Annette Ramplou

Conseillère pédagogique retraitée, Bédarieux (Hérault) 

 

Résumé

Dans cet article, l’auteure témoigne du transfert de son expérience professionnelle vers une modalité d’analyse de situations au service de parents qu’elle a développé dans sa ville. À partir de groupes de formation à et par l’analyse de pratiques professionnelles (GFAPP), elle a mis en œuvre des groupes d’analyse de situations parentales puis des groupes d’analyse de situations personnelles sous le même sigle : GASP. Après un court historique, elle en dévoile le fonctionnement, les objectifs et les principes fondamentaux afin d’expliciter ce qu’est cette modalité. Puis, elle narre comment s’est produite l’évolution concertée de cette expérience étalée sur une dizaine d’années en donnant quelques exemples de situations analysées.

Mots-clés 

accompagnement, situations parentales, parentalité, GFAPP

Catégorie d’article 

Témoignage

Référencement 

Ramplou, A. (2015). Pourquoi un Groupe d’Analyse de Situations Personnelles (GASP) ?
In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, No 6, pp. 3-10. http://www.analysedepratique.org/?p=1791.


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Tous les parents, à un moment donné, dans des circonstances données, éprouvent certaines difficultés, s’interrogent et peuvent parfois se sentir démunis dans l’exercice de leur « métier de parents ».

Les problématiques sont diverses. Qu’elles soient anodines ou plus complexes, un parent peut ressentir, sans forcément savoir pourquoi, une incapacité à trouver ses réponses à celles-ci.

Il est fréquent d’entendre certaines personnes dans notre entourage énoncer un questionnement sur leur capacité à être de « bons parents ». Bien sûr, la réponse est complexe puisque leurs enfants ne sont pas parfaits (ils sont comme ceci ou pas assez comme cela !)

Ces interrogations, ces sentiments d’incompétence, peuvent empêcher toute lucidité pour, justement, se poser les bonnes questions, pour analyser et comprendre. Une prise de distance et un certain recul aident à apporter de l’intelligibilité aux difficultés rencontrées dans le vécu du quotidien.

Cette distanciation peut, certes, s’effectuer seul ; mais elle est bien plus riche dès lors qu’elle est conduite à plusieurs, que l’on réfléchit, que l’on essaie de comprendre avec d’autres et grâce à d’autres. Cette mise en commun, ce partage, cette mutualisation, peuvent se faire de différentes façons.

Avec le Groupe d’Analyse de Situations Personnelles (GASP), nous avons choisi de donner la possibilité à plusieurs personnes ayant un point commun (celui d’être parent) de se réunir autour d’un dispositif spécifique à l’analyse des pratiques prenant ses racines dans les Groupes de Formation à et par l’Analyse de Pratiques Professionnelles (GFAPP).

1. Comment se développe un GASP ?

1.1 Historique 

Dans l’exercice de ma profession de conseillère pédagogique au sein de l’Éducation nationale, j’ai participé, sur une durée d’une dizaine d’années, à différents groupes d’analyse de pratiques professionnelles avec Patrick Robo, et ceci avec des publics divers : professeurs d’écoles primaires, professeurs du second degré, conseillers pédagogiques notamment.

Cette expérience dans divers GFAPP m’a fait toucher du doigt à quel point les métiers autour de l’humain suscitent des questionnements, des tâtonnements, des doutes.

Mais deux ans après mon départ à la retraite (il y a 10 ans), un jour, une enseignante qui avait participé aux GFAPP de ma circonscription m’a contactée pour me soumettre une proposition. Elle était devenue maman et discutait beaucoup de ce nouveau « métier » avec des amis qui se trouvaient dans sa situation. C’est ainsi qu’elle a pensé à son expérience dans le GFAPP et qu’elle m’a demandé si je serais d’accord pour accompagner un groupe de parents à réfléchir grâce au dispositif qu’elle avait pratiqué. Comme j’ai répondu positivement à sa demande, le premier GASP est né à la rentrée 2006.

1.2 Fonctionnement 

Bien sûr, il s’agit d’un groupe qui n’entre pas dans un cadre institutionnel. Il fonctionne à titre privé, de façon tout à fait autonome et sur le mode du bénévolat. Le GASP est constitué de personnes volontaires qui se réunissent à raison d’une séance par mois (sauf en juillet et août).

La première séance à la reprise en septembre est ouverte à tous en sachant que toute personne qui décide de participer au GASP s’engage pour toutes les séances de l’année, sauf cas de force majeure bien entendu (principes de volontariat et d’assiduité).

Un animateur-régulateur est garant du respect des principes fondamentaux qui assurent la sécurité des personnes et permettent au travail d’analyse prévu d’avoir lieu. C’est lui qui anime la séance : distribution de la parole, gestion du temps, respect du protocole et des personnes. Comme ce groupe fonctionne depuis plusieurs années et qu’il est constitué d’un noyau de cinq ou six membres réguliers, une formation à l’animation s’est faite petit à petit et, aujourd’hui, l’animateur est différent à chaque séance (sur la base du volontariat bien-sûr).

À la fin de la dernière phase de chaque séance sont définis la date de la prochaine séance et le nom de son animateur.

2. Objectifs et principes fondamentaux

Le GASP vise certains objectifs généraux, à savoir :

  • aider à y voir plus clair,
  • aider à mieux comprendre,
  • aider à se construire du savoir personnel.

Il poursuit aussi deux objectifs spécifiques, visés à chaque séance :

  • accompagner une personne, impliquée dans une problématique, à mieux comprendre pour l’aider à se trouver elle-même des pistes de solution ; cette personne est l’exposant de la séance.
  • permettre aux autres personnes du groupe, non impliquées dans la problématique de l’exposant, d’étudier une situation et mieux comprendre des situations semblables (passées ou à venir) : ces personnes sont les participants.

La question se pose alors : comment faire pour atteindre ces objectifs ?

Le travail d’un tel groupe, qui fonctionne avec, par et pour de l’humain ne peut être effectif si des principes fondamentaux de fonctionnement ne sont posés au préalable. Ces principes de base sont incontournables et soumis à l’adhésion de chaque participant qui s’engage dans le GASP. Ce sont, outre le volontariat et l’assiduité :

  • la confidentialité,
  • le respect de la parole de l’autre,
  • la liberté d’expression dans le cadre adopté,
  • le respect du dispositif.

Ce dispositif est découpé en cinq phases (voir tableau en annexe). Le travail d’analyse réalisé au cours de ces cinq phases :

  • permet la mise en réseau d’éléments faisant partie d’un tout (la situation exposée) ;
  • est au service d’un autre pour l’aider à mieux comprendre et agir lui-même sur la recherche du modifiable : « qu’est-ce qui, en amont, a fait qu’on en soit là aujourd’hui ? » ;
  • est au service de soi, en aidant chaque participant à y voir plus clair, s’améliorer et construire du « savoir analyser ».

Un GASP n’est pas :

  • un groupe de dynamique de groupe 1,
  • un groupe de thérapie,
  • un groupe de conseils (donnés),
  • un groupe de parole libre,
  • le « SAMU » qu’on appelle au secours quand on a un problème personnel.

Un GASP est à la fois un groupe d’analyse et un groupe de formation à l’analyse. Des compétences s’y construisent et se structurent au fur et à mesure, par exemple :

  • accepter d’être responsable et non coupable,
  • accepter la confrontation à soi, à l’autre, aux autres,
  • admettre l’incertitude,
  • savoir écouter,
  • savoir émettre des hypothèses de compréhension de ce qui s’est passé,
  • bannir le conseil (« tu aurais dû »… ; « à ta place je… »),
  • renoncer à vouloir modifier l’autre mais plutôt rechercher avec lui ce qui est modifiable,
  • faire le deuil de la toute-puissance,
  • etc.

3. Évolution de ce GASP

Ce GASP a fonctionné suivant le même protocole, à savoir l’analyse de situations inhérentes au métier de parent, pendant environ 5 ans. Puis au fur et à mesure du travail et du vécu, a été mis en avant un principe plus général. En effet, à force d’analyser des situations parentales, nous avons été confrontés à la réalité suivante : si on est parent de nos enfants c’est qu’ils ont, en principe, un père et une mère (ou beau-père ou belle-mère) ; donc des problématiques de la famille originelle ou recomposée ont été exposées. Puis des situations d’ordre professionnel ont été aussi proposées.

Donc le Groupe d’Analyse de Situations Parentales a été élargi pour devenir, depuis trois ans, avec le même sigle, le Groupe d’Analyse de Situations Personnelles, qui peut travailler sur des situations qui ont par exemple un lien avec une activité professionnelle.

4. Exemples de situations analysées

  • Ma mère ne fait plus partie de ma vie depuis quatre ans. Elle dit de moi que je suis une malade mentale, une mauvaise mère. Moi, ça ne me pose pas de problèmes de ne pas avoir de relations avec ma mère mais je me demande si ça ne risque pas de perturber mes enfants. Donc je réfléchis sur un éventuel rapprochement pour limiter les dégâts.
  • J’avais proposé à mon fils aîné de 11 ans de partir en colo cet été. Il n’avait pas envie, disait non. J’ai fait preuve de fermeté malgré ses refus mais c’était toujours « non ». Enfin il a eu un coup de blues et m’a demandé de le forcer. Il est donc parti mais à son arrivée ça n’a plus marché, il n’a pas voulu rester. Il a tellement paniqué que nous sommes retournés à la maison. Moi j’étais très en colère de ce comportement, j’avais envie de le frapper et très envie de pleurer. Je suis une mauvaise mère qui a tout loupé.
  • J’ai eu un fils de 30 ans, une fille de 28 ans, un fils de 10 ans puis une fille de 8 ans. Mon fils aîné ne travaille pas, il est « accro » aux écrans et à la drogue. Au début je suis intervenu mais je n’interviens plus, j’ai du mal à m’investir. Je laisse faire la maman. Est-ce de la lâcheté ? C’est pareil avec mon fils de 10 ans. Quel est le rôle d’un père ?
  • Séparée du père de mes deux enfants depuis un mois. Ça ne se passe pas trop mal entre nous mais il y a des problèmes causés par la mère de mon ex-compagnon : c’est la « mama » qui ne comprend pas notre séparation car chez elle on ne se quitte pas. Pour elle, c’est la crise, le drame. Je suis agacée parce qu’elle prend toute la place, même si ça part d’un bon sentiment. C’est un poids énorme pour moi car je me sens culpabilisée.

5. Conclusion

Après neuf années de vie, le GASP en est là aujourd’hui. Il a tâtonné, évolué, mais sans perdre de vue les objectifs premiers ni les principes fondamentaux.

Cette année il fonctionne avec 13 personnes parmi lesquelles on compte un « noyau dur », présent depuis le début et des nouveaux venus. Parmi les personnes qui ont quitté le GASP, la plupart l’on fait pour des raisons professionnelles ou familiales, en particulier lors d’un déménagement.

Rendez-vous est pris pour un bilan à la fin de l’année 2014/2015.

 

Annexe : les phases du GASP  (inspiré de Robo, 2012)

 

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Références bibliographiques

Robo, P. (2003). Les GFAPP. En ligne : http://probo.free.fr/ecrits_app/les_gfapp.pdf.

Robo, P. (2012). Grille des phases du GFAPP. En ligne : http://probo.free.fr/ecrits_app/grille_phases_gfapp_v_19.pdf.

 

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Notes

  1. L’objectif n’est pas de comprendre les mécanismes, les phénomènes, les effets inhérents aux groupes restreints, ni de travailler spécifiquement au développement et à l’évolution du groupe présent.