Marc Thiébaud

Psychologue, spécialiste de l’accompagnement et de l’animation de groupe, Suisse
thiebaud[arobase]formaction.ch


Résumé

Comment intégrer de nouvelles personnes dans un groupe d’analyse de pratiques professionnelles (APP) ? Ce texte évoque, à partir des expériences de l’auteur, en premier lieu le contexte dans lequel se produit ce renouvellement, les défis que cela pose et différentes manières de procéder. Il développe ensuite plus particulièrement une modalité qui mobilise les participants pour parler de la démarche vécue dans les séances précédentes et il examine ce que ceux-ci expriment à propos de l’APP. Enfin, il dégage quelques réflexions concernant l’intégration de nouvelles personnes dans un groupe et la présentation des éléments clés de l’APP.

Mots-clés 

renouvellement du groupe, accueil, confiance, démarche d’APP, accompagnement

Catégorie d’article 

Témoignage ; texte de réflexion en lien avec des pratiques

Référencement 

Thiébaud, M. (2021). Intégrer de nouvelles personnes dans un groupe d’APP. Quand l’ABC de l’APP est présenté par les participants… Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, No 21, pp. 124-141. http://www.analysedepratique.org/?p=5179.


download-icon Article en PDF                          et-info-comment Commentaires

 


Integrating new people into a professional practice analysis (PPA) group. When the ABCs of PPA are presented by the participants… 
Abstract

How to integrate new people into a professional practice analysis (PPA) group? Based on the author’s own experiences, this text first discusses the context in which this renewal occurs, the challenges it poses and different ways of proceeding. It then focuses on a modality that mobilises participants to talk about the process they have experienced in previous sessions and examines what they say about PPA. Finally, some thoughts are offered on integrating new people into a group and presenting the key elements of PPA.

Keywords

group renewal, welcome, trust, PPA process, accompaniment


 

Deux questions sont à l’origine des éléments apportés dans ce texte. Elles sont toutes deux liées à une réalité que je rencontre assez souvent dans les groupes d’analyse de pratiques professionnelles (APP) : d’une année à l’autre, la composition du groupe se renouvelle, une ou plusieurs personnes s’en vont et sont remplacées par d’autres.

  • Comment accueillir et intégrer les personnes nouvelles, de manière à ce que la confiance développée jusqu’alors perdure ?
  • Comment faire en sorte que ces personnes disposent d’informations, concernant le déroulement des APP dans le groupe, qui soient pertinentes et qui leur permettent de s’y impliquer de façon optimale ?

Ce texte est basé sur mes vécus et mes observations en tant qu’animateur en lien avec ces deux questions. Ci-après, je présenterai tout d’abord quelques éléments de contexte qui précisent le type de situations et de groupes concernés et j’aborderai les défis qui se posent pour moi et pour le groupe. J’exposerai ensuite différentes démarches que j’ai mobilisées durant ces 10 dernières années et les observations que j’ai pu réaliser à cet égard. Puis, je développerai plus particulièrement les modalités que je privilégie actuellement le plus souvent et qui s’appuient sur les ressources des participants. J’évoquerai ce qu’il en est résulté et je résumerai notamment la manière dont les participants décrivent leur expérience de l’APP lorsqu’ils sont sollicités pour ce faire (en relevant les mots qu’ils utilisent le plus souvent : leur ABC de l’analyse de pratiques). Enfin, je conclurai avec quelques réflexions relatives à l’intégration de nouvelles personnes dans un groupe et à la présentation de la démarche d’APP.

1. Contexte

Les groupes que j’anime sont constitués de professionnels qui se réunissent habituellement chaque année à cinq ou six reprises, durant une demi-journée. Le plus souvent, nous définissons un engagement pour un an, avec un renouvellement qui peut être décidé d’année en année (généralement, ce renouvellement se fait à deux ou trois reprises avec les groupes que j’anime). À ce moment, il est fréquent qu’une ou l’autre personne souhaite rejoindre le groupe, avec son accord. Cela se passe notamment lorsqu’un participant quitte son poste et qu’il est remplacé par une personne qui souhaite bénéficier également des APP.

Plusieurs cas de figures peuvent se présenter. Dans les trois premiers, en tant qu’animateur, je ne connais pas la personne :

  1. cette personne ne connaît aucun membre du groupe ;
  2. elle connaît certains membres du groupe ;
  3. toutes les personnes se connaissent (soit parce qu’elles se sont rencontrées à une autre occasion, soit parce qu’elles travaillent dans une même équipe) ;
  4. tout le monde se connaît.

Par ailleurs, d’autres éléments sont à prendre en considération, en particulier : la connaissance et l’expérience que la nouvelle personne a (ou n’a pas) de l’APP et l’expérience qu’elle a (ou n’a pas) acquise dans sa pratique professionnelle (dans le cas par exemple d’une récente prise de fonction).

Les situations rencontrées sont donc variables et elles influencent la nature des défis à relever que j’évoque ci-après.

2. Défis

Dans les groupes que j’anime, habituellement, chaque séance d’APP commence par un tour de table dans lequel les participants expriment leurs souhaits pour la rencontre, en une à deux phrases. Parfois, dans ce tour de table, j’invite les personnes à dire en premier lieu un ressenti du moment (leur météo intérieure) et des besoins éventuels sur un plan plus général. Suite à quoi nous définissons ensemble le programme, avec quelles personnes exposantes nous allons successivement travailler. Chaque séquence d’APP se déroule, avec des variantes possibles, selon la démarche présentée dans Thiébaud (2013) et Thiébaud et Vacher (2020).

L’intégration d’une nouvelle personne dans un groupe d’APP implique de prévoir des modifications par rapport au processus habituel de début de séance (au-delà du simple bonjour d’accueil de la nouvelle personne). En effet, les interactions en son sein sont inévitablement changées de par la présence d’un nouveau membre. La confiance qui a pu s’établir durant les rencontres précédentes est susceptible d’être affectée, ce qui peut réduire le degré de sécurité vécu. Le groupe ne se réduit pas à un agrégat ou une simple collection de personnes. S’il peut garder une certaine permanence, il ne sera plus exactement le même qu’avant, sa dynamique relationnelle sera modifiée, comme l’ont montré les travaux en psychologie sociale (Anzieu, 1997), humaniste (Rogers, 2006) et systémique (Watzlawick, Helmick Beavin, & Jackson, 1979).

Par ailleurs, cette nouvelle personne devra apprendre à connaître les membres du groupe, découvrir l’histoire et les liens développés entre eux, apprivoiser la démarche, les règles et les modalités de travail qu’ils ont élaborées et expérimentées ensemble depuis plusieurs séances, trouver sa place dans le groupe, surmonter certaines craintes légitimes face à la nouveauté qui peuvent limiter sa capacité à s’exposer, etc.

Au moment de la mise en place, lors de sa première rencontre, un groupe d’APP se constitue avec la clarification des attentes, la définition d’objectifs concertés, la définition en commun de règles de participation et d’un cadre de sécurité. La construction se poursuit ensuite au fil des séances. De mon expérience, celle-ci se fait notamment avec :

  • le partage des besoins et émotions par les participants,
  • la connaissance réciproque qu’ils développent entre eux,
  • l’attention portée par chacun à autrui (non-jugement),
  • l’expression de reconnaissance mutuelle,
  • l’accompagnement mutuel dans les APP,
  • les expériences vécues de reliance et d’interconnexion.

En suivant Rebetez (2015), je veille à développer à cet effet une posture d’accompagnement, à favoriser un processus de travail qui permette à tous les participants de s’impliquer, à faciliter avec eux les régulations nécessaires et suis attentif aux vécus de chacun.

On peut considérer que l’accueil d’une nouvelle personne nécessite un travail de reconstruction du groupe qui mobilisera peu ou prou les mêmes processus. Si cela peut être une opportunité de renouvellement pour le groupe, cela représente aussi un défi : comment inscrire cette intégration dans une articulation et une continuité avec tout ce qui a été construit précédemment au niveau de la dynamique collective. Comment faire pour qu’il n’y ait pas de « rupture d’évolution » pour les autres participants (cf les étapes de constitution et d’évolution d’un groupe ; Gouze, 2005 ; Thiébaud et vacher, 2018).

Un autre aspect concerne la compréhension et l’apprentissage des modalités d’APP par la nouvelle personne qui nécessitent une élaboration qui peut également prendre du temps. Dans les groupes que j’anime, ces modalités ne sont pas définies de manière immuable. Elles sont influencées par les vécus du groupe. Je privilégie en effet une approche évolutive, qui s’inscrit dans une perspective d’accompagnement, de réflexivité et d’intelligence collective (Thiébaud et Vacher, 2020).

Une difficulté ici consiste à aider la personne nouvelle à se repérer dans la démarche d’APP alors que le reste du groupe en a déjà développé une certaine expérience et l’a déjà ajustée à sa réalité. En d’autres termes, il ne lui suffira pas d’avoir connaissance d’un protocole et d’en suivre les consignes à chaque étape pour s’y retrouver d’emblée. En effet, le travail élaboré par le groupe, la manière dont celui-ci a ajusté la démarche d’APP en fonction de ses réalités peuvent lui manquer dans les premiers moments.

L’intégration d’une nouvelle personne et la reconstruction du groupe d’APP peut donc être vue comme un défi. Si je n’ai pas rencontré de difficultés particulières avec les groupes que j’ai animés, cela demande à chaque fois de l’attention. Le défi est d’autant moins aisé à relever si l’on considère que, pour les participants qui ont déjà vécu ensemble de nombreuses séances, il pourrait être fastidieux d’y consacrer trop de temps (sans compter qu’au fil des ans, le groupe a déjà pu se renouveler à plusieurs reprises, avec des personnes qui l’ont successi-vement rejoint). Cela pourrait être d’ailleurs aussi gênant pour la nouvelle personne si elle a l’impression de prendre trop de place parce que son arrivée et son intégration dans le groupe nécessitent de prévoir des activités et du temps avant la séquence d’APP proprement dite.

3. Différentes manières de procéder pour intégrer une nouvelle personne dans un groupe d’APP

Compte tenu de la variété des situations que j’ai brièvement évoquée plus haut, je cherche à ajuster à chaque fois la manière de procéder, en concertation avec les participants. Je m’appuie pour ce faire sur les repères suivants (qui me servent d’ailleurs pour toute régulation ; voir Thiébaud et Bichsel, 2019a) :

  • le sens partagé (à quelles attentes, quels besoins cela répond-il ?),
  • l’organisation et la gestion du temps (quelle méthode est la plus efficace ?),
  • l’implication (comment la manière de procéder mobilise-t-elle les participants ?),
  • les relations collectives (comment cela valorise-t-il les interactions et le climat de groupe ?),
  • la production (quels apprentissages, quels bénéfices en résultent dans le travail d’APP ?),
  • les processus de facilitation du groupe (comment favorisent-ils les régulations nécessaires ?),
  • les capacités réflexives, le méta (comment cela aide-t-il la prise de recul dans le groupe ?).

C’est en considérant la combinaison et l’équilibre de ces différents aspects que je cherche les moyens d’intégrer les nouvelles personnes dans un groupe d’APP. Au fil du temps, j’ai expérimenté, en concertation avec les participants, différentes manières de procéder que je décris successivement dans les lignes qui suivent. Je les ai regroupées, pour simplifier, en cinq activités-types.

3.1. Activité spécifique de reconstruction du groupe

Cette activité consiste à consacrer un moment en début de séance pour apprendre à se connaître avec la nouvelle personne. Étant donné que les autres membres du groupe ont déjà développé des liens, je propose des activités créatives, de type brise-glace, qui permettent à tous les participants d’en bénéficier. Cela prend souvent la forme de brefs échanges (de deux minutes) en duos (ou en trios) sur des sujets divers tels que : « mon ressenti du moment » ; « un souvenir plutôt enthousiasmant de la semaine passée » ; « mes attentes par rapport aux rencontres d’APP » ou encore (en cinq minutes) « sept points que nous avons tous les deux (ou les trois) en commun » (ce qui nécessite une exploration, un questionnement, alors que les autres échanges procèdent plutôt par une prise de parole chacun à son tour) ; etc.
Ensuite, les participants sont invités, dans le cercle du groupe, à s’exprimer à tour de rôle : « mon prénom et une qualité personnelle qui commence par la même lettre que mon prénom » ; « si j’étais un animal, je serais… » ; etc.
L’ensemble dure généralement entre 20 et 30 minutes.


Les sujets proposés peuvent être très variés, adaptés au groupe, avec une petite touche de surprise mais sans qu’ils suscitent en principe de difficultés particulières. L’important est pour moi que tout le monde puisse être mobilisé au maximum et que le rythme soit rapide. Les échanges en duos ou en trios peuvent s’effectuer sur 10 à 15 minutes, avec un tournus pour chaque sujet, ce qui permet à la personne nouvelle de rencontrer quatre à cinq membres du groupe. Ce format libère aussi la parole, qu’il est plus facile de prendre ensuite face au groupe entier. Le tour de table en grand groupe permet à chacun d’entendre tout le monde et contribue à développer le sentiment d’appartenance. Pour qu’il ne soit pas chronophage, je préfère limiter la prise de parole à un ou deux mots ou une seule phrase. Cette manière de procéder est efficace pour développer les liens.

Actuellement, j’utilise assez rarement cette activité spécifique, sauf lorsqu’il s’agit d’intégrer plusieurs nouvelles personnes simultanément. Quelle que soit sa forme, elle demande en effet de prendre du temps de séance qui n’est pas dédié à l’APP proprement dite, d’autant qu’il est aussi nécessaire de clarifier par la suite le déroulement, les principes et les règles de l’APP (cf point 3.3). Cette activité peut être mise en parallèle avec celles qui sont souvent proposées au démarrage du groupe, lors de sa toute première séance, dédiée pour tout ou partie à la constitution du groupe (voir différents exemples dans les articles parus dans Thiébaud (coord., 2017). Durant mes premières années d’animation, j’avais tendance à consacrer une heure, voire l’entier de la première séance d’APP pour cela. Actuellement, je prends généralement beaucoup moins de temps afin de le réserver pour l’APP proprement dite.

3.2. Échange individuel avec la nouvelle personne avant la séance

Il s’agit d’organiser par courriel un échange préalable entre la nouvelle personne et moi, qui peut se faire par téléphone, en visio ou parfois en présentiel, selon ce qui est le plus pratique. Cet échange est informel. Il nous permet de faire connaissance et d’aborder les questions que la personne peut avoir en vue de son intégration dans le groupe.


C’est l’occasion pour la personne de partager avec moi son expérience et de gagner en confiance avant la première séance. En ce qui me concerne, je peux disposer ainsi, avant la séance, d’éléments qui me seront utiles pour faciliter son accueil. Lorsque la nouvelle personne connaît déjà tous les membres du collectif ou la majorité d’entre eux, cette manière de procéder est efficace : elle est vécue comme sécurisante et elle demande peu de temps.

3.3. Information sur la démarche d’analyse de pratiques

Il s’agit d’assurer que la personne qui rejoint le groupe dispose des informations nécessaires concernant le sens, les principes, les modalités et les règles de travail en APP tels que nous en avons convenu et les aspects d’organisation pratique (dates, lieux, etc. des rencontres). Ces informations peuvent être transmises de différentes manières selon les groupes. Parfois, je profite à cet effet de l’échange individuel que je viens d’évoquer dans le point 3.2 ou je propose à la nouvelle personne de lire des documents en lien avec l’APP (en général ceux que j’ai précédemment distribués aux participants ; voir par exemple Thiébaud, 2001). D’autres fois, je prends un moment, lors de son accueil dans le groupe pour rappeler la manière dont nous travaillons en APP et les règles adoptées. Il arrive aussi qu’un membre ou l’autre du groupe se charge de l’informer préalablement.


Il est généralement utile que la nouvelle personne dispose des mêmes informations écrites que les autres participants, cela accroît son sentiment d’appartenance au groupe. Avec un échange individuel préalable, le dialogue peut favoriser sa découverte et son appropriation de la démarche. Lorsque l’on prend du temps dans le groupe pour parler du dispositif d’APP, la nouvelle personne peut également clarifier des questions éventuelles qui l’habitent. Cela peut par ailleurs servir de rappel utile pour tous les participants au moment de commencer une nouvelle année de rencontres. Un inconvénient pour moi dans cette façon de procéder, c’est que cela repose beaucoup sur moi en tant qu’animateur. En ce sens, il peut être intéressant d’identifier dans le groupe des participants susceptibles de donner des informations à la nouvelle personne, ce qui est plus facile lorsqu’ils se connaissent déjà ou travail dans la même équipe.

3.4. Activité d’intégration minimaliste

Une modalité minimale signifie pour moi qu’aucune activité préalable à la rencontre n’est prévue et que nous convenons de ce qu’il apparaît utile de faire au début de la séance durant laquelle la nouvelle personne est intégrée. Dans ce cas, généralement, l’accueil se fait de manière très informelle. Assez souvent, des échanges ont déjà lieu à l’arrivée et les personnes qui ne se connaissent pas se présentent rapidement. Puis je rappelle nos règles et la séance d’APP débute selon le processus habituel (voir le premier paragraphe du point 2 ci-dessus). J’invite la nouvelle personne à exprimer ses questions et besoins, en début et dans le cours de l’APP et nous prenons le temps nécessaire pour des clarifications lorsque cela est demandé. Généralement, nous profitons ensuite de la pause en milieu de séance pour faire plus ample connaissance.


J’utilise cette manière de procéder plus particulièrement lorsque la nouvelle personne connaît tous les participants à l’APP parce qu’elle travaille au quotidien dans la même équipe ou qu’elle a eu de nombreuses autres occasions de les rencontrer. Il arrive d’ailleurs que j’apprenne en début de séance que cette personne a été engagée récemment dans l’équipe et qu’elle rejoint les séances d’APP. Assez souvent, j’observe que quelqu’un s’est chargé de l’informer préalablement à minima sur le déroulement de l’APP. Dans ce cas, on se présente l’un à l’autre en quelques mots puis la séance démarre comme à l’accoutumée.

En appréciant sur le moment, en début de séance, ce qui est le plus approprié, il en résulte souvent un gain de temps, dans la mesure où l’on opte pour entrer plus rapidement dans l’APP proprement dite. Généralement, la nouvelle personne dit que cela lui convient bien et qu’elle veut commencer par observer… ce qui ne l’empêche pas très rapidement d’être active dans l’analyse, notamment dès qu’elle perçoit que les autres participants apprécient le regard neuf qu’elle peut apporter.

Durant l’APP, je prends ensuite un soin particulier pour introduire et expliquer chaque étape. Avec le temps, j’ai constaté que les liens et la confiance peuvent se développer tout aussi bien durant l’APP, dès le moment où l’écoute est présente dans le respect de la subjectivité de chacun. L’important réside dans les capacités de régulation présentes dans le groupe, qui permettent à n’importe quel participant, à tout moment, de dire s’il y a un inconfort dans la communication, de demander une « pause » dans le processus pour exprimer un besoin, clarifier une question, prendre un temps « méta », etc. (voir Thiébaud et Bichsel, 2019a ; 2019b). Il arrive que la personne nouvelle demande par exemple une précision au passage d’une étape à l’autre. Lors du bilan de l’APP, elle s’exprime sur ce qu’elle a vécu, comme les autres participants, et cela donne l’occasion éventuellement de clarifier encore un ou l’autre aspect du processus d’APP. Généralement, elle dit qu’elle a pu se l’approprier suffisamment et qu’elle n’a pas besoin de davantage d’informations pour la suite.

De mon côté, j’ai pris confiance dans la possibilité de consacrer très peu de temps à informer une nouvelle personne à mesure que j’ai eu l’occasion d’expérimenter l’intérêt de travailler la constitution du groupe à travers le processus d’APP lui-même, avec le dialogue qui s’y développe et les éventuels temps « méta ». Cette façon de faire peut d’ailleurs être utilisée également pour le démarrage initial d’un groupe d’APP. La première fois que j’ai eu l’occasion de constater que le groupe l’appréciait date de 1999 (et j’ai revécu depuis lors souvent la même expérience). J’avais été sollicité pour faire une présentation d’une heure sur l’analyse de pratiques à un groupe de personnes intéressées et j’ai refusé, tout en proposant une alternative qui s’inscrit dans une logique expérientielle (selon Kolb, 1984) : vivre une séquence d’APP puis en parler et y réfléchir ensemble. Ma proposition avait été acceptée (avec une durée de 2h30 plutôt qu’une heure !). Et elle m’avait convaincu, de même que les participants. Cela nécessite cependant, à mon sens, que les personnes se connaissent déjà préalablement, ce qui était le cas et qu’il y ait un minimum de confiance et de respect déjà présents.

3.5. Activité d’intégration mobilisant les ressources de tous les participants

Cette activité consiste à inviter tous les participants, en début de séance, à parler de leur vécu en APP. J’explique brièvement, suite au bonjour d’accueil de la nouvelle personne, que nous procéderons à deux tours de table : le premier pour ce partage de vécus et le second pour identifier, comme à l’accoutumée, les souhaits de chacun pour la séance. Ensuite, une fois les choix faits pour le déroulement de la séance, je rappelle les règles (ou je demande aux participants de le faire) puis je donne de très brèves indications sur le déroulement de la première analyse de pratiques en vérifiant si la nouvelle personne a des questions. Je l’invite à nous questionner sans hésiter, selon besoin, dans le cours de la séance et au fur et à mesure où je faciliterai le passage d’une étape à l’autre du processus.


Pour introduire le premier tour de table proposé (qui est le plus souvent nouveau pour tous les participants), je leur indique le but : « permettre à la nouvelle personne de s’informer sur le travail effectué en APP » ; puis j’invite chacun à réfléchir durant deux ou trois minutes pour identifier et noter, pour soi, « des ingrédients essentiels de l’APP, selon les vécus de chacun ». Je peux varier cette consigne, notamment si ce n’est pas la première fois que le groupe accueille une nouvelle personne. Par exemple en leur demandant : « qu’est-ce qui favorise le succès d’une APP selon mes vécus » ou encore « qu’est-ce qui me motive à participer à des séances d’APP pour une deuxième (ou troisième année) ». En ce qui concerne la nouvelle personne, je lui propose de dire ses attentes ou ses motivations à rejoindre le groupe.

Afin d’assurer l’efficacité de ce tour de table, je précise que je demande à chacun de dire :
1) son prénom 2) quelque chose sur soi (en une phrase) et 3) un élément clé de l’APP (une phrase également). Je commence le tour en disant mon prénom et une chose sur moi, puis je passe le relai à un des participants de mon choix et j’invite chacun à en faire de même jusqu’à ce que tout le monde ait eu la parole. Je demande enfin au groupe si quelqu’un souhaite apporter un complément à ce qui a été partagé sur les éléments clés vécus dans l‘APP.

J’ai développé cette activité au cours des 10 dernières années et c’est celle que je privilégie le plus souvent actuellement. Elle est très appréciée par le groupe. Les participants s’expriment sans difficulté, avec spontanéité, parfois avec humour, dans une dynamique qui permet à la nouvelle personne de vivre l’expérience de la qualité de relation et d’écoute qui prévaut en APP. Après avoir noté plusieurs éléments durant le moment de réflexion initiale, ils partagent, dans le tour de parole, un élément qui n’a pas été encore mentionné, tout en disant souvent qu’ils rejoignent ce qui a déjà été exprimé. Cette activité peut aussi être adaptée en fonction de chaque groupe, au niveau du détail des consignes. Parfois j’invite à évoquer une image ou à utiliser une analogie pour s’exprimer ou je propose des cartes telles que celles figurant dans le jeu Dixit comme support à la parole (voir : https://www.libellud.com/dixit-resources).

Cette manière de procéder réunit plusieurs avantages : elle mobilise tout le monde ; elle aide la personne nouvelle à se sentir en communication avec chaque participant et à s’approprier une démarche d’APP que les autres participants ont déjà expérimentée durant plusieurs séances, sans que cela soit trop formel. Elle permet une circulation fluide et rapide de la parole. Avec le relais de personne à personne, cela développe aussi des liens dans le groupe. Il en émerge une image globale des essentiels de l’APP, chacun apportant de nouveaux éléments. Cette façon de procéder prend par ailleurs peu de temps tout en offrant un rappel pour tout le monde, qui peut être bienvenu au moment de commencer un nouveau cycle de séances. De mon côté, je constate que je n’ai généralement rien à ajouter à ce qui a été partagé, cela reflète le travail que nous avons effectué ensemble. Parfois, j’évoque un élément concernant mon rôle : je précise ma posture de facilitateur.

4. ABC de l’APP : comment les participants présentent l’APP

Au fil des ans, lors d’une douzaine de séances vécues avec l’activité d’intégration mobilisant les ressources de tous les participants (cf. 3.5), j’ai eu l’occasion de noter les expressions qu’ils ont employées pour parler de l’APP. Ci-après, j’en donne des exemples et je résume les principaux éléments avec les mots et leur étymologie ainsi que les notions qui reviennent le plus fréquemment dans leur propos (éléments qui renvoient à ce qui a été réalisé et vécu par les groupes concernés durant les APP des années précédentes).

A

Analyse

Du grec ancien, analysis, de analuô, « délier », de ana, « en haut » et de luô, « relâcher ».
« C’est la décomposition d’un tout en ses parties. Le travail d’analyse consiste à discerner et à examiner différents constituants des situations, actions et vécus et à en déplier la complexité qui dépasse la somme des parties. Par extension, l’analyse aide à mettre en lien et à modéliser. » (Thiébaud et Vacher, 2021, p.178).

« On peut analyser les situations qu’on vit, aussi bien des problèmes que des réussites.
Je repars avec des angles nouveaux, pas nécessairement des solutions, mais un regard neuf. »

« Ce qui me motive, c’est que cela me permet de sortir le nez du guidon, d’analyser et de voir les choses autrement, d’ajuster ma place, de mieux comprendre ce que je fais. »


C’est un élément central de l’APP qui revient chez les participants. Ils soulignent combien il est utile de réserver suffisamment de temps à l’étape d’analyse et de recherche de compréhension. Celle-ci est synonyme pour eux de questionnement, de prise de conscience, d’élargissement de la perspective, de prise de recul.

Apprentissages

Action d’apprendre. Du latin Apprehendere, de ad, « à », et prehendere, « prendre, saisir par l’esprit ».

« J’apprends à m’interroger, à voir plus large, je me réjouis, cela me permet d’avancer, de m’enrichir. »

« Un élément clé pour moi : on apprend les uns des autres, à partir de nos différentes visions et avec aussi des parallèles que l’on peut faire entre nos vécus. Cela me fait bouger, je peux me renouveler. »


Les participants mettent en lien généralement les apprentissages avec le développement d’une meilleure capacité d’agir, dans les situations professionnelles qu’ils rencontrent. Ils évoquent qu’ils apprennent par un travail d’exploration collective. Ces éléments rejoignent les écrits portant sur le pouvoir d’agir qui mettent en évidence comment celui-ci peut être stimulé ou libéré par des démarches d’analyse de pratiques (Boucenna, Thiébaud & Vacher, 2022, à paraître) ou d’accompagnement de manière plus générale (Gregoire, 2019).

Accompagnement

Du latin : de ad, « mouvement » et cum pane « avec pain ».
Étymologiquement « ac-cum-pagnis : ac (vers), cum (avec), pagnis (pain), dotant l’accompagnement d’une double dimension de relation et de cheminement. […] Se joindre à quelqu’un (dimension relationnelle), pour aller où il va (dimension temporelle et opérationnelle), en même temps que lui : à son rythme, à sa mesure, à sa portée. Tel est le principe de base : l’action se règle à partir de l’autre, de ce qu’il est, de là où il en est. »  (Paul, 2009, p.95).

« Quelque chose d’essentiel pour moi : je me sens accompagnée, soutenue, par le groupe. »

« Je peux compter sur le regard des autres, leurs questions me font avancer, cela me remet en question aussi parfois, mais ce ne sont pas des conseils, c’est plutôt un accompagnement. »


Analyse, apprentissage, accompagnement sont souvent reliés, et cela apparaît lorsque les participants s’expriment en rebondissant sur la parole de l’un ou l’autre. L’attention portée à la demande de la personne exposante, l’écoute, la posture de questionnement, le partage d’hypothèses de compréhension et le travail en intelligence collective font partie des principes sur lesquels s’appuient les APP que j’anime (voir Thiébaud, 2018 ; Thiébaud & Vacher, 2020).

B

Bienveillance

De bienvoillance, « disposition favorable envers quelqu’un ».
« D’après le « dictionnaire étymologique de la langue française », par B. de Roquefort (1829), bienveillance ne vient pas de benevolentia mais bien de bona vigilantia, la bonne vigilance ou le fait de bien veiller. Même racine que veille, vigie, vigilance etc. Le sens de soin attentif, d’attention soigneuse qui fait veiller. »  (Wikipedia).

« L’écoute bienveillante. »

« Ça peut nous toucher, nous remuer, nous questionner, d’entendre les collègues, mais les échanges se font toujours dans la bienveillance. »


Les participants évoquent souvent la bienveillance vécue dans le groupe, qui n’est pas de la gentillesse pour eux, mais une présence à l’autre et à ce qu’il vit ; elle inclut de la remise en question. Il s’agit de l’accueil de l’altérité et de l’ouverture à l’autre et à sa subjectivité.

Ils font aussi l’expérience que la bienveillance n’est pas seulement là pour les autres membres du groupe, elle peut être également développée à l’égard de soi-même (cf. la dureté des jugements que l’on peut porter sur soi !).

Besoins

Avoir besoign de : « ressentir la nécessité de ».
Provençal : besonh, bezonh ; italien : bisogno ; pays de Coire : basengs ; bas-latin : bisonium ; de soin, attention, application de l’esprit à une chose, à faire quelque chose et d’une préposition be, qui fait difficulté. (Dictionnaire Littré).

« Ces moments, c’est pour moi un besoin. Pour sortir de mon travail, qui est finalement solitaire, pour me sentir moins seul et pouvoir partager. »

« Un élément important pour moi, c’est que je peux venir avec mes besoins et mes préoccupations, ils sont accueillis et je peux trouver de l’aide. »


En lien avec la place de l’accompagnement dans l’APP, l’accueil des besoins de chacun est reconnu comme un élément important par les participants. Ce qui est frappant par ailleurs, c’est la valeur qu’ils accordent progressivement à cet espace, qui devient considéré comme nécessaire.

Bulle d’oxygène – Bouffée d’oxygène

Bulle : sphère de gaz ou d’air.
Figuré : lieu où l’on se sent en sécurité, protégé des éléments extérieurs.
Bulle d’oxygène : moment de répit et de ressourcement.
Bouffée d’oxygène : sensation de pouvoir respirer de nouveau après un sentiment d’étouffement.
(Dictionnaire français des synonymes).

« C’est comme une bulle d’oxygène, je peux déposer ce qui est lourd, cela m’évite de le ramener à la maison »

« C’est une bouffée d’oxygène, parfois, je suis surchargé et je me dis que je n’aurai pas le temps de venir, mais je viens quand même, je me rends disponible, et je ressors ressourcé, j’ai pu me poser, réfléchir, me recentrer. »


Ces deux expressions reviennent souvent dans les propos des participants. Elles mettent en évidence l’importance que peut prendre le groupe comme espace de ressourcement. Cela a pris de l’ampleur ces derniers temps, les professionnels souffrent davantage dans leur qualité de vie au travail et ont de moins en moins de temps pour souffler, « se poser », dans le quotidien. J’ai constaté d’ailleurs que des offres d’aide au bien-être dans le travail intitulées « bulle d’oxygène » sont apparues depuis 2020 sur Internet. De manière plus générale, cela rejoint aussi la réflexion développée par Vachon (2021) sur le sens que prennent les analyses de pratiques professionnelles au regard d’une démarche de qualité de vie au travail.

C

Cadre

Du latin quadrum : « carré ».
Quadre : bordure (formant un carré à l’origine).
Désigne un objet délimitant (bordure de bois, de métal, etc., qui entoure un tableau ou tout autre objet qu’elle protège.
Par extension : assemblage qui compose une charpente, une structure. (Dictionnaire de la langue française).

« Le cadre, les étapes, cela nous aide à réfléchir. »

« Je me sens en sécurité, il y a un cadre et en même temps je me sens libre. »


Le cadre renvoie pour les participants en premier lieu au processus de travail par étapes. Ils évoquent le fait qu’il structure la réflexion et aide le groupe à prendre le temps d’analyser les pratiques sans « tomber » dans leur habitude de juger et conseiller des pistes d’action. Par ailleurs, il est mis en lien avec les aspects de sécurité et de confiance, comme beaucoup d’écrits dans le domaine le soulignent (voir par exemple Rebetez, 2014 ou Grégoire, 2014). Il est parfois associé au rôle de l’animateur, mais pas systématiquement, ce qui me fait penser que les participants se le sont d’une certaine manière approprié.

Communication

Du latin communicatio (« communication, mise en commun »), de communis (« commun »).
« L’étymologie illustre la polysémie du terme qui peut signifier tour à tour « avoir part », « partager »,
« participer de quelque chose », « être en rapport mutuel, en communion avec quelqu’un »,
« transmettre », « propager », « faire partager »
. (Bornand et Leguy, 2013, p.43).

« L’analyse de pratiques, c’est un moment de communication, de partage qui est riche en écoute et émotions. »

« Un ingrédient, c’est que cela se passe dans la collaboration, dans la communication, dans l’échange, je me sens reliée à mes collègues qui font le même travail que moi. »


Cet aspect de communication est souvent lié au partage d’émotions dans le groupe. Il ouvre parfois pour les participants sur le développement d’un pouvoir d’agir collectif. Il renvoie par ailleurs à la dynamique collective qui prévaut dans les APP que j’anime. Des liens plus ou moins étroits apparaissent entre apprentissage, communication et expérience du travail en collectif. En effet, d’une part, comme cela a été évoqué, les apprentissages se développent dans l’interaction. D’autre part, le processus vécu d’analyse en groupe est source de développement de nouvelles capacités à travailler en collectif, que les participants (Boucenna, Thiébaud & Vacher, 2022, à paraître).

Confiance

Du latin confidere : cum, « avec » et fidere « fier ».
« Au sens strict du terme, la confiance renvoie à l’idée qu’on peut se fier à quelqu’un ou à quelque chose. L’étymologie du mot montre par ailleurs les liens étroits qui existent entre la confiance, la foi, la fidélité, la confidence. A la différence de la foi, la confiance n’est jamais un pur « don » : elle est quelque chose que l’on construit, pour soi et pour l’autre ; quelque chose que l’on « fait » et que, parfois, l’on « défait ». […] La confiance naît du lien – les tout premiers liens, les liens avec les parents et les proches. Mais sa véritable force réside dans le fait que, même si elle demeure à jamais fragile, elle engendre toujours du lien. » (Marzano, 2010, p.53).

« C’est un endroit où je me sens en confiance, il y a la confidentialité. »

« On est ensemble, on est en confiance, on vit les mêmes choses, on peut compter les uns sur les autres, on est plus fort face aux difficultés. Et on se revoit régulièrement dans le même groupe, on peut ainsi suivre d’une fois à l’autre comment cela évolue. »


La confiance est un élément très souvent évoqué. Elle est en lien avec la communication et avec le besoin de solidarité déjà évoqués plus haut. Pour moi, en tant qu’animateur, elle est également très importante en ce sens qu’elle me permet de proposer de nouvelles manières de procéder. J’ai confiance dans la capacité du groupe à les accueillir et à réguler si nécessaire. C’est elle qui m’a aidé notamment dans mon choix de m’appuyer ainsi sur les ressources du groupe pour l’intégration d’une nouvelle personne.

5. Quelques réflexions pour conclure

À partir des deux questions et des défis que pose pour moi l’intégration d’une nouvelle personne dans un groupe d’APP, j’ai évoqué cinq activités types que j’ai utilisées au fil du temps, depuis plus de 20 ans, dans les diverses situations rencontrées. J’ai ensuite développé plus particulièrement l’activité que je privilégie actuellement et ce qu’elle produit.

5.1. En lien avec l’activité d’intégration mobilisant les ressources des participants

Quatre aspects me paraissent notamment intéressants à mettre en exergue :

  • Cette activité est simple à mettre en œuvre, elle prend peu de temps et elle permet de faire d’une pierre deux coups (développer les liens et aborder les éléments clés de l’APP). Elle aide la personne nouvelle à se sentir à l’aise et en communication avec le groupe (ce qu’elle exprime souvent au moment de prendre son tour de parole et de partager ses attentes, et parfois les vécus qu’elle a déjà eus dans des APP ailleurs). Elle contribue également à valoriser l’expérience acquise par les participants durant les séances précédentes, expérience qu’ils partagent sans chercher à être des experts, mais d’une manière qui inclut la personne arrivante.
  • Elle donne à voir à la fois comment les membres du groupe peuvent partager des vécus similaires et apporter une diversité de points de vue et de bénéfices (une même séance d’APP peut répondre à des besoins différents chez les participants ; voir Thiébaud, 2013).
  • La manière dont cette activité se déroule peut être mise en parallèle avec le processus d’analyse en APP, dans sa dynamique de mutualisation avec la mise en lien des apports et des subjectivités. C’est par le partage des représentations de tous les participants que se dégage une image globale riche de l’APP, comme c’est le cas par rapport à une analyse de pratique éclairée par le travail de tout le collectif
  • Les mots-clés relevés sont ce que j’ai noté lors des séances que j’ai eu l’occasion de vivre avec les groupes que j’anime. Ils me semblent bien caractériser le travail que nous faisons et je n’éprouve que rarement le besoin de m’exprimer pour y ajouter un élément. Tout au plus je précise à l’attention de la personne arrivante mon rôle de facilitation. Il serait intéressant de mettre en perspective les aspects relevés avec les expériences apportées par des animateurs d’APP dans d’autres groupes et contextes. Je n’ai pas eu l’occasion à ce jour de le faire.
5.2. De manière plus générale, par rapport à l’ensemble des activités d’intégration

Le fait de pouvoir choisir entre plusieurs activités nous donne une liberté et me permet d’adapter le processus à chaque situation et à la relation que j’ai avec le groupe. Même si je privilégie souvent une forme qui mobilise les ressources de tous les participants, je reste attentif à ajuster la manière de procéder en tenant compte des repères que j’ai mentionnés au début du point 3.

Ces manières de faire ne sont pas les seules. Ce sont celles que j’ai développées au fil du temps, en accord avec mon éthique d’accompagnement et d’émancipation des acteurs. Elles continuent à évoluer.

Cela est possible grâce aux participants des groupes que j’anime, ce sont eux qui m’ouvrent à d’autres chemins possibles, qui m’aident à en voir les fruits potentiels et à réguler les façons de procéder. Leur confiance, leur bienveillance font que ces évolutions ont toujours été apprenantes pour moi. Elles m’ont conduit, année après année, à valoriser l’approche expérientielle et à mobiliser davantage les ressources du groupe, à prendre moins de place et à faire davantage confiance dans l’émergence. Ce que les participants peuvent apporter, avec leurs différents vécus et leurs interactions, est toujours plus porteur que ce que je pourrais moi-même dire, seul. Cette conviction s’est forgée avec le temps, à mesure que j’ai pu faire l’expérience des bénéfices d’une posture accompagnante de la dynamique collective.

5.3. En prolongement

Après avoir expérimenté à plusieurs reprises des formes d’intégration d’une nouvelle personne plus simples (voire minimalistes) et mobilisant les participants, j’ai eu envie d’explorer des manières similaires de procéder cette fois pour la première séance lors du démarrage d’un groupe d’APP. J’ai à cet effet proposé, récemment, à deux occasions, de commencer par un tour de table pour que chacun partage, soit un vécu qu’il a eu avec un groupe d’APP ailleurs, soit une représentation qu’il se fait de l’APP. Il s’en est suivi un court échange autour de questions de clarification que cela a suscités et de nos règles de fonctionnement. Puis nous avons passé rapidement à une première analyse de pratiques.

S’il est trop tôt pour moi d’en faire le bilan, j’ai été frappé par la richesse de cette mise en commun et par la qualité des échanges auxquels elle a donné lieu. Avec un double bénéfice que j’ai retrouvé, comme dans l’intégration d’une personne présentée dans le point 3.5 : cette activité a permis, dans un temps court, à la fois une mise en lien de tous les participants et une compréhension des éléments fondamentaux de l’APP. Elle a facilité une entrée rapide dans une première analyse de pratiques, en confiance. Elle élargit donc pour moi les variantes possibles dans le démarrage d’un groupe d’analyse de pratiques. Je continuerai à l’utiliser dans les situations où les participants sont tous volontaires et demandeurs pour les séances d’APP et que je n’y vois a priori pas d’obstacle au niveau relationnel.

Références bibliographiques

Anzieu, D. (1997). La dynamique des groupes restreints. PUF.

Bornand, S. & Leguy, C. (2013). Différentes manières d’appréhender la communication.
Dans : S. Bornand & C. Leguy (Dir), Anthropologie des pratiques langagières
(pp. 43-72). Paris : Armand Colin. https://www.cairn.info/anthropologie-des-pratiques-langagieres–9782200287788-page-43.htm

Boucenna, S., Thiébaud, M. & Vacher, Y. (2022, à paraître). Comment accompagner avec l’analyse de pratiques professionnelles ? De Boeck.

Chocat, J. (2016). La place de l’animateur comme chef d’orchestre du groupe d’analyse de pratiques professionnelles. Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 7, 54-65.  https://www.analysedepratique.org/?p=2054.

Grégoire, E. (2019). Libérez le pouvoir d’agir. Editions Qui plus est.

Grégoire, E. (2014). Le cadre de l’analyse de pratique. Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 2, 11-19. https://www.analysedepratique.org/?p=1046.

Gouze, B. (2005). La prise en compte de la dimension groupale dans l’animation d’un groupe d’Analyse de Pratiques Professionnelles. In Robo, P. & Thiébaud, M. (dir.). (Se) former à l’analyse de pratiques professionnelles. (In)novatio  : revue de l’innovation pédagogique à Paris. Hors-série No 3.

Kolb, D. (1984). Experiential learning: Experience as the source of learning and development. Englewood Cliffs, N.J.: Prentice Hall.

Marzano, M. (2010). Qu’est-ce que la confiance ?. Études, 412, 53-63. https://www.cairn.info/revue-etudes-2010-1-page-53.htm

Paul, M. (2009). Autour du mot accompagnement. Recherche et Formation, 62, 91-107. https://ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/recherche-et-formation/RR062-8.pdf.

Rebetez, F. (2014). Le rôle de l’animateur sur le climat socio-affectif comme condition d’apprentissage lors d’une APP. Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 4, 42-53. https://www.analysedepratique.org/?p=1383.

Rogers, C. (2006). Les groupes de rencontres : Animation et conduite de groupes. Paris : InterEditions.

Thiébaud, M. (2018). Accompagnement et analyse de pratiques professionnelles en groupe. Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 12, 13-30. https://www.analysedepratique.org/?p=2862.

Thiébaud, M. (coord.) (2017). Mettre en place et démarrer un groupe d’analyse de pratiques professionnelles. Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 10. 165 pages.  https://www.analysedepratique.org/?p=2461.

Thiébaud, M. (2013). Multiples bénéfices de l’analyse de pratiques professionnelles en groupe : quels éléments clés les favorisent ? Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 1, 61-72. https://www.analysedepratique.org/?p=54.

Thiébaud, M. (2001). Groupes d’analyse de pratiques professionnelles. Présentation résumée.  https://www.formaction.ch/wp-content/uploads/thiebaud-groupe-analyse-de-pratiques-presentation-resumee.pdf

Thiébaud, M. & Bichsel, J. (2019a). Animer un groupe d’analyse de pratique professionnelles : mobiliser diverses formes de régulation. Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 14, 74-96. https://www.analysedepratique.org/?p=3188.

Thiébaud, M. & Bichsel, J. (2019b). Temps « méta » dans les groupes d’analyse de pratiques. Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 14, 97-111. https://www.analysedepratique.org/?p=3190.

Thiébaud, M. & Vacher, Y. (2021). Quelle analyse en codéveloppement ?
Dans : C. Champagne (2021). Le codéveloppement. L’intelligence collective au service de l’individu et du groupe. Édition Eyrolles.

Thiébaud, M. & Vacher, Y. (2020). L’analyse de pratiques professionnelles dans une perspective d’accompagnement, d’intelligence collective et de réflexivité. Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 18, 43-69. https://www.analysedepratique.org/?p=3716.

Thiébaud, M. & Vacher, Y. (2018). Explorer les dynamiques d’intelligence collective en APP favorisant l’émergence de l’inédit et de plus-values qui dépassent les apports individuels. Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 13, 4-17. https://www.analysedepratique.org/?p=3042.

Vachon, J-L. (2021). Analyse des pratiques professionnelles et qualité de vie au travail. Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 21, pp. 5-12. https://www.analysedepratique.org/?p=5102.

Watzlawick, P., Helmick Beavin, J. & Jackson, Don D. (1979). Une logique de la communication. Points.

 

 

Haut de page