Frédéric Charrin

Responsable de Formation,
ARPIH école supérieure du domaine social
frederic.charrin@arpih.ch

Résumé

Comment construire sur mesure une méthodologie d’APP pour une formation professionnelle supérieure ? En montrant la prise en compte des paramètres contextuels et les finalités du dispositif de formation, cet article vise à mettre en lumière les choix effectués pour adapter le dispositif existant en le dotant d’un guide d’animation et en tirant parti des possibilités d’un nouveau plan de formation. S’appuyant sur une expérience d’animation et la connaissance de plusieurs méthodologies, l’auteur montre comment il a créé ce guide, qui combine plusieurs méthodologies d’APP classiques, et à quoi il répond. Il est aussi question de la traduction de l’ingénierie de formation à l’ingénierie pédagogique et de coordination d’un collectif d’intervenants à travers un processus de changement.

Mots-clés 

guide, conception, méthodologie, ingénierie, formation

Catégorie d’article 

Texte de réflexion en lien avec des pratiques ; modalités d’analyse de pratiques professionnelles

Référencement 

Charrin, F. (2022). Conception sur mesure d’un guide d’animation pour les APP dans une école supérieure. Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 23, 75-93. https://www.analysedepratique.org/?p=5455.


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Custom design of a facilitation guide for PPAs in a higher education institution
Abstract

How to tailor a PPA methodology for a higher vocational training course? By showing that contextual parameters and the aims of the training system are taken into account, this article aims to highlight the choices made to adapt the existing system by equipping it with a facilitation guide and by taking advantage of the possibilities of a new training plan. Drawing on his facilitation experience and knowledge of several methodologies, the author shows how he created this guide, which combines several classic PPA methodologies, and how it responds. It also discusses the translation from training engineering to pedagogical engineering and the coordination of a group of stakeholders through a process of change.

Keywords

guide, design, methodology, engineering, training


Design personalizado de um guia para APPs numa Instituição de Ensino Superior
Resumo

Como construir sob medida uma metodologia de APP para um curso de nível superior? Ao mostrar a ponderação dos parâmetros contextuais e as finalidades do dispositivo de formação, este artigo visa esclarecer as escolhas feitas para adaptar esse dispositivo, equipando-o com um guia de facilitação e usufruindo das possibilidades de um novo plano de formação. Apoiado em uma experiência como facilitador e no conhecimento de várias metodologias, o autor mostra como criou esse guia, que combina diversas metodologias clássicas de APP, e a que ele responde. Aborda igualmente a passagem da engenharia de formação à engenharia pedagógica e a coordenação de um grupo de colaboradores num processo de mudança.

Palavras-chave

guia, concepção, metodologia, engenharia, formação


 

Présentation personnelle

Responsable de formation dans des écoles supérieures suisses depuis 2008, j’anime des ateliers d’APP (Analyse de pratiques entre Professionnels) en école supérieure depuis bientôt quinze ans, tout en coordonnant le dispositif dans l’établissement où je travaille actuellement (ARPIH école supérieure). J’interviens également dans les institutions pour des formations sur mesure.[1]

Introduction

La réflexivité a le vent en poupe mais il est des domaines avec lesquels cette affinité est beaucoup plus ancienne et profonde. Au sein de la relation d’aide, la formation des professionnels du travail social et des éducateurs en particulier appartient à ce cas de figure pour lequel la formation réflexive de la personne est, depuis longtemps, un axe significatif, historique voire culturel. Dans le cas plus précis des formations en alternance, les APP constituent le lieu rêvé pour explorer les situations de travail et acquérir les repères conceptuels et méthodologiques propres à la culture du travail social et aux aspects des sciences humaines concernés.

Loin toutefois de constituer un dispositif « miracle » fonctionnant de lui-même, l’APP devrait être accompagné d’une solide réflexion sur son animation, sa méthodologie, mais également, en amont, sur son inscription dans un dispositif plus large de formation, un cursus, et un environnement socio-politique. En effet comme c’est souvent le cas, les niveaux macro et meso, déterminants sur les plans socio-politiques et institutionnels, circonscrivent les dispositifs pédagogiques plus restreints qui les opérationnalisent. Ainsi que s’emboitent des poupées russes, les différents niveaux du secteur de la formation se répondent et se synchronisent. Concrètement, dans le cas qui nous intéresse, les modifications de plan d’études cadre (PEC) qui ont donné l’opportunité à l’école dans laquelle je travaille de refondre ses plans de formation, ont également constitué une opportunité pour repenser le dispositif d’APP tel qu’il était donné. C’est ainsi que le choix de faire de l’APP en groupes interdisciplinaires plutôt que par filières cloisonnées a, entre autres, rendu évident la nécessité d’un guide méthodologique transversal et formalisé, utilisé par tous les animateurs.

Cet article vise à retracer le cheminement réalisé en veillant à rendre visible : les paramètres identifiés utiles à la création de ce guide (Charrin, 2022 ; disponible en téléchargement, voir l’annexe), le parcours de conception et les choix méthodologiques l’accompagnant, ainsi que la collaboration avec les personnes ressources intervenant dans le dispositif.

A partir d’une visée de départ duelle reposant sur la coordination des intervenants et un principe « homéostatique » de cohérence du dispositif à travers son développement, les progressions sont intégrées sur trois niveaux évolutifs : formation des étudiants (exigences/besoins toujours en transformation), montée en compétence des intervenants et formation de formateurs, évolution d’un dispositif au sein d’un programme de formation. C’est depuis ces trois postures, qui constituent autant d’angles de veille, d’analyse et de projection, que se déploie la narration.

Pour rendre lisible cette complexité dans le pilotage, l’article procède selon trois parties. En premier lieu, je présente le contexte général de la formation. Deuxièmement, je précise comment j’ai combiné des méthodologies existantes pour créer ce guide, en situant de manière plus précise les principes et finalités sur lesquelles je me suis basé. Troisièmement, je présente la phase de mise en œuvre du guide au sein du nouveau dispositif et prévois comment celui-ci sera évalué et ajusté.

1. Présentation du contexte général

1.1  Le contexte des écoles supérieures (ES) 

Régies par la Loi fédérale sur la formation professionnelle (LFPr), les écoles supérieures permettent aux personnes titulaires d’un Certificat Fédéral de Capacité (CFC) ou d’une qualification équivalente d’obtenir un diplôme fédéral du degré tertiaire. Les filières de formation en école supérieure ont une orientation généraliste et se situent au niveau 6 du cadre national et européen des certifications, en termes de maîtrise de savoirs, d’aptitudes et de compétences, soit au même niveau que les Bachelors délivré par les Hautes Écoles. Les plans d’études cadre (PEC) représentent la base pour la conception des filières de formation, leur reconnaissance par le Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI) et leur mise en œuvre par les écoles supérieures.

Parmi ces écoles, l’ARPIH[2], en tant qu’école supérieure du domaine social, se donne pour mission : « Assurer une formation professionnelle qualifiante dans le domaine social en adéquation avec les besoins du monde professionnel et en conformité avec la législation en vigueur, notamment pour les métiers de maître·esse socioprofessionnel·le (MSP) ES et d’éducateur·trice social·e ES. Offrir des prestations de formation continue et de perfectionnement ciblées et personnalisées à toutes les étapes de la vie professionnelle. Être un acteur proactif et innovant de la formation professionnelle dans le domaine social. » (in Charte, ARPIH).

1.2  Des formations en alternance

Les formations sont délivrées au sein de parcours en cours d’emploi et sont construites selon les principes de la formation en alternance (Geay, 1998). Le modèle du praticien réflexif (Schön, 1994) ainsi que l’approche par les compétences (Le Boterf, 2001) constituent des références « infusant » tout le dispositif de formation. En ce sens, la formation fait alterner un parcours de formation pratique professionnelle accompagnée (taux de travail annualisé de 50% minimum, encadré par un formateur sur le terrain) réalisé dans une entreprise sociale, avec des cours en école (l’équivalent de 30%). Les étudiants, dont la moyenne d’âge se situe à environ 35 ans, peuvent mobiliser leur expérience professionnelle et de vie dans la formation, ce qui fait de la dimension personnelle et expérientielle un élément important du dispositif (Bourgeois, 2009). Les cours en école s’articulent selon plusieurs modalités : d’une part, des apports transmissifs en classe avec transfert sur l’expérience pratique ; d’autre part, des ateliers réflexifs, en petits groupes, visant à expliciter et réfléchir l’expérience. C’est dans cette seconde partie du dispositif de formation que sont implémentés les ateliers d’analyse de pratiques.

1.3  Une révision des PEC donnant lieu à une refonte des plans de formation

Les PEC, qui sont élaborés de manière conjointe par les organisations du monde du travail (OrTra) et les écoles supérieures (ES), puis approuvés par la Confédération, définissent le cadre général de la formation (admission, certification, exigences posées aux instituions formatrices, etc.) ainsi que les contenus. On peut comparer les PEC à des « lettres de mission » que les écoles doivent adapter et traduire en ingénierie de formation puis en ingénierie pédagogique (Meignant, 2009, Enlart & Jaquemet, 2007). Afin de correspondre à l’évolution des besoins du travail social, ces PEC sont périodiquement mis à jour, dans un processus de consultation conjoint qui fait se mettre autour de la table des représentants de la pratique et les écoles. Un nouveau PEC pour les diplômes d’Éducateur Social ES ainsi que Maitre Socioprofessionnel (ci-après nommé MSP) ES a été validé en 2021, faisant suite au précédent PEC datant de 2015.

La révision des plans d’étude cadre et des référentiels de compétences attribués aux formations a fourni l’occasion aux écoles en général et à l’ARPIH en particulier de procéder à une refonte des plans de formation. En interne, une commission a été chargée de concevoir un nouveau plan de formation, redéployant la modularisation déjà existante. Sur ma proposition, différentes modifications liées à l’APP ont pu être intégrées. En effet, nous avons vu une opportunité très intéressante dans le fait de réunir des filières habituellement séparées (les Éducateurs Sociaux et les Maitres Socioprofessionnels), en constituant des groupes mixtes pour les APP de 1ère année. Quelle plus belle occasion en effet de faire réfléchir ensemble deux corps de métiers qui se côtoient et collaborent dans les institutions mais bénéficient relativement peu d’espaces communs de formation (ce qui, nous le verrons plus loin, n’est pas sans enjeux).

Plus largement, cette nouvelle ingénierie repose sur plusieurs choix : réduction du nombre de modules, introduction d’un module spécifique transversal « Réflexivité et posture », introduction d’une nouvelle série d’APP en 2e année pour toutes les classes (à venir), maintien des ateliers d’analyse du travail en 3e année, introduction d’outils spécifique pour faciliter l’intégration théorie-pratique par les étudiants, etc.

Avant de préciser les changements opérés dans le cadre de ce nouveau plan de formation, il me parait utile de retracer l’historique du dispositif d’APP depuis ma prise de poste.

1.4  La plateforme d’Analyse de Pratiques 

À mon arrivée dans l’école en 2015 comme responsable de formation et coordinateur de l’APP, j’ai mis en place une plateforme semestrielle dont les séances, regroupant tous les intervenants, et permettant la mutualisation des expériences et ressources, visaient à donner de la cohérence au dispositif. Les retours des étudiants (en direct et par le biais de sondages en ligne), très positifs sur le dispositif lui-même, m’ont permis, année après année, de développer le nombre d’ateliers et d’améliorer les conditions dans lesquelles ce travail réflexif est mené. Ainsi, le dispositif a continué d’évoluer, passant de 4 séances avec des groupes de 11 étudiants en 2015 à, en 2022, 8 ateliers de 7-8 étudiants. Cette extension du temps à disposition a bénéficié aux étudiants, permettant d’effectuer des analyses plus approfondies et davantage qualitatives. Le profil des intervenants, tous externes, a lui aussi connu une évolution, dans le sens d’une montée en compétence : les animateurs, peu formés en APP lors du démarrage, sont maintenant au ¾ formés en APP, en plus de leur formation en travail social. Ces plateformes ont permis de fidéliser un noyau dur d’intervenants, engagés dans la démarche, désireux d’échanger sur leurs expériences vécues dans le cadre des ateliers, de mutualiser leurs ressources, de mettre en commun leurs « bonnes pratiques ». J’ai également organisé plusieurs formations continues données par des formateurs de formateurs spécialistes de l’APP, sur le thème du corps, sur le thème de la divergence et de la convergence. Un travail sur la méthodologie, avec des inputs de ma part, a permis de constituer le GEASE (Groupe d’Entrainement à l’Analyse de Situations Educatives) et la grille d’Ardoino comme des références partagées par tous les animateurs. Pour conclure, il me semble que cette plateforme a permis un travail intéressant sur la culture du groupe.

A l’heure où j’écris, en septembre 2022, c’est-à-dire juste avant le démarrage des ateliers interdisciplinaires, l’organisation, confortable, se présente comme suit : 8 ateliers d’une demi-journée (3 heures), placés en 1ère année, « perlés » à raison d’une séance d’une demi-journée par mois, entre octobre et mai. Les groupes sont des groupes fermés constitués de 7 à 8 étudiants de classes mélangées et accompagnés par le même animateur pendant tout le processus. Chaque séance est consacrée à l’analyse d’une ou deux situations amenées par les étudiants, axée sur l’accompagnement du bénéficiaire ou sur la collaboration. Le dispositif est construit de manière à ce que chaque étudiant vive le processus en tant qu’exposant au moins une fois et puisse expérimenter le rôle de participant toutes les autres fois. Les situations sont des situations problématiques vécues par les étudiants au cours de leur pratique professionnelle.

L’instauration de ces APP inter-filières, constituant certes une richesse supplémentaire pour faire fonctionner ces groupes, allait toutefois de pair avec un certain enjeu : le risque de perte d’une certaine cohérence transversale due au grand nombre de variables : styles personnels des animateurs, cultures métiers, dynamiques des groupes, etc. Jusqu’à aujourd’hui, les intervenants fonctionnaient avec un certain degré d’autonomie au niveau de l’animation et de la méthodologie, la cohérence du dispositif étant assurée par deux rencontres annuelles d’échanges et de coordination, ainsi que ces formations continues proposées aux intervenants. Malgré tout, une certaine hétérogénéité entre les différents intervenants, qui n’était pas gênante jusqu’alors, pouvait dès lors constituer un obstacle, (voire susciter les questions d’équité entre les étudiants). L’utilisation d’une seule méthodologie d’APP me paraissait utile pour permettre à l’école de garder un fil rouge dans l’animation des ateliers. Cela permettrait également de s’assurer, lors des remplacements devenus inévitables sur un aussi grand nombre d’ateliers (8 par an), de pouvoir compter sur une base méthodologique commune facilitant la reprise du groupe. Enfin, la commission d’ingénierie de l’école évoquant la possibilité d’implémenter des ateliers d’APP en deuxième année de formation également, cela permettrait de s’assurer qu’une « base commune » aurait été travaillée en première année (et de laisser une latitude sur la manière de travailler en deuxième année).

Dès lors, il me paraissait utile et pertinent d’accompagner tous ces changements au niveau du dispositif en introduisant un outil commun, qui prendrait la forme d’un guide d’APP, transversal et utilisé par tous les animateurs. La démarche de construction de ce document ne s’est pas voulue à finalité prescriptive mais, véritablement en tant qu’outil de médiation, à la lisière de trois « acteurs » principaux (étudiants, formateurs, dispositif), situé dans un devenir, une ligne de fuite (Deleuze & Guattari, 1980).

La question des principes et finalités dans lesquels il devrait s’inscrire, au niveau méthodologique, de l’adaptation au public ainsi que de la collaboration avec la plateforme se posaient. C’est cette prise en compte que je vais préciser dans la partie ci-dessous.

2. La production du guide d’APP

Il est important de revenir ici sur un certain nombre de points du contexte pour les préciser et permettre de rendre visible la manière dont je les ai pris en compte. Le guide est un outil qui doit s’inscrire dans un dispositif de formation plus large, possédant son propre environnement, que sont les APP.

2.1 Les principes dans lesquels doit s’inscrire le dispositif : prise en compte des enjeux 

2.1.1 Un espace groupal propice à exprimer singulièrement les enjeux relationnels dans la pratique

Le premier élément pris en compte est relatif aux profils des étudiants. Je m’attacherai ici à tenter une définition de ce qui me semble les caractériser, non pas sous l’angle des postes occupés ou des missions poursuivies, mais plutôt des socialisations secondaires, en tant que MSP puis en tant qu’éducateur[3].

La socialisation secondaire (Berger et Luckmann, 2011) des étudiants MSP s’est effectuée dans des contextes dans lesquels les sciences humaines et sociales ont été peu abordées, au profit de notions techniques et nécessaires à la formation aux métiers. Les orientations données sont généralement liées à la maitrise du geste professionnel et la réussite de l’action. Cette socialisation a pu se faire selon un rapport au travail à dominante parfois normative et dans un rapport à la formation plutôt de type transmissif. Dans un certain nombre de cas, il est possible que le pluralisme interprétatif n’ait été abordé que dans un deuxième temps, après des modèles d’interprétation plus linéaires (De Rosnay, 1975 ; Marc et Picard, 1984). Par ailleurs, cohabitant avec ces aspects, existe un modèle valorisant la responsabilité, l’organisation personnelle, l’entrepreneuriat, le développement, la recherche de solutions, la découverte de marchés et de produits, bref une pensée tournée vers l’action (Bronckart, 2010).

La socialisation secondaire des éducateurs me parait marquée par un choix de premiers métiers davantage relationnels que les MSP, avec moins d’aspects techniques ; par effet de bord, elle comporte une proximité plus grande avec les sciences humaines et sociales.

Bien souvent, les formations initiales, qu’elles soient techniques ou socioéducatives, ont développé la capacité à exécuter des gestes professionnels adéquats et efficaces en prenant en compte le contexte. Or, en travail social, la réussite de l’action passe, outre l’habileté, par la capacité à prendre en compte un plus grand nombre de paramètres de la complexité de la situation (Morin, 2015), et se situe à un niveau taxonomique plus élevé. Certains enjeux plus larges tels que le principe de rétroactivité (De Rosnay, 1975) ou le pluralisme interprétatif n’ont pas fait partie des formations CFC, laissant non travaillée toute une partie de la compréhension des situations de travail et demandant de s’inscrire des projets conçus par d’autres.

Au-delà de ce regard certainement généralisant sur les types de socialisation, on peut faire le constat que, dans les institutions, les MSP et les éducateurs sont très souvent des partenaires directs dans l’accompagnement des bénéficiaires de l’action sociale. Or, ces deux corps de professionnels, appelés à travailler ensemble, mobilisent des modes d’intervention, des cultures métier, des savoirs, des codes, des valeurs très différents, ce certainement en partie à cause de ces socialisations. Cela génère parfois incompréhensions et stéréotypes.

Le début de la formation coïncide avec le début d’une nouvelle socialisation professionnelle ; la formation amène de nouveaux modes de représentation et de nouvelles ressources (Le Boterf, 2001). La mobilisation de ces nouveaux modèles passe par un processus de déconstruction / reconstruction des epistémès acquises par les étudiants. Rappelons ici l’âge moyen des étudiants (38 ans) pour souligner l’enjeu personnel, cognitif volitif et identitaire de procéder à un tel remaniement sur tous ces plans. Ces profils sont en général, dans la formation d’adultes (Laot et Olry, 2005), très preneurs des démarches inductives de type APP ou analyse de l’activité, parfois au détriment de savoirs académiques. Toutefois, leur expérience professionnelle et de vie constitue une richesse de premier ordre à exploiter en formation (Balas-Chanel, 2013) en vue d’une élaboration menée selon l’approche socioconstructiviste par exemple.

2.1.2 Singularisation du mode d’action des intervenants convergeant vers une proposition cohérente 

Une des particularités de l’approche réside dans le fait que le mode d’intervention des formateurs est singulier, le dispositif garde son unité et conserve une cohérence d’enseignement et de transmission. A ce titre, et à ce moment de la démarche, il est intéressant, après s’être penché sur le profil des étudiants, d’examiner celui des intervenants. Ceux mobilisés pour l’analyse de pratique répondent à un double profil : en premier lieu, une formation sociale initiale comme éducateur ou maitre socioprofessionnel ; en second lieu, une formation en analyse de pratiques (ou voisine, de type supervision, explicitation, coaching…). L’intérêt de la combinaison de ces deux formations (et types d’expériences) réside dans la capacité à permettre aux étudiants d’articuler des contenus (facilitation) qui sont familiers à l’intervenant (de par sa formation en travail social et sa connaissance « du terrain ») avec des méthodologies, qui elles, favorisent l’approfondissement de la réflexion, la mise en mots, l’explicitation, les liens théorie – pratique, la liquidation (au sens freudien), la socialisation professionnelle.

Au niveau des intervenants, l’autonomie de chacun, qui nous l’avons vu, fait partie de l’historique de ce dispositif, devait être préservée car elle est ce qui leur permet de développer les moyens nécessaires à l’intervention. Il s’agissait donc de préserver cette autonomie en amenant un guide qui devrait malgré tout être utilisé par tout le monde.

Eu égard à ces différents paramètres, j’ai défini certains axes à suivre pour la réalisation de ce guide. Au cours de cette démarche, il faut souligner combien les échanges que j’ai eus avec le responsable pédagogique de l’école, m’ont permis d’affiner et de consolider la vision portée, ce qui m’a permis de déboucher sur la phase de construction proprement dite.

2.2 La construction de l’outil

2.2.1 Axes de construction

2.2.1.1 Développement d’une culture humaniste 

J’ai tout d’abord privilégié la réflexivité (qui fait partie des axes de l’école ainsi que d’une compétence transversale des PEC Éducateurs et MSP : « développer une démarche réflexive sur son rôle professionnel »). Il m’a paru nécessaire d’amener des outils tels que les notions de besoin, ressource, problématique, questionnement, hypothèse, piste d’action, jugement, résonance, position méta, écoute active, projection, en développant chez les étudiants une culture en sciences humaines et sociales. Se voir comme faisant partie du système client, selon la figure du praticien réflexif, appartient également à cet ordre d’idées.

2.2.1.2 Ouverture vers la complexité des réalités vécues au travail

Deuxièmement, le modèle de la complexité (Morin, 2015), me paraissait essentiel. Pour cela, apprendre à utiliser les niveaux de réalité pour déconstruire des situations de travail perçues et comprises parfois comme étant univoques me semblait une option de formation pertinente. A ce titre, les travaux de Jacques Ardoino (Ardoino, 1980) et la méthodologie du DAGNEA[4]  (Charlier, Beckers, Boucenna, Biémar, 2013) sont des apports remarquables. Ils permettent ensuite d’articuler des niveaux de réalité avec des disciplines et des théories identifiées.

2.2.1.3 Culture professionnelle revisitée à l’aulne des représentations

Troisièmement, un travail sur l’interdisciplinarité en passant par les représentations me paraissait nécessaire. Au-delà de la vision parfois préconstruite ou réductrice de la réalité professionnelle de l’autre, il me paraissait pertinent, pour la future bonne collaboration, de pouvoir accéder à deux choses. La première est le référentiel de compétences de l’autre (MSP ou éducateur), compilé dans le même document. La seconde, essentielle, est de donner accès à la réalité vécue par l’autre dans sa fonction et sa subjectivité. À travers cela, l’idée est d’avoir un aperçu, en formation initiale, du référentiel de compétences de l’autre non sous forme d’une coquille vide, mais dans l’incarnation même de la fonction et par la réflexion vivante de l’autre : un accès à l’altérité (Cuénoud, 2005).

Connaitre la culture professionnelle de l’autre, en croisant les socialisations professionnelles, constitue un pari intéressant pour le travail interdisciplinaire ou pluridisciplinaire qui est fait dans les institutions sociales et de santé, ce bien au-delà du moment de la formation.

Ces quelques axes étant posés, j’ai puisé dans le répertoire d’outils APP déjà existants, et en effectuant une sélection selon les caractéristiques qui pourraient être utiles pour le dispositif concerné, je les ai combinées en un outil qui pourrait donner les meilleurs résultats selon son environnement.

2.2.2 Méthodologie : offrir la capacité de combiner les outils en autonomie

J’ai conçu ce guide, certes comme une réponse aux besoins de formation, mais surtout comme une boite à outils. C’est à l’intervenant de « piocher » parmi ceux-ci pour les utiliser de manière pertinente, en fonction de la dynamique de groupe, de la situation choisie, du profil des étudiants, du degré d’avancement du processus, etc.

Les outils que j’ai présentés dans ce Guide, et qu’on trouve dans le sommaire, sont ceux qui me paraissaient nécessaires à l’animation d’un groupe en général : présentation du sens, écriture de situation, contractualisation, méthodologie, hypothèses et pistes, grille d’Ardoino, autoévaluation, intelligence symbolique, bibliographie thématique.

Le guide méthodologique a été construit sur mesure par hybridation de plusieurs méthodes, chacune ayant ses propres avantages et typicités. Au regard des besoins, du profil des différents acteurs et de leurs feedbacks, des objectifs pédagogiques, des contraintes, et de mon expérience d’animateur, j’ai exploité spécifiquement ces différentes méthodes, retenu leurs apports et combiné leurs spécificités.  Je vais ci-dessous montrer pour chacune d’elles ce que j’ai retiré et comment je l’ai l’intégré dans l’ensemble.

  • DPATR : Décrire, Problématiser, Analyser, Théoriser, Réinvestir

Cette méthodologie offre l’avantage de découper comme autant de phases successives des gestes mentaux basés sur des opérations logiques. Elle permet d’intégrer ces bases nécessaires pour l’analyse, qui ne sont pas toujours travaillées de manière approfondie en CFC d’Assistant socioéducatif. Les apprentissages réalisés par les étudiants dans cette méthodologie sont transférables dans le cadre d’autres actes de formation, comme l’apprentissage de la conception des projets socioéducatifs ou socioprofessionnels. Il est à noter que le Cadre national de Certification, présente une échelle taxonomique se référant à ces différentes opérations.

On retrouve ces phases logiques dans le schéma en vagues, par lequel je donne une représentation visuelle de l’alternance école – institution. Cette représentation voudrait ne pas hiérarchiser école et institution, ni les figer dans des rôles liés au savoir et au faire (Daveziès, 1993 ; Wittorski, 2008). Il s’agirait plutôt de les considérer comme des lieux (topoï), ayant chacun ses codes, son fonctionnement, sa logique (Merhan, F. & Ronveaux, C. & Vanhulle, S., 2007).

Je me représente ces gestes mentaux comme des accords à la guitare d’un morceau de blues, que l’on retrouve au fur et à mesure de l’avancement du morceau, de manière toujours identique sur la forme mais différent dans le contenu.

  • GEASE

Le GEASE, comme méthode structurée, voire cloisonnée, permet un travail spécifique et ciblé sur les différentes phases du processus et d’intégrer les gestes mentaux du DPATR en leur donnant des espaces. Décrire un évènement ou une situation en identifiant de manière différenciée les faits, les ressentis, les actions, les interprétations. Développer sa capacité à structurer sa pensée, à froid, à fabriquer des hypothèses de compréhension et des pistes d’action. Méta-analyser (identifier les fonctionnements cognitifs, interactionnels, émotionnels vécus dans le groupe). Le GEASE permet à des personnes habituellement fortement engagées dans l’action de se dégager de ses contraintes de réussite, et de profiter du seul processus intellectuel réalisé à froid. Ce processus permet l’acquisition d’une méthodologie qui pourra être transférée dans le reste des situations à venir. À ce titre, la méthodologie du codéveloppement professionnel, conservant malgré tout un certain « entremêlement » des hypothèses, des pistes d’action, des conseils, et cetera ne me paraissait pas suffisante pour obtenir cet effet de structuration.

Auprès d’un public engagé dans la productivité, le GEASE permet d’adjoindre à la contrainte de la réussite de l’action une deuxième dimension, le raisonnement sur l’amont de la situation (sortir de la recherche de solutions immédiates et penser les causes possibles sous forme d’hypothèses et permet aux étudiants novices de généraliser et d’accélérer leurs apprentissages), sans aller toutefois dans la radicalité de la méthode GFAPP, qui exclut la piste d’action.

Faire de la situation un objet d’analyse, un prétexte pour penser, va permettre d’identifier des ressources pour des familles de situations, des thématiques propres aux métier du travail social, et d’identifier des ressources correspondantes.

Enfin, le GEASE est une méthode qui se caractérise aussi par la séparation qu’elle impose aux participants et à l’exposant au moment de l’analyse. Ce cloisonnement permet à chacun de se dégager de la pression du groupe et la contradiction éventuelle de l’exposant pour formuler ses hypothèses librement et assumer son regard sur la situation. Pour des personnes plus jeunes ou manquant de confiance en soi, cet aspect favorise la construction de sa propre pensée en l’ancrant dans le point de vue subjectif et l’expérience.

On retrouve tous ces éléments dans la présentation de la méthodologie du guide, notamment la partie détaillée de celle-ci.

  • DAGNEA : Démarche d’Analyse en Groupe à partir des Natures d’Enjeux
    (S. Boucenna, in Charlier & al., 2013)

Cette démarche utilise une grille d’analyse pour décomposer la situation sous ses différents niveaux : individuel, interpersonnel, groupal, institutionnel. Elle est inspirée de Jacques Ardoino (sans le niveau macrosocial toutefois). La grille d’Ardoino est une ressource intéressante : voir la réalité comme étant composée de multiples niveaux que l’on peut apprendre à décomposer permet aux participants d’affûter leur analyse et d’identifier des phénomènes qui seraient passé inaperçus auparavant, en découvrant de nouveaux points de focale.

A l’inverse, cette grille permet également de « défocaliser » de son angle de lecture habituel et de considérer d’autres chaines de causalité que celle que l’on privilégie « naturellement ». Elle permet aussi aux participants de s’entrainer à s’approprier et utiliser une grille d’analyse. Elle permet également, après avoir fait le détour analytique, de s’apercevoir que dans le réel, tous les niveaux sont entremêlés. Enfin, elle permet aussi de réaliser que certaines décisions politiques ou économiques ont un impact bien réel sur nos vies quotidiennes.

Lorsque les situations sont abordées de manière intuitive, dans leur immédiateté (au sens premier de « sans médiation »), cette grille permet de poser une médiation entre soi et la situation, ce qui permet d’instaurer un recul (Cardinet, 2013 ; Friedrich, 2010). Le développement de la capacité d’agir de l’étudiant est renforcé. L’utilisation de la grille d’Ardoino pour décomposer la situation vécue permet de développer une systématique et d’envisager, de percevoir, d’observer des éléments jusqu’alors dans l’angle mort.

  • Coaching : appropriation de la notion de demande

L’approche coaching revêt de multiples aspects dont certains sont voisins à l’APP et peuvent être transférés avec bonheur. Parmi tous les outils relatifs à l’accompagnement de la personne que propose cette approche, c’est la notion de demande qui m’a paru la plus intéressante à exploiter ici. En effet l’APP prenant comme point de départ une situation amenée par un participant, il est essentiel de passer le temps nécessaire à la demande et son exploration. En effet, celle-ci est parfois partiellement non réfléchie : elle existe dans la conscience du participant sous forme de ressentis et de formulations qu’il faut souvent affiner, mais dont la dimension complète est souvent sous-estimée. Explorer la demande de l’exposant va permettre d’induire plusieurs processus positifs. Le premier de ces processus et le sentiment d’actorialisation : c’est la construction du problème et la demande qui vont être le départ de l’analyse (Amiguet et Julier, 2007).  En ce sens, l’exposant, relayé par l’animateur, donne la direction du travail à réaliser par le groupe, comme une lettre de mission. Le deuxième de ces processus, à travers l’exploration de la demande (Malarevicz, 2017), consiste à poser les termes du problème vécu par le participant – la problématisation, comme déjà dit, souvent incomplète à ce stade, demeurant de l’ordre de l’affect ou d’une élaboration intellectuellement partielle (voir aussi Vygotski sur la transformation de la pensée en langage, Vygotski, 2019). L’intérêt de cette phase va être d’amener la personne à mettre en mots, à trouver les mots justes, pour exprimer son problème. La formulation de la demande est, à ce titre, un maillon essentiel du processus global de l’APP. C’est cette phase qui, correctement réalisée, va permettre les prises de conscience futures de la personne. Cette phase de problématisation est également le préalable à l’identification des enjeux présents, ainsi qu’à l’exploration des niveaux de réalité concernés. Le troisième de ces processus est la neutralisation des projections du groupe. Pour terminer, rappelons que la prise en compte de la demande émanant de la personne accompagnée est un préalable déontologique et méthodologique essentiel du travail social en général ainsi que de toutes ses applications.

On retrouve également ces aspects dans la partie détaillée de la méthodologie du guide.

Ces méthodologies ayant pu être décomposées et reconstruites selon une combinatoire spécifique, ce processus devait s’accompagner du lien avec les intervenants.

2.2.3 Processus de coopération

Dans le processus, il était évident que la collaboration avec les intervenants de la plateforme serait pertinente et nécessaire. Elle s’est déroulée en trois temps.

Consutation collaborative avec les intervenants formateurs

Dans un premier temps, dès que les orientations en faveur d’APP inter-filières étaient définies par la commission ingénierie de l’école, et que j’avais décidé de créer un outil de référence (une année auparavant), j’ai consulté les intervenants de la plateforme sur leurs besoins en termes d’outils d’animation. Quels ingrédients méthodologiques leur paraissaient nécessaires pour pouvoir fonctionner et animer les groupes ? En effet, il était important pour moi de m’assurer que les intervenants adhéreraient au maximum à ce futur outil. Je fus agréablement surpris de constater que la grande majorité des outils qui leur étaient nécessaires faisaient partie de mon projet : GEASE, Ardoino et intelligence symbolique notamment. Il me paraissait alors que je récoltais les fruits de ce travail sur la culture commune menée grâce à la plateforme durant toutes ces années. J’ai pu poursuivre la rédaction et la mise en forme de l’outil, que j’avais commencé à construire, par petits bouts. La modélisation de cette méthodologie repose sur une formalisation de l’expérience accumulée, individuellement et collectivement, des formations suivies, de la procédure de consultation mise en place, des nombreux échanges, de l’Association Romande des Spécialistes en Analyse de Pratique (ARSAPP)…

Process d’évaluation avec boucle d’itération

Dans un deuxième temps, venait la question de la place de l’évaluation des APP au sein du module auquel il appartenait. Le responsable pédagogique de l’école ainsi que la Commission d’ingénierie avaient retenu ma proposition d’intégrer un système de feedbacks formatifs donnés par les animateurs aux étudiants (il me paraissait important qu’un tel système de feedback se fasse en transparence avec l’étudiant) et transmis au responsable de classe, chargé lui de l’évaluation. J’organisai donc une plateforme dont les deux objets furent les suivants : présenter aux intervenants là où j’en étais de la rédaction de l’outil, et obtenir des préavis sur sa pertinence, ainsi que leur demander de co-construire des indicateurs à partir des critères du module (qui eux, étaient déjà définis par le groupe ingénierie). Cette séance a permis de définir ces indicateurs, qui renvoient très concrètement à ce qui est vécu dans les phases de l’APP.

Mise en œuvre du process

Un troisième temps, à la rentrée 2022, m’a permis de présenter le Guide quasiment terminé (phase de relecture et correction) et de préciser les modalités organisationnelles concrètes. Un échange a eu lieu ainsi qu’un partage de ressources sur les éléments mentionnés ci-dessous et qui appartiennent déjà à la phase de mise en œuvre.

3. Les phases de mise en œuvre et d’évaluation : quelques enjeux  

Une plateforme de présentation du guide a été organisée début septembre 2022, réunissant les intervenants quelques semaines avant le démarrage des ateliers. Au cours de cette séance, j’ai présenté le guide. Lors de l’échange qui s’est ensuivi, deux points ont fait l’objet d’une thématisation plus approfondie : d’une part, les représentations et les a priori sur les métiers que les éducateurs peuvent avoir sur les MSP et réciproquement. D’autre part, les modalités selon lesquelles les animateurs vont faire des retours formatifs sur la progression des étudiants, prenant appui sur une grille dotée de critères (les indicateurs ayant été travaillés en plateforme avec les intervenants au printemps). Cette plateforme témoignait d’une forte envie des intervenants de débuter l’expérience avec les nouvelles modalités : nouveau guide, groupes inter-filières.

Une plateforme aura lieu au printemps 2023, en fin de processus. Elle permettra d‘évaluer et d’échanger sur la pertinence du guide, de le modifier si nécessaire, ainsi que de parler des modalités de retours formatifs faites aux étudiants. De plus, la perspective, si elle se confirme, d’ajouter des APP en deuxième année de formation, et donc de devoir définir ce qu’on va y faire, va permettre de revenir sur ce qui est fait en première année et en vue de quoi.

Le pari se situe à mon avis surtout au niveau de l’appropriation par les intervenants d’un guide déjà constitué, qui doit être pris pour ce qu’il est : un ensemble de références et d’outils, certes imparfait, mais qui offre, en tant que médiation (Vygotski, 2019), une possibilité d’appropriation hors de l’atelier et facilite l’autonomisation des étudiants vis-à-vis de l’outil. Je n’oublie pas que l’une des raisons qui m’a amené à concevoir un guide sur mesure tenait au fait que rien ne me semblait exister qui réponde suffisamment précisément aux paramètres spécifiques de notre dispositif de formation.

4. Conclusion

Ainsi, au terme d’une démarche de prise en compte tant des paramètres contextuels (liés au format, aux différents publics) que les finalités de formation, la phase de conception du guide a pu déboucher sur sa mise en production.

La réflexion continue qui m’a accompagnée tout au long de ce processus m’amène aujourd’hui à tenter d’identifier quelques facteurs de réussite dans ce cheminement entre ingénierie de formation et ingénierie pédagogique. Premièrement, la confiance et la marge d’autonomie accordées par la direction de l’école (directeur et responsable pédagogique), tant sur les aspects de coordination des intervenants que de vision et d’instrumentation. Sans cette confiance, le dispositif serait très certainement resté moins ambitieux et performant. Deuxièmement, la culture de groupe des animateurs d’APP, « instillée » et travaillée ensemble toutes ces années. La confiance créée petit à petit dans ce groupe a permis de consolider des références communes, un « genre » propre à l’ARPIH. Cela a servi de support et de fil rouge aux changements apportés, qui ont été accueillis avec beaucoup d’ouverture par les intervenants. Troisièmement, le pari de créer un outil sur mesure plutôt que d’utiliser des méthodologies « toutes faites », permet, je pense, d’effectuer un couplage dispositif – environnement le plus ajusté possible et donc, de faire porter toute la pertinence et l’efficacité de l’analyse de pratique en formation par alternance. J’espère que le grand intérêt des étudiants pour l’APP sera confirmé et encore renforcé par ces changements.

A titre personnel, je me réjouis de tirer le bilan de ces changements et d’affiner encore le dispositif pour les années à venir.

Annexe à télécharger

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Notes

[1] Après une maîtrise de philosophie, et une formation artistique, j’ai pratiqué d’abord comme enseignant spécialisé puis comme éducateur social dans diverses institutions du canton de Vaud, où j’ai suivi la formation d’Éducateur social ES. Puis je me suis tourné vers la formation des adultes, où j’ai pu participer à la mise en place de nouveaux plans de formation dans diverses filières, coordonner et développer différents dispositifs notamment réflexifs et d’intégration. Le CAS (Certificate of Advanced Studies) de Spécialiste en analyse de pratique et le Master en Sciences de l’éducation à l’Université de Genève m’ont permis d’affiner et de consolider une palette d’outils relatifs à la réflexivité. Ils ont été complétés par divers perfectionnements tels que l’approche coaching ou l’entretien motivationnel.

[2] Association Romande pour le Perfectionnement du Personnel d’Institutions pour Handicapés.

[3] Il s’agit bien entendu d’une analyse personnelle, basée sur ma propre expérience et mon propre regard, n’ayant aucune prétention à constituer une vérité (aucune étude de ce type n’ayant été menée à ma connaissance).

[4] Démarche d’Analyse en Groupe à partir des Natures d’Enjeux.