir » parmi tous les mots de l’ensemble du vocabulaire de celui qui s’exprime pour dire ce qu’il désire dire. Dans l’exemple proposé, on pourra s’attacher plus particulièrement à « trou » ? compte tenu du bégaiement provoqué par la triple répétition du mot « de », qui pourrait signaler quelque chose de difficile à dire, à remplir…et donc d’important pour le locuteur.

Dans cette démarche, il s’agit de sortir de l’implicite d’une conversation habituelle ou la proximité sociale/professionnelle qui fait que l’on se comprend à mi mots, que l’on voit ce que l’autre veut dire quand il emploie des mots du sérail. Dans cette posture d’animateur, il ne faut pas voir ce que l’autre veut dire, mais lui demander ce qu’il veut dire quand il dit « trou ». Bien entendu, le signifiant se défile toujours et il n’y a pas de sens vrai, de sens certain, mais on peut pour ourler un mot de signification et demander à celui qui l’a employé d’en donner une définition personnelle, un synonyme, un antonyme, d’en décrire un usage, d’exprimer un sentiment vis-à-vis de ce mot, de préciser le moment d’une rencontre personnelle avec le concept qu’il porte, d’en cerner des possibles causes d’apparition, d’en extrapoler un usage ailleurs dans un autre pan de vie, de clarifier sa façon de composer avec ou de l’éviter, de penser des pistes pour transformer le lien qu’on entretient avec lui. La liste n’est pas exhaustive. Ces précisions permettent à celui qui parle d’en savoir davantage sur son lien avec « ce » signifiant ; aux autres d’entrevoir davantage de ce que représente la situation décrite pour l’ex-posant et de voir en quoi ils ont pour eux-mêmes, proximité ou distance avec cette représentation.

3.4. Faire cas de l’affect

Un GPAP est un espace-temps « où on parle d’affect et de relation » (Cifali, 2012. Il est donc logique qu’une des caractéristiques de la méthodologie de conduite d’un GPAP demande que l’ex-posant, à la fin de sa présentation, évoque les affects que ce dont il vient de parler a provoqué en lui. On peut définir l’affect comme « le terme catégoriel groupant tous les aspects subjectifs qualificatifs de la vie émotionnelle au sens large » (Green, 1973). « L’affect est un effet » (Solers, 2011) de quelque chose extérieur au sujet sur quelque chose d’intérieur au sujet. En effet, l’affect, « a à voir avec l’histoire du sujet, mais peut ne pas être connu dans l’immédiateté. Il est ce par quoi le corps est saisi par la pulsion » (Cifali & al., 2019). Précisons qu’un affect est une émotion, sur laquelle il est difficile (voire impossible) de mettre des mots, qu’il est difficile de nommer. Pour concrétiser le rapport affectif/affecté de l’ex-posant au cas qu’il évoque, on peut demander la mise en mots de la sensation, du ressenti éprouvé :

– pendant la situation,

– juste après la situation,

– depuis l’expérience,

– maintenant en en reparlant.

Ces précisions permettent au groupe et à l’animateur de mesurer la relation que l’ex-posant établit avec ce dont il parle et ce qu’il a vécu. Elles permettent aussi à tous de comprendre combien une même situation peut engendrer des positions subjectives (affectées) différentes (cf. le partage des ressentis des ateliers pycho-Lévine[14]). En permettant l’accueil d’une parole affectée du malaise d’un sujet, un GPAP met le groupe au travail sur l’écho affectif qui force à dissocier ce qui est vécu raconté ou entendu. Il participe en cela à la construction de ce que Mauco (1968) nomme « la maturité affective ».

4.   Des étapes classiques mais revisitées

Les différentes étapes d’une analyse de pratique en groupe sont assez communes et identiques, quelle que soit la « chapelle théorique ». Ces moments où les rôles respectifs de chaque membre (ex-posant, participants, animateur) sont définis et précis ordonnent les 2h30/3h que durent un GPAP.

Le GPAP reprend ces différentes étapes classiques (choix-exposition-questionnement-interprétation-modifiable-conclusion), mais la teneur de chacune d’entre elles est colorée par le choix de la psychanalyse et la place donnée à la parole.

Bien que ce ne soit pas propre au GPAP et que toutes les formes d’analyse de pratique en groupe ne la proposent pas, la 6ème étape ici présentée permet au groupe de proposer à l’ex-posant des façons concrètes de transformer le cas, des manières de rencontrer la situation autrement, des possibles pour affronter différemment le prochain cours.

Ce choix résulte d’une position éthique fondée par le fait que la majorité des participants aux GPAP ont été et sont des enseignants stagiaires ou titulaires qui, la plupart du temps, n’ont pas demandé à être là. En n’ayant pas fait acte de volontariat pour s’engager dans une analyse de leur pratique, on peut penser qu’ils ne vont pas être aussi engagés dans un travail sur eux (et sur leur rapport au cas) que le sont ceux qui décident d’eux-mêmes de se mettre au travail de façon décidée et intime. Il semble donc normal de permettre à l’ex-posant de ne pas se retrouver seul, plus ou moins embarrassé (voire angoissé) avec sa situation « démontée » (corps complexe séparé en corps simple). Cette position est à moduler dans le cas de participants volontaires qui vont d’eux-mêmes hors du GPAP se mettre au travail et élaborer des transformations. Cela dit donner ou pas de pistes de modifiable peut être choisi ou peut être proposé par l’animateur pour un groupe de participants volontaires en cas de situation de grande difficulté ou de grande souffrance demandant une transformation de la situation la plus rapide possible.

Cette déontologie qui permet d’aider à reconstruire autre chose peut se traduire par une périphrase ; « ne pas laisser le meuble Ikea démonté ». Tous ceux qui ont déjà monté un meuble en kit savent que c’est une opération aisée. Le plan papier est simple et les étapes qu’il propose sont faciles à suivre et efficaces. Ensuite, quelques années après, démonter ce genre de meuble est un jeu d’enfant, le plan n’est même plus nécessaire. Mais le remonter…  C’est une autre affaire. Souvent le plan a été perdu, souvent une vis manque, souvent un des éléments est cassé ou déformé. C’est un peu dans cette situation que se retrouve l’ex-posant avec sa situation analysée. Il est face à un meuble démonté qu’il doit reconstruire, sans plan, avec des parties déformées ; de surcroit, il doit ne doit pas le remonter à l’identique. Les possibles façons de faire avec le cas ex-posé, proposées par les participants, arrivent alors comme autant de pistes solidaires pour remonter le meuble.

4.1. Etape I : « quoi de neuf ? »

Ce moment, au titre emprunté à la pédagogie institutionnelle, est celui où les participants peuvent évoquer quelque chose d’important pour eux. C’est aussi celui où le groupe peut revenir sur ce qui a été dit dans la rencontre précédente.

L’animateur peut opter pour une posture discrète et laisser les paroles advenir et si rien ne surgit, passer à la suite. Il peut aussi évoquer quelque chose qui l’occupe, notamment les effets d’après-coup de la rencontre précédente ou des rencontres passées. La formule « A propos de l’autre fois, je me disais…je me suis demandé… Qu’en dites-vous ? » peut faire office de viatique ; tout autre énoncé est bon si cette proposition peut révéler et dénouer une préoccupation intime de l’animateur et renforcer « la loi de sincérité » (Ducrost, 1979) indispensable à toute parole pleine. Elle permet de faire en sorte que l’animateur montre que les échanges de la fois précédente ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd et que ce qui a été dit a laissé des traces. Il s’agit juste d’ouvrir la voix/e en parlant de soi, en se dévoilant. Souvent en écho à cette question, les remarques des participants à propos de ce qui a été mis en lumière sont nombreuses et riches. D’ailleurs, les « souvenirs dont on se souvenait pas » sont d’une grande richesse et montre combien les échanges ont été marquants. Cette étape sensibilise les participants à l’effet d’après-coup et au rapport de temporalité qui marque toute expérience humaine.

Cette étape liminaire permet aussi de rappeler le cadre qui organise les échanges et ses éléments intangibles (non-agressivité, pas de jugement de valeurs, confidentialité, anonymat, droit d’expression, rôle de l’animateur). Une fois cette étape terminée, il s’agit de décider qui parlera de quoi.

4.2. Etape II : choisir un cas

Il convient ensuite que soit proposée et choisie une situation que sera ex-posée. Beaucoup de manières de faire sont possibles pour décider de ce dont le groupe va parler. Il est possible de demander à chacun d’écrire un résumé d’une situation, ou d’y réfléchir quelques minutes en silence et de « se la scénariser dans sa tête » ; puis de la décrire en lui donnant un titre. Proposer un titre n’est pas anodin. Cette sorte « d’enseigne » (comme la croix verte signale une pharmacie) est souvent absconse et évocatrice uniquement pour celui qui la choisit. Elle permet au groupe de faire l’expérience de ce qu’est un « mot gros », un mot qui veut dire plus que ce qu’il signifie, un mot au quantum d’affect (expression freudienne désignant la quantité de ressenti subjectif contenu dans ce que représente un mot pour un sujet) singulier. En comprendre le symbolisme et la portée affective est intéressant car il révèle souvent un peu du rapport intime entre celui qui parle et ce qu’il a vécu. On peut aussi demander de dessiner la situation, en écho aux travaux de Dolto (1999) ou de Pirone (2018), puis faire parler le dessin en demandant aux participants ce qu’ils y voient, la question qu’il pose, ou qu’on se pose à propos de ce qu’il montre (ou ne montre pas). On peut aussi demander à celui qui a dessiné d’expliquer ce qui s’y joue.

Une fois toutes les situations proposées, pour choisir celle qui va être analysée, il est possible de demander à chacun ce qui a motivé son choix et d’avancer les raisons qui l’ont poussé à ce choix. La formule « je pense que c’est important de parler de cette situation pour X car… » ou « c’est important pour moi car… » peut permettre la présentation de ce qu’a signifié pour chacun ce qui a été dit.

Il est possible aussi, pour choisir demander de repérer un air de famille entre plusieurs situations proposées (conflit entre élèves, difficulté avec un parent, …) et décider de parler de leur trait commun, en préférant une des situations comme support aux échanges. Quel que soit le procédé, il est important que l’exposé du « teaser » (bande annonce d’un film, to tease signifie aguicher en anglais) de la situation se termine par la question de celui qui en parle. On peut penser que les formules suivantes « J’aimerais comprendre pourquoi… Je voudrais/veux savoir comment… Je me demande quel… Que faudrait-il que je fasse pour… Dans quelle mesure ceci… » souvent utilisées permettent d’entendre l’embarras de celui qui parle.

Une fois la situation choisie par le groupe, celui qui en est l’auteur présente ce qui va devenir le cas analysé par le groupe.

4.3. Etape III : ex-position du cas

Il s’agit dans cette étape et dans un premier temps, d’ex-poser le plus factuellement possible   ce qui s’est passé. Celui qui prend la parole pose hors de lui ce qu’il a vécu d’une situation, il l’ex-pose fort de « la loi de sincérité » (Ducrot, 1979) qui demande de ne dire que ce que l’on considère comme vrai, parce que c’est ressenti ou parce que l’on peut le prouver.

L’image du « rapport de gendarmerie », le plus précis et détaillé possible, dans l’espace, dans le temps et avec les sujets en jeu, sied bien à cette description. L’acronyme QQCOQ (qui, quoi, comment, où, quand) permet balayer l’ensemble des éléments constitutifs du cas. Pour éviter toute description uniquement axée par la relation moi qui parle / l’autre en jeu dans ce dont je parle (on peut imaginer un axe nord-sud professeur-élève) il convient de passer par les points cardinaux : l’est – les autres sujets en jeu -, l’ouest – l’avant et les à-côtés de la situation. Pour aider à construire cette présentation, on peut convoquer le triangle pédagogique (Houssaye, 1988). Pourront alors être évoqués des éléments relatifs à l’enseignant, à l’élève et au savoir (les sommets du triangle) et la pédagogie, la didactique, l’apprentissage (les côtés du triangle). On peut aussi pour affiner la description ajouter le groupe classe aux sommets du triangle, le transformant en un « losange pédagogique » (Montagne, 2022a), permet d’améliorer encore la description. Cette prise en compte incontournable de l’altérité est fondée par le postulat de la psychanalyse : pas de sujet sans autre/Autre.

Une fois cette description achevée, l’ex- posant doit s’efforcer de dire pourquoi (la cause) cette situation est importante pour lui et pour quoi (le but) il souhaite en parler.

Durant cette ex-position, il est possible pour l’animateur, surtout à des fins de formation à l’écoute souple, d’attirer l’attention des participants sur ce qu’il aura pu attraper de l’énonciation, du dire présents dans l’énoncé de l’ex-posant, « vous avez entendu ce qui se dit ici ? que pensez-vous de ce trébuchement ? gardez ce mot en mémoire pour plus tard… ».

Pour clore cette description, et aider à la mise au travail de ce qui vient d’être dit, il est demandé à l’exposant de poser sa question à nouveau, et le cas échéant de la modifier.

4.4. Etape IV : affiner la compréhension du cas 

Dans cette étape l’ex-posant répond aux autres participants du GPAP qui demandent, de façon heuristique, à en savoir davantage sur ce qu’il a vécu. Il s’agit de compléter le puzzle en questionnant les pièces manquantes pour compléter le tableau de façon à ce que chacun ait en tête une image plus fine, un film moins flou, un scénario plus explicite de la situation. Là encore le recours au dessin est intéressant et des versions divergentes du même cas donnent souvent lieu à des discussions fécondes. Dans cette étape, particulièrement, pas de jugement de valeurs culpabilisants pour l’ex-posant, pas de pistes interprétatives, pas de signifiant nouveau. Ces trois directives se traduisent par l’abandon des questions confirmatoires de type journalistique, commençant par « est-ce que » et comprenant en elles-mêmes la réponse attendue par celui qui pose la question. Il en est de même pour les questions causalités qui commencent par pourquoi. Elles mettent celui à qui elles s’adressent dans une position culpabilisante et défensive. L’animateur devra donc couper la parole et faire reformuler en questions exploratrices toutes les questions du type « est-ce que tu ne penses pas qu’il aurait fallu que tu fasses… » « pourquoi n’as-tu pas fait… », « est-ce que tu n’as pas ressenti de la colère quand tu as … ». L’exercice est délicat (difficile et fragile) mais la reformulation de ces questions « dans quel but penses-tu avoir fait… » « qu’as-tu ressenti quand… » donne souvent lieu à des réponses riches.

En plus des demandes de précisions des faits, il est possible lors de cette étape de questionner ce qui a été dit, les mots et expressions utilisés par l’ex-posant et de les faire se déployer dans une volonté d’éclaircissement. Les questions « Quand tu as dit xxx, que voulais tu dire ? » ou « Tu disais que cet élève est pénible, qu’entends-tu par pénible ? ». C’est ici la fonction métalinguistique du langage qui est convoquée (Jakobson, 1960). Ces questions permettent à l’ex-posant de comprendre que le « principe d’exprimabilité » (Austin, 1962), selon lequel tout ce que l’on veut dire peut-être dit est un leurre. Les participants, complémentent les éléments descriptifs avec des questions organisées par le losange didactique évoqué plus haut.

Quand chacun convient qu’il a une bonne « représentation » du cas en tête, on peut passer à l’étape suivante.

4.5. Etape V :  proposer des causalités au cas

Dans cette étape l’ex-posant se tait. Il écoute les autres donner leur compréhension des enjeux du cas et leur vision étiologique du cas. Chacun donne alors son intelligibilité de ce qu’il en comprend, du cas mais aussi de la question de l’ex-posant. C’est ici que s’énoncent les relations interprétatives de cause à effet établies par chacun à l’écoute du cas. Là encore, le losange pédagogique peut servir d’outil d’interprétation pour dire les choses.

La formulation des hypothèses explicatives se fait pour protéger l’exposant, et il convient de dire par exemple : « On peut penser que cette situation a eu lieu car le professeur a…», « Je fais l’hypothèse que ceci est arrivé car l’élève a…», «  Je crois que cette question se pose dans ce cas car…».

Les causalités évoquées mélangent des éléments factuels, professionnels, tangibles à des éléments plus subjectifs, plus affectifs. On peut donc aussi bien entendre, par exemple, que « la situation a eu lieu parce que les exercices proposés étaient trop difficiles pour cette élève » ou que « cet élève a agi de la sorte car il a pu avoir l’impression d’avoir été ignoré par le professeur » ou que « la situation a posé problème au professeur parce qu’elle ne lui permettait pas de vérifier son image idéale de lui ».

Dans les propositions herméneutiques il faut faire attention à ne pas formuler les usages qui ont été faits des structures psychiques en jeu dans le cas ex-posé. Les GPAP n’ont pas vocation thérapeutique (même si certains soulagent). Ni l’animateur de GPAP, ni les participants ne sont des analystes. L’animateur a été formé/sensibilisé à l’inconscient divisant l’être humain, à l’équivoque de la parole, à l’écart entre dit et dire. Il a été informé du double discours inventé par Lévine qui permet de parler des concepts de la psychanalyse dans une langue courante, mais il n’a pas forcément fait l’expérience de la cure. Ce n’est en aucun cas incompatible avec sa fonction. Si le Ça, le Moi, le Surmoi, le Réel, le Symbolique et l’Imaginaire ont été convoqués dans ce texte c’est uniquement comme support explicatif théorique. Un animateur se doit juste de savoir qu’en l’être humain la réalité vécue peut être différente de la réalité en soi et que la réalité vécue peut avoir des effets de vérité aussi fort que la réalité en soi. Cette dualité fait que ce qui est prévu, vécu, vu, ressenti, raconté d’une situation peut être différent mais d’une valeur affective tout aussi impactante sur celui qui vit et raconte cette situation. Quoi qu’il en soit, la formulation des hypothèses explicatives doit rester profane (au sens freudien) et professionnelle. Toute psychanalyse sauvage qui avancerait ostentatoirement des raisons psychiques au délicat d’une situation, à l’inconfort de l’exposant, serait étrangère à l’éthique clinique qui sous-tend cette forme d’analyse de pratique en groupe.

Cette étape constitue une aide indispensable à la fois pour l’exposant et les autres participants. Elle permet de vivre et comprendre que toute situation embarrassante ne peut pas être résolue ou transformée autrement qu’en s’attachant à identifier sa cause. Ceci évite la logique symptomatique du traitement d’un problème et considère que ce dernier a une chance de disparaitre que si on en traite la cause. Plutôt que de se contenter de trouver un « comment faire autrement ? », un « comment faire pour que ça change ? », qui est le crédo des TCC[15], la psychanalyse affirme que la recherche / découverte de l’origine d’une situation vécue par un sujet constitue à la fois une position humaniste et une option thérapeutique plus efficace. Les pistes de transformation de posture qui vont être proposées dans l’étape suivante vont donc pouvoir s’appliquer aux causes de la situation.

4.6. Etape VI : penser une autre façon de faire avec le Réel du cas

Cette étape, appelée « temps du modifiable » dans les GSAS, ou « hypothèses d’action » par Alin (2010), concrétise le point déontologique du remontage du meuble IkeaÒ évoqué plus haut. Il s’agit de proposer des alternatives à l’ex-posant (qui ne répond pas) pour qu’il puisse envisager affronter, la semaine suivante, la prochaine fois, le cas qu’il a décrit, avec non seulement une réponse à sa question mais aussi des outils professionnels pour penser, dire et faire autrement.

Il s’agit alors de croiser les causes qui ont été évoquées avec le losange pédagogique, sans donner d‘instruction clef en main, de façon à ne pas laisser l’exposant dans le manque, l’angoisse ou l’impuissance face à ce qu’il a vécu et/ou va retrouver dans son quotidien professionnel. Aux conseils directement adressés sous la forme d’un « Tu devrais… Il faudrait que tu… », peuvent se substituer des formules telles que : « On peut penser qu’il serait possible de… Pourquoi ne pas essayer de …Il serait peut-être intéressant dans cette situation de tenter de… ».

La subtilité de cette étape réside dans le fait d’être du côté de la suggestion et pas du conseil. Suggérer permet de proposer une piste possible, une tentative envisageable. Conseiller, à l’opposé, engage à faire ce qui est dit, à reproduire ce qui a déjà marché. L’écart entre les deux propositions est grand. Suggérer permet non pas de proposer « la » bonne manière mais peut-être « la moins mauvaise », celle qui plus que permettre de… est celle qui n’empêche pas de…

4.7. Etape VII : état des lieux pour l’ex-posant 

Cette étape, en demandant à l’ex-posant « Alors, que dites-vous de tout cela ? Où vous situez vous par rapport à ce que vous avez décrit ? Où en êtes-vous avec votre question ? », permet de mesurer l’éventuel déplacement de celui qui s’est dévoilé vis-à-vis de ce qui l’embarrassait dans ce qu’il a vécu. GAP en anglais signifie « espace ». Il s’agit de voir si l’ex-posant a mis du jeu (de l’espace) entre la situation et lui, s’il s’est distancié de sa confrontation au Réel, s’il a changé de point de vue au sens bourdieusien de l’expression qui affirme que « le point de vue c’est la vue d’un point ». Il est possible aussi de demander à l’ex-posant s’il a une réponse à sa question initiale et s’il souhaite en faire part au groupe. Cette réponse n’appelle pas de commentaires.

On sera attentif dans la réponse aux mots employés et on pourra, s’ils diffèrent de ceux « choisis » dans la première version de la question, les mettre en perspective.

4.8. Etape VIII : le moment méta 

Cette étape conduit l’animateur à demander au groupe :« finalement de quoi a-t-on parlé ? ». Il n’est pas attendu ici qu’un résumé des échanges soit fait, mais que le filigrane, l’enjeu princeps des propos soit mis en lumière. Par cet exercice il s’agit de repérer l’universel dans le singulier, de chercher à voir en quoi ce qui était le cas d’un seul concerne en fait le métier de tous. En demandant par exemple « en parlant du refus de cet élève de faire le travail demandé, de quoi était-il question ? ».

Cet effort de prise de distance avec la superficialité des choses permet de comprendre après-coup pourquoi le cas choisi pouvait être intéressant et concernait chacun et « la profession » en entier. Comme le film Amadeus (Milos Forman, 1984) ne parle pas de la vie de Mozart, mais de l’injustice du don, il y a dans la majorité des grands films, l’histoire que l’on a l’impression que le réalisateur raconte et celle qui est en train de se raconter. Les cas apportés en GPAP sont révélateurs autant de la structure de celui qui ex-pose, que de la structure du métier d’enseignant.

Attirer l’attention des participants sur cette dialectique a pour ambition de changer leur rapport à ce qu’ils rencontreront dans de futurs GPAP mais aussi dans leur classe. La nature des réponses à cette demande permet dès lors de voir pour chacun ce qui a changé dans la compréhension de sa classe cette année, dans la compréhension de son métier, de ses enjeux, dans la compréhension de soi, professeur. Pour aider à cette mise en mot on peut utiliser les formules « alors qu’est-ce que cette discussion nous a appris sur… » ou « ce dont nous avons parlé vous évoque quoi ? » ou « qu’est-ce que notre conversation a évoqué chez vous à propos de votre métier ? »

Dans cette étape, l’animateur peut s’engager et proposer un élément de sa réflexion (en fonction de sa sensibilité personnelle) fort de sa position extérieure et de son expérience de l’usage de la parole. La position sur le bord du cadre (un peu comme est l’escargot dans le tableau L’annonciation de Piero de La Francesca) rend plus facile la perception de ce qui a été abordé en vérité. Toute proposition de l’animateur se doit d’être accompagnée de trois questions ; « A cause de quoi pensez-vous que je dis cela ? Qu’en dites-vous ?  Comment vous en resservirez-vous en classe ?». Ces deux questions une fois encore redonnèrent la parole aux participants en les faisant re-rentrer dans une logique étiologique (recherche de la cause).  Il est donc possible en GPAP, et c’est peut-être une spécificité de ce mode d’analyse, de se mouiller en tant qu’animateur en osant proposer une part de son interprétation de ce qui s’est dit.

4.9. Etape IX : regard sur le fonctionnement du groupe. « Qu’avez-vous pensé de notre travail aujourd’hui ? »

Le fonctionnement du groupe est un objet d’analyse et cela fait du GPAP une tache « implexe » (Arino, 2008). Ce néologisme, désignant « la complexité de l’implication » résume bien la mise en abyme nécessaire à cette étape. Il s’agit de mettre le groupe au service du groupe et d’analyser ce qu’il a analysé, comment cela l’a été, mais aussi de faire en sorte que chaque participant puisse s’analyser analysant. Cela demande de mettre le groupe au travail sur ce qui se passe (pas) dans le groupe en demandant « Que pensez-vous de la façon dont nous avons travaillé aujourd’hui ? Du rapport au cadre ? De l’usage du cadre ? De l’effet du cadre ? Du rôle de chacun aux différentes étapes ? De notre prise en compte et en charge de la parole ? Change-t-on quelque chose ? Garde-t-on les choses comme ça ? ». Cette étape de travail sur le travail renvoie à une partie du processus que la psychanalyse des groupes et la psycho-sociologie appelle « facilitation-régulation » (Palmade, 1959).

4.10. Etape X : conclure sans clore

Cette étape de conclusion d’un GPAP est importante car elle permet de terminer la séance en laissant les participants en suspension. Une suspension est un arrêt momentané du temps (celui de l’analyse en groupe, jusqu’à la prochaine rencontre), mais c’est aussi un « mobile » accroché en hauteur qui tourne sur lui-même et, par conséquent, change la forme qu’il donne à voir. Une suspension est aussi et surtout pour les GPAP, à prendre comme « l’état de particules solides ou liquides présentes dans un fluide sans être dissoutes ». Les mots dits et entendus, les concepts et notions mobilisés, les affects provoqués continueront à flotter dans l’esprit des participants, jusqu’à la rencontre suivante, comme les particules nobles dans une carafe de vin.

Il est intéressant pour impulser cela de reprendre une parole dite par un des participants durant la séance et de la poser en signifiant maître de la séance, soit d’en faire le mot qui représentera tout ce qui a été dit ou pas dit et entendu. Ici l’animateur doit s’appliquer à ne pas recouvrir par ses propres mots la parole d’un des participants. La réponse à la question posée à une ex-posante ; « Auriez-vous une parole pour conclure ? », a, un jour, donné une illustration pleine de ce moment. L’ex-posante a répondu « non je n’ai pas de parole finale » et l’animateur a rebondi en disant « Très bien, restons sur cela, un professeur peut ne pas avoir de parole finale. Au revoir à tous ».

4.11. L’obligation de supervision pour l’animateur : « les méta GPAP »

Si l’épreuve de l’enseignement montre que les compétences professorales d’un enseignant ne sont pas suffisantes pour enseigner et comprendre son acte d’enseignement, souvent les compétences d’animation d’un GPAP ne sont pas suffisantes pour que l’animateur comprenne ce qui se joue (pour lui) dans certains GPAP. Il est donc nécessaire que, périodiquement, les animateurs de GPAP, en faisant un GPAP entre eux en compagnie d’un « +1 », mettent au travail ce qu’ils vivent dans leur fonction d’animateur de GPAP.

5.   Conclusion

Au final, ex-poser une situation professionnelle embarrassante en GPAP, c’est témoigner d’une sortie du principe de plaisir (ça ne s’est pas passé comme je voulais), comme on dit, une sortie de route, ou témoigner d’une déchirure du fantasme (je pensais que j’étais comme ça, qu’ils allaient être comme ça). Un GPAP est donc un moyen de participer à une « éducation à la réalité » (Armando, 1974) étayé par la psychanalyse et la linguistique qui enseignent que « le propre de la parole est [aussi] de faire entendre ce qu’elle ne dit pas » (Labridy, 2012). Ce que les participants vivent dans un GPAP a des chances d’être déporté vers leur classes. Déporté est ici est à entendre au sens d’un lampadaire déporté dont le pied n’est pas à l’aplomb de l‘éclairage. La lumière est projetée à coté de l’appui.

Il parait étrange, arrivé en cette fin de texte, de regarder en arrière et de se rendre compte que ces pages pourraient être prises comme LA façon bonne et efficace de concevoir et conduire un GPAP. Ceci est à l’opposé des fondements de la psychanalyse qui orientent cette réflexion et cette praxis de l’analyse de pratique en groupe. Il n’en est donc rien.

Ce qui est proposé est issu d’une expérience de bricolage (au sens de Lévi-Strauss, 1962) à plusieurs (mis en œuvre depuis six ans à l’INSPE de Besançon) pour cadrer[16] la rencontre dans un GPAP. Cette proposition est à prendre comme un cadre « mou », un peu comme sont molles les montres de Dali (La persistance de la mémoire, 1931). Elles donnent l’heure mais se déforment. Le cadre proposé est « mobilis in mobile ». Il se dé/trans-forme en fonction de ceux qui le tiennent et le constituent.

Il n’en est rien aussi car, on l’a dit, « ça va rater ». La position de la psychanalyse consiste à inclure le manque, et donc le ratage dans tout processus de compréhension de l’être humain, dans toute entreprise d’aide, dans toute démarche de formation. Une intersubjectivité antagoniste ou complice entre participants, la résistance d’un participant, vont tôt ou tard gripper les rouages. C’est ainsi que dans l’analyse de pratique en groupe orientée par la psychanalyse, à l’issue d’une rencontre, il peut ne pas y avoir de solution. L’exposant peut ne pas avoir été déplacé par les échanges. Ces moments, rares cela dit, mettent à mal la furor sanandi (désir de guérir) de l’animateur, mais c’est une réalité. Comme dit Cifali (conférence non publiée, Besançon mars 2021) « il est rassurant d’y aller [animer un GPAP] sans savoir, en faisant confiance à ce qui va arriver et à la capacité de « dénouage » de la parole ». Cela engage à se souvenir de l’avertissement donné au psychanalyste, il faut en matière d’animation de GPAP « n’avoir de cesse [que]de toujours oublier ce qu'[on] a appris » (Lacan, 1966).

Les GPAP ont pour vocation de Déceler, Dévoiler, Déplacer (DDD) quelque chose d’une situation professionnelle qui fait cas pour un sujet, et de mettre en lumière (parfois) un peu du faux self (Winnicott, 1970) (le rôle qu’un sujet pense inconsciemment devoir jouer dans une occasion sociale) causant son tracas ou son incompréhension. Cette trilogie (DDD) passe, dans une institution normative, par l’offre de pouvoir mettre en mots et en sécurité langagière, un peu de son intériorité. Ce rapport à la parole permet de transformer le lien des participants avec le continuum « parler-se dire-écouter-se taire » et de transformer leur professionnalité en classe.

La réussite d’un GPAP tient au fait qu’à l’issue du partage d’un cas, un participant peut passer de « Je n’en veux rien savoir » à « Je peux en savoir quelque chose ». Un GPAP, au final, ambitionne d’aider à la santé de tous les participants (ex-posant, participants, animateur) surtout si l’on pense celle-ci comme « le pouvoir d’action sur soi et sur le monde gagné auprès des autres » (Canguilhem, 1966).

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Notes

[1] Ne pas choisir l’écriture inclusive dans cet article se fonde d’un souci de lisibilité assumé. Enseignant, ex-posant, animateur seront pris comme des substantifs et écrits sous la « forme neutre ou impersonnelle du mot » (Cf. Marchello-Nizia,1989).

[2] L’expression est de Mireille Cifali (2021).

[3] Lire pour plus d’information sur ces « GPAP » freudiens, le texte d’Hervé Chapelilière (2002).

[4] Le néologisme crée par le tiret entre « ex et posant » marque que celui qui présente une situation pose hors de lui quelque chose de lui, il l’/s’ex-pose.

[5] Le Réel en jeu ici est le Réel lacanien, un part de la composition du psychisme humain. Il sera défini plus loin.

[6] Cf. le référentiel de compétences des enseignants » (BOEN n° 30 du 25 juillet 2013).

[7] Cf les travaux de Clot, Y. (2006).

[8] Cf « Le langage intermédiaire de Jacques Lévine – Glossaire ». AGSAS : https://www.agsas.fr.

[9] On peut pour plus de précision pour ces notions se reporter à Montagne (2020) et notamment au chapitre 1 : « Langage, Langue, Parole et Discours en EPS, pp. 11-28.

[10] A partir d’ici et jusqu’à la fin du texte, les parties « entre guillemets et en italique » seront des paroles de participants à des GPAP recueillies par verbatim et proposés telles quelles, avec leurs erreurs syntaxiques.

[11] Tiré du verbe conviver (vivre ensemble), la convivencia signifie en portugais le fait de vivre dans un groupe en étant amélioré par le groupe et en améliorant le groupe.

[12] Acte de fondation de l’Ecole freudienne de Paris, 1964.

[13] Les linguistes Austin puis Searle, ont mis en avant que certaines paroles équivalent à un acte et qu’elles ont un pouvoir de transformation de la réalité des sujets présents dans le contexte de l’émission de ces paroles. De même que l’énoncé « je vous déclare mari et femme », prononcé par le maire, induit un changement de la réalité chez ceux à qui il est destiné, certains silences peuvent agir et transformer la réalité de ceux qui les « écoutent ».

[14] Les ateliers Psycho-Lévine sont des groupes de parole mis en place dans une classe. Ils sont centrés sur l’identification à l’autre. Une seule question est posée aux participants «Que peut ressentir quelqu’un qui…? ». Ces derniers sont invités à répondre par écrit et de façon anonyme. Les réponses sont ensuite exposées au groupe. L’effet modificateur et apaisant dans les groupes-classe est remarquable par l’empathie qu’ils réveillent et amplifient. [en ligne] https://www.desirsdecole.fr.

[15] Les techniques cognitivo comportementalistes sont une méthode thérapeutique basée sur les sciences cognitives et la théorie de la pleine conscience. Elles s’attaquent aux difficultés du patient dans « l’ici et maintenant » par des exercices pratiques centrés sur la volonté d’éradiquer les symptômes en les faisant identifier par celui qui en souffre, sans chercher à identifier leurs causes. Le thérapeute aide à cette identification en donnant des pistes de signification, des astuces pour faire autrement, des comportements alternatifs. Le danger est de penser que le même symptôme peut être traité de la même façon pour deux sujets différents et d’oublier qu’un symptôme masqué va immanquablement ressurgir ailleurs, plus tard, sous une autre forme chez le sujet.

[16] En faisant un lapsus clavis, j’avais écrit, au lieu de cadrer, carder, qui signifie peigner, démêler des fibres textiles. Ce mot aurait pu être à propos dans cette phrase.