Nathalie Collin Bétheuil

Psychomotricienne D.E, formatrice auprès des professionnel(le)s de la petite enfance, consultante en libéral, Maisons-Alfort, France
nathalie.betheuil[arobase]free.fr

Chefia Farhat Diot

Enseignante spécialisée, formatrice,
académie de Versailles, France

chefia.d[arobase]icloud.com 

Isabelle Jusot

Conseillère Principale d’Éducation, formatrice, académie de Versailles, France
isabelle.jusot[arobase]gmail.com


Résumé

Suite à une séance d’analyse réflexive, nous aborderons la question suivante : comment les regards croisés de trois singularités, permettent-ils de dégager les compétences nécessaires à la « reprise transformatrice » de l’expérience partagée ? Depuis l’analyse d’une séance animée par l’une d’entre elles, les trois auteures tenteront de présenter les compétences et les postures qui semblent favorables à la libération et à l’accueil de l’émotion, proposant ainsi un espace clinique de transformation. Elles offriront des outils de dégagement des émotions vécues, permettant d’opérer le passage du « concept éprouvé » au concept théorique.

Mots-clés 

concept éprouvé, émotion, compétences, concept théorique, analyse réflexive

Catégorie d’article 

Texte de réflexion en lien avec des pratiques

Référencement 

Collin Bétheuil, N., Farhat Diot, C. et Jusot, I. (2019). Emotion, contenance et mise en sens en Analyse Réflexive des Pratiques Professionnelles. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, No 15, pp. 96-115. http://www.analysedepratique.org/?p=3367.


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Emotion, countenance and meaning in Reflex Analysis of Professional Practices
Abstract

Starting from a session of reflective analysis, we discuss how the sharing of three subjective visions can lead to the emergence of the skills necessary to « transformation and adoption ». Based on a real session lead by one of us, we try and identify the skills and postures suitable to encourage and welcome the expression of emotions, therefore building up a clinical space for transformation. We suggest tools to get over the emotional perception, and form a conceptualized understanding of it.

Keywords

experienced concept, emotion, skills, theoretical concept, reflective analysis


 

1. Contexte « éprouvé »

Dans cet article, nous avons choisi de revenir sur une séance d’analyse réflexive des pratiques professionnelles (ARPP) qui a marqué notre esprit et notre parcours de formation alors que nous étions ensemble étudiantes en master. Nous proposons de livrer ce moment, où s’est manifestée l’expression d’une grande émotion, selon nos trois positions et angles de vue différents : celui de l’animatrice, celui de l’exposante et celui d’une participante du groupe en formation.

Pour ce faire, il nous paraît nécessaire, afin de rédiger chacune le récit en respectant notre propre vécu subjectif, d’abandonner provisoirement notre écriture en « nous » au profit d’une narration en « je ». Le récit, de ce moment commun, sera donc relaté de manière subjective et depuis la place différente que nous avons chacune occupée. Ainsi nous centrerons dans un premier temps notre écrit sur le moment précis de l’émergence de l’émotion et sur son caractère inattendu. Puis nous reviendrons sur ses effets produits en séance.

Chemin faisant, ce moment nous permettra d’orienter notre analyse du protocole propre à ce dispositif, notamment en ce qui concerne la mise en place et le maintien du cadre, la compréhension des consignes, le temps des questions factuelles et enfin celui des hypothèses interprétatives.

1.1. Récit(s)

1.1.1 Du point de vue de l’animatrice ou la résonance des espaces psychiques et émotionnels

Lors de ce module de formation où je me suis lancée pour la première fois à animer une séance, j’arrivais en cours d’Analyse Réflexive des Pratiques Professionnelles avec de multiples émotions, mais également avec ce que j’avais compris de l’importance du cadre à poser, perçu du concept de « capacité négative »[1] (Blanchard-Laville, 2013) et expérimenté de « l’accueil inconditionnel » (Rogers, 1968). Je précise que j’avais eu besoin précédemment d’avoir éprouvé le dispositif en tant qu’exposante avant de le vivre ce jour-là en tant qu’animatrice. Je propose, ici, de faire le récit de cette animation telle que je l’ai vécue alors.

Le cours (à la fois théorique et expérientiel) de trois heures d’ARPP du 14 mars 2018 avait commencé depuis plus d’une heure. Je voyais le temps défiler, et du même coup, le temps d’animation de la séance d’ARPP diminuer. J’étais cependant déterminée à animer cette séance, mais les appréhensions étaient aussi très présentes, appréhension de donner à voir au groupe quelque chose de ma pratique, peur de ne pas être à la hauteur, appréhension de ne pas savoir faire, de me tromper et peur de me confronter au cadre qui ne m’était pas encore suffisamment familier. Si, parce que j’étais animatrice novice, des émotions de doute et d’inconfort me traversaient, il me semblait alors qu’elles seraient également potentiellement porteuses d’un accueil bienveillant face aux éventuelles émotions à venir au cours de la séance. Je fais aujourd’hui l’hypothèse que ces émotions ont également permis d’instaurer une relation subjective et intersubjective entre différents espaces psychiques : le mien, celui de l’exposante et celui du groupe.

En effet, dans notre protocole (Clerc & Agogué, 2014), suite à l’exposé du récit et suite aux questions factuelles, au moment de l’étape des hypothèses émises par les participants, la première d’entre-elles a porté sur la question du rapport à l’autorité de l’exposante. Celle-ci a alors acquiescé d’un signe de la tête, mais sur l’instant n’a pas formulé d’autres commentaires. L’exposante n’a cependant pas entendu, à ce moment-là, la deuxième hypothèse et a soudainement été prise d’une montée d’émotion importante. Je la vis tout à coup interrompre sa parole, rougir et avoir subitement des larmes lui monter aux yeux. Le groupe s’arrêta alors. Je me souviens m’être suspendue un moment et très rapidement avoir endossé cette « fonction de contenance psychique au sens de Bion, qui permet à la fois d’accueillir et de capter les mouvements émotionnels des participants, de les contenir et d’aider à leur transformation » (Blanchard-Laville, 2008, p. 99). Comme l’écrit cette auteure « ce traitement psychique passe par des expressions verbales mais aussi toute une gestuelle corporelle concomitante » (Blanchard-Laville, 2008, p.99). A ce moment-là, j’ai senti tout le groupe très présent à ce qui se passait pour l’exposante. Ses deux voisines lui ont manifesté leur soutien, par des « mouvements d’empathie rassurants » (Mosconi, 2005, p. 26). Elles l’ont touchée et soutenue avec leurs mains. Je fais l’hypothèse que le groupe a alors pu faire « alliance inconsciente » (Kaës, 2010) avec moi, ce qui a permis que nous réalisions tous ensemble ce travail de contenance et de transformation.

Pour ma part, la distance spatiale, compte tenu de l’aménagement de la salle, ne me permettait pas une proximité de soutien physique. Je lui ai alors manifesté mon empathie par ces mots… « Prends le temps… », car à chaque fois que l’exposante tentait de reprendre la parole, l’émotion la reprenait de plus belle. Elle ne cessait de s’excuser face à cette incontrôlable expression de sentiment personnel. J’ai fait en sorte de la rassurer à ce moment-là. Était-ce pour me rassurer moi-même, par rapport à mon propre état émotionnel ? En effet, j’ai senti à cet instant précis que l’émotion résonnait aussi chez moi, notamment par rapport à la thématique abordée dans laquelle je me sentais également impliquée, celle du rapport à l’autorité. Il me semble que j’ai pu alors ressentir comment les mouvements psychiques des uns et des autres, pouvaient entrer en résonance, comme a pu le décrire Claudine Blanchard-Laville (2008, p. 99).

Je fais le choix ici de m’arrêter sur ce moment que je tenterai d’analyser à la lumière de ce qui a pu se jouer pour moi et ce que je tente d’en faire aujourd’hui dans l’après-coup de cette séance. Je me souviens avoir été traversée par plusieurs sentiments et différentes pensées. J’ai d’abord été très émue de voir les larmes émerger tout particulièrement chez cette étudiante qui savait souvent garder, dans ses propos, une certaine distance émotionnelle. J’étais en même temps dans une préoccupation de contenance du groupe et de ce que pouvait déclencher dans l’espace psychique groupal cette émotion surgissant tout à coup. L’exposante n’a pas souhaité, en groupe, expliciter la teneur du souvenir qui lui est revenu, mais nous pouvions constater que le surgissement d’une mise en sens par rapport à ce souvenir l’impactait émotionnellement. De mon côté, en tant qu’animatrice, je me suis trouvée dans l’incapacité de « mettre des mots sur ce que son propre psychisme a pu capter » (Blanchard-Laville, 2008, p. 99) à ce moment-là. Je me suis trouvée moi-même trop surprise par cette irruption de l’émotion pour réagir dans l’instant. J’ai bien perçu ensuite que je n’ai pas su utiliser la reformulation pour lui permettre de prendre un peu de distance avec ce qu’elle était en train de vivre. Ma priorité était de faire en sorte de proposer une enveloppe psychique qui soit la plus contenante possible non seulement pour l’exposante mais aussi pour le reste du groupe. Il s’agissait donc, pour moi en tant qu’animatrice, que l’exposante puisse se sentir contenue dans l’expression de ses émotions qui la submergeaient, d’autant que nous arrivions à la fin de la séance d’ARPP[2]. Je lui ai donné la parole pour qu’elle puisse dire où elle en était avant de clôturer ce temps partagé, mais l’émotion l’a alors reprise. Peut-être que le temps nous a manqué, mais peut-être a-t-elle aussi pu laisser exprimer son émotion, sachant qu’il restait peu de temps à partager ensemble, que la fin de l’année arrivait et que le groupe allait se séparer. L’hypothèse que je peux faire me concernant, dans l’après-coup, est celle selon laquelle je redoutais de m’impliquer dans ce dispositif d’ARPP, tant à la place de l’exposante que de celle de l’animatrice, car j’anticipais que puisse surgir cet « ébranlement affectif » (Périlleux, 2008, p.79) dont je pressentais qu’il me toucherait également.

Pour autant, une émotion est par définition « un état de conscience complexe, généralement brusque et momentané, accompagné de signes physiologiques (par exemple : rougissement, sudation) » (Claudon & Weber 2009, p. 62). Nous ne pouvons donc pas anticiper cet état sensible et je suppose que cet état est à mettre au travail lorsqu’il émerge. Lepage (2014, p.31) nous propose l’hypothèse suivante afin d’y donner du sens : « développer la conscience des liens entre les ressentis liés aux situations, ce qu’ils ont déclenché comme réactions et la compréhension de ces situations permet d’améliorer l’adaptation de nos comportements et développe une « liberté » des choix » notamment ici ceux liés au développement et au changement des pratiques professionnelles. Je rejoins cette nouvelle compréhension dans la mesure où « tenter d’éliminer, si on pense que cela est possible, la présence d’émotions « parasites » risquerait de provoquer des perturbations émotionnelles qui nuiraient à la qualité de l’analyse et à l’appropriation des évolutions de pratiques envisageables » (Lepage, 2014, p. 32). Au contraire et selon le même auteur « le soulagement produit par l’accueil, l’écoute et la prise en compte de ces émotions peut faciliter la mise en œuvre des changements de pratiques envisagés » (Lepage, 2014, p. 32).

C’est par conséquent la posture d’accueil des émotions que j’ai choisie pour animer cette séance d’ARPP. Une première phase est donc l’accueil de cette émotion. Cette phase est nécessaire mais elle n’est pas suffisante. La suite de ce processus serait la mise en sens de cette émotion, qui est, comme nous le rappelle Faingold (2016, p. 8), « incontournable dans un travail d’analyse de pratiques ». De ce que j’en ai compris et vécu, cette mise en sens peut émerger lors de la séance d’ARPP et/ou dans l’après-coup. Elle nous permet donc de nous positionner en tant que professionnel(le) avec notre sphère affective, l’une, tant la sphère affective que la mise en sens, se mettant au service de l’autre pour affiner et ajuster notre posture professionnelle.

1.1.2 Du point de vue de l’exposante ou la fonction contenante comme aide au dégagement

C’est au cours de l’avant-dernière séance d’ARPP au sein du master FFAP que j’ai été amenée à prendre la place d’exposante. Je me propose dans un premier temps d’énoncer le contexte puis de revenir sur le moment précis où émergent mes émotions et d’analyser ses effets dans l’après-coup.

Concernant le récit à proprement parlé, j’ai exposé une situation professionnelle en tant qu’intervenante auprès d’une équipe. J’ai éprouvé à ce moment-là le besoin d’expliciter le contexte longuement. J’ai d’ailleurs eu l’impression que la longueur de ce moment d’exposé était ressentie plutôt négativement par l’ensemble du groupe. Ceci s’est manifesté par les divers regards et postures des participants, réactions que je suppose en écho avec ma propre gestuelle et mon débit de parole plutôt lent. Je fais ici l’hypothèse que les différents rebondissements de mon récit, dans mes propos ainsi énoncés me permettaient de ne pas entrer dans le vif du sujet trop rapidement. Ce rythme de parole me laissait ainsi du temps et me permettait de prendre une certaine distance.

Il est possible qu’en favorisant en séance la centration sur l’exposant, l’animatrice aide chaque membre du groupe à considérer l’exposant comme expert de la situation présentée. Ainsi prend-il le statut de celui qui sait quelque chose de l’énigme à venir. C’est ainsi que je me représentais ce moment-là.

Malgré cela, à la suite d’une hypothèse émise par l’un des participants, c’est une grande émotion qui a surgi et qui m’a même débordée au sens où je n’arrivais plus à parler. J’étais donc, durant un moment, submergée par les pleurs. J’ai essayé de me contenir mais ce n’était plus possible, l’émotion me débordait et je faisais alors confiance à l’animatrice et au groupe pour l’accueillir. J’ai écrit[3] dans l’après-coup, à propos de cet événement, avoir « ressenti corporellement quelque chose qui montait du plus profond de mon cœur ». Durant ce moment, je me souviens m’être excusée à plusieurs reprises, d’avoir eu envie de partir et j’ai même eu le sentiment de vouloir me recroqueviller sur ma chaise comme pour me retrouver dans une sorte de position fœtale. Je n’osais regarder les participants. Un très long silence a été respecté. M’appuyant sur les propos de Marie-Christine Pheulpin, je tente de comprendre le sens de ce moment partagé. En effet, « par le jeu des projections, ces scènes relationnelles, marquées par la fuite du regard, s’offrent alors au sujet comme l’une des représentations possibles de ses conflits internes, plus ou moins facilement mis en mots dans l’élaboration d’un récit » (Pheulpin, Noir, Bruguière, & Benfredj, 2017, p. 377). Si je sentais le regard enveloppant du groupe, j’ai à la fois perçu des regards portés ou détournés à mon endroit. Comme le souligne Marcelli (2006, p. 96). « poser le regard sur quelqu’un, tout comme le détourner, prend toujours une signification (…). La direction, la qualité, l’intensité du regard, tout cela sera perçu et ressenti par celui qui en est l’objet ou le non-objet ».

J’entendais la voix de l’animatrice, je sentais son regard posé sur moi et j’avais le sentiment que malgré son éloignement géographique, une enveloppe protectrice et bienveillante s’opérait autour de moi comme s’il y avait une chaîne imaginaire reliant les deux parties du groupe situées de part et d’autre de la salle[4]. Les deux participantes assises à mes côtés m’ont soutenue par un geste sur l’épaule quasi synchrone de la main, ce qui a contribué à me calmer et à recouvrer la parole. Il m’apparaît que le toucher ici a une fonction d’étayage ; il est selon Ciccone (2001), organisateur de l’état émotionnel dans la mesure où ces gestes ont déclenché et aidé à me recentrer pour retrouver un certain calme. Un certain nombre d’éléments ont, me semble-t-il, contribué à abaisser le niveau émotionnel vécu au cours de la séance. Le respect des silences, le respect de mon état et de ma temporalité ainsi que la sensation d’enveloppe autour de moi doublée de regards et de gestes bienveillants m’ont permis de me rasséréner. Je dis aujourd’hui que le conflit interne s’élaborait grâce à la qualité de cet accueil inconditionnel.  Je fais l’hypothèse que le cadre en place a joué là un rôle de réceptacle des émotions au sens de la fonction d’apaisement développée par Calin (2005). Cette fonction essentielle sera définie plus tard dans notre article comme compétence développée dans et grâce au dispositif d’ARPP.

J’ai donc réussi, tant bien que mal, à mettre des mots sur les hypothèses formulées mais un passage avait été franchi pour moi. Durant ce moment, je n’étais plus dans la fuite des regards mais plus encline à les recevoir et même peut-être à les rechercher. Ce sentiment de solitude au sein du groupe se serait déplacé vers un sentiment d’appartenance retrouvée. Serait-ce alors le dégagement vers un espace intersubjectif reconsidéré ? Comme le souligne Marcelli (2006, p. 63), « la quête constante du regard de l’autre, présente dès la naissance du petit d’homme, traduit le besoin impérieux d’intersubjectivité » »). Je formule l’hypothèse que la bienveillance du groupe m’a aidée dans cette transition difficile.

Si de fortes émotions se sont manifestées in situ, elles ne constituent pas à mon avis une simple décharge psychique en cette fin d’année universitaire. Elles me paraissent davantage comme la manifestation d’un besoin de partager avec le groupe mes représentations en vue d’une certaine reconnaissance de mes pairs afin d’amorcer de nouvelles mises en sens vers de nouvelles compréhensions.

Comme l’indique Blanchard-Laville (2012, pp. 47-71) évoquant Tisseron (1992, 2005), « la reconnaissance des éprouvés en place et lieu des disqualifications ou humiliations antérieures, qu’elles soient fantasmées ou qu’elles aient été́ effectives dans le passé, fait que les participants se sentent exister (…) dans leur irréductible altérité et singularité́ ». Autrement dit, ce serait la reconnaissance par le groupe de mes éprouvés qui m’aurait permis, en m’appuyant sur l’espace d’intersubjectivité, de me reconnaître en tant que sujet singulier dans mes identités plurielles et dans mes conflits intérieurs. Il semble qu’une communication entre les différentes subjectivités présentes, que j’attribuerais aux différents regards bienveillants à mon endroit, se soit mise en place pour me permettre de recouvrer la parole et de poursuivre la séance.

1.1.3 Du point de vue d’une participante ou l’intuition clinique au service de la posture

En tant que participante, ce que je partage ici pourrait se définir comme le vécu singulier d’un sujet dans l’espace groupal. De cette manière, j’évoquerai mes propres émotions en tant que sujet à l’intérieur même du groupe. En d’autres termes, en tant que sujet singulier inscrite dans ce groupe, j’ai moi-même été le témoin de mes propres émotions.

Chemin faisant, je livre le moment commun qui nous occupe en ces lignes. Lors de l’avant-dernière séance effectuée dans notre groupe du master, l’exposante assise à ma gauche, s’est subitement arrêtée de parler. Mon intuition, que j’identifie comme une ressource importante dans ma pratique professionnelle en général, m’a permis de pressentir qu’une émotion forte s’activait avant même que je tourne la tête pour regarder l’exposante. À ce moment, à la vue de ses traits, mon intuition se confirmait et l’émotion s’est manifestée par des larmes. Dans l’après-coup, je m’aperçois que cette intuition s’associe, sans doute, au lien que je crée avec les sujets. Une intuition ne trouverait-t-elle pas aussi sa source dans le développement de la relation à l’autre ? En effet, je souhaite préciser qu’au cours de ces deux années de formation, j’ai pu développer des liens de proximité amicale avec l’exposante. Il se peut que la connaissance de quelques bribes de son histoire ait pu favoriser quelque chose de l’ordre d’une anticipation intuitive au moment où a surgi l’émotion. Toujours est-il que cette forte émotion a, sans doute, contaminé mon espace de sujet singulier au sein du groupe. En me remémorant cet évènement, il me semble que je luttais avec moi-même pour ne pas laisser les larmes monter. L’expression « le cœur serré » me paraît assez bien traduire avec des mots ce que je ressentais physiologiquement. Pour autant, je me suis contenue et j’avais l’intime conviction que je ne « craquerai » pas. Si désormais, j’associe cette intime conviction à l’acquisition d’une compétence qui sera définie plus loin dans le texte comme étant la fonction contenante (Clerc, Agogué, 2014), il m’a fallu l’éprouver à plusieurs reprises, tout au long de la formation, avant de pouvoir la conscientiser.

Parallèlement à ce qui se passait pour moi, j’avançais alors l’idée que la recherche de l’émotion pouvait être provoquée, sans doute de manière inconsciente, par l’exposante elle-même. Me revient en mémoire ses propos. Dans le temps où se manifestait l’émotion, visible notamment par les larmes et les difficultés à parler, je me souviens qu’elle exprimait le fait qu’elle savait que « ça allait arriver, j’en étais sûre, ça revient à chaque fois… ». Ces paroles me poussent à penser que l’exposante, dans ce cas, anticipait cet évènement et avait besoin qu’il se déroule pour avancer dans le processus de déplacement qui était le sien. Giust-Desprairies (2015, p.222), transcrivant les propos de Cyrulnik, énonce que « l’événement nous constitue, bien entendu, à travers les pressions, l’organisation du milieu et ses stimulations, mais il y a aussi l’événement qu’on va chercher, une fois constitué (…) pour se sentir vivants ».

Ainsi, si je considère l’événement de ce point de vue alors l’inscription de ce dispositif dans le cadre théorique de la psychosociologie de sensibilité clinique ne peut selon moi faire abstraction de la question de l’expression des émotions, de son accueil et de sa contenance. Cifali (2005, pp.1-2) nous dit que « nous sommes placés dans une subjectivité incontournable. Notre histoire se répète. Il y a une rencontre psychique que même le groupe n’arrive pas à atténuer (…) dans la relation par contre, vous êtes mis à nu, vous êtes convoqué à quelque chose, ce sont les sentiments, l’irrationnel, votre histoire, là où vous vous aveuglez le plus, là où vous vous repérez le moins… ». Je fais l’hypothèse qu’à partir du moment où la subjectivité du professionnel est prise en compte, il paraît inévitable de ne pas éluder ou de ne plus éviter d’accueillir la manifestation des émotions. Drutel et Cieutat (2016, p.44) expliquent que « quelles que soient les références théoriques qui sous-tendent les dispositifs, les affects dans le cadre de » l’analyse des pratiques « sont un objet toujours présent. Les émotions qui peuvent en résulter, éprouvées par les participants, traversent le groupe et peuvent donner l’impression qu’il se « passe quelque chose ». Les émotions peuvent parfois être si fortes que ce qui a été vécu, ressenti, peut mettre à mal le fonctionnement du groupe. A l’inverse, on peut se demander si l’absence d’émotion durant une séance » d’analyse de pratiques « ne risque pas de la faire vivre comme « virtuelle » ou « fausse ». Ainsi, entre fascination, prise en compte et méfiance, les émotions semblent être l’expression d’un agir collectif bien mystérieux ».

Néanmoins, si nous pensons l’expression de l’émotion comme inévitable et comme levier de transformation, dans ce cadre théorique de la psychosociologie d’orientation clinique, il apparaît comme indispensable qu’elle soit soutenue par un cadre et un protocole pour en assurer la « reprise transformatrice ».

1.2. Analyse de la mise en œuvre du protocole vers l’élaboration de compréhensions différentes

Il s’agit ici de mettre en évidence l’importance du cadre soutenu au cours de la séance. L’animatrice a donc posé le cadre théorique et explicité le dispositif connu de l’ensemble du groupe. En ce sens, elle a annoncé, comme l’invitent à le faire les auteures Clerc et Agogué (2014, p. 10), qu’elle « accompagnera l’analyse du groupe et se portera garant du respect des règles de fonctionnement et du respect de la parole de chacun ». Un des objectifs, en posant ce cadre avec ses règles de fonctionnement, était de « créer cette atmosphère émotionnelle libre et amicale, ce qui pourrait être une bonne définition du tact » (Mosconi, 2005, p. 29). Cette question du tact, est centrale pour l’animatrice et supposée perçue comme telle par l’ensemble du groupe.

Nous choisissons ici d’analyser un moment important pour l’animatrice et l’exposante concernant leur rapport singulier à l’expression d’émotions.

Revenons sur le début de la séance. Lorsque l’animatrice a présenté le cadre, elle a terminé sa présentation par ces mots : « …enfin nous veillerons à ce qu’il n’y ait pas d’expression de nos sentiments ». In situ, cette phrase fut entendue différemment par les membres du groupe. Au moment de la méta-analyse, l’animatrice dit avoir été surprise d’avoir présenté cette règle en ces termes-là. Tandis que l’exposante nous dit avoir entendu : « … on ne va pas dire nos émotions, nos sentiments ». Puis elle révèle ne plus avoir été capable d’entendre la suite des propos de l’animatrice comme si elle avait été « bloquée » par cette surprenante consigne. Néanmoins, ayant travaillé au sein du master FFAP au travers d’autres médiations, ce n’était pas la première fois que les deux protagonistes s’accompagnaient dans un travail d’exploration de leur vécu subjectif. Confiante, l’exposante énonçait dans l’après-coup : « je savais qu’il ne pourrait rien m’arriver ». En prononçant ces mots, c’était aussi une manière de signifier à l’animatrice qu’elle était assurée que celle-ci porterait une attention particulière à son état émotionnel et psychique en tant que sujet exposant.

Quant à l’animatrice, elle s’est questionnée, dans l’après-coup, sur le fait d’avoir utilisé cette interdiction dans ce cadre précis. Elle a ainsi pu faire des hypothèses en s’appuyant sur le travail de thèse de Hermitte (2017, p. 213) qui énonce : « Pour accéder à la conscience, le refoulé doit pouvoir trouver une forme qui ne subisse pas la censure. Ainsi, c’est souvent sous une forme « négative » que peut s’exprimer une pensée refoulée ». Cet auteur s’appuie notamment sur un des textes de Freud (1952, p. 136) abordant ainsi la question de la négation « Un contenu de représentation ou de pensée refoulé peut donc se frayer la voie jusqu’à la conscience à la condition de se faire nier. La négation est une manière de prendre connaissance du refoulé, de fait déjà une suppression du refoulé, mais certes par une acceptation du refoulé ». Était-ce une émergence des innombrables émotions qui traversaient alors l’animatrice, telles que l’appréhension, la peur du jugement, la peur de se tromper, la peur de s’effondrer, la peur de ne pas réussir, la peur de décevoir, jusqu’à se demander ce qu’elle cherchait à cacher ? En prenant du recul, l’animatrice se pose la question du sens de cette demande de suspension d’expression des sentiments. Cette consigne, ainsi formulée, qui va à l’encontre d’une approche clinique, ne peut que questionner les membres du groupe qui expérimentent souvent et mettent au travail leur capacité négative au sens de Blanchard-Laville (2013, p. 66). Selon cette auteure, la capacité négative « consiste en la possibilité de » se « mettre comme en suspens, pour » se « laisser utiliser au sens de Winnicott (1975), ou tout du moins pour prêter à l’autre, ou au groupe, » son « appareil psychique ». Nous faisons aujourd’hui l’hypothèse que cette préconisation, au sens de l’expression des émotions, ne s’adressait pas à l’exposante mais plutôt au groupe et à l’animatrice elle-même.

Alors que nous rédigeons cet article, l’animatrice ajoute l’hypothèse que cette consigne lui serait en fait adressée. Endossant ce rôle de conduite du groupe, elle se faisait alors l’idée qu’il ne fallait pas exprimer ses propres sentiments. Or elle s’aperçoit aujourd’hui que c’est tout simplement impossible. Cette prise de conscience, dans l’après-coup, lui permet d’ajuster le cadre qu’elle souhaite à présent poser. En séance, l’animateur a à faire avec ses propres émotions. Elles sont à prendre en compte, à conscientiser, puis à mettre au travail peut-être dans un autre cadre, celui par exemple d’une supervision des pratiques.

Le fait que la consigne soit entendue différemment par l’animatrice et l’exposante nous a semblé pertinent à analyser. Deux significations différentes sont ainsi formulées : si pour l’animatrice, il s’agissait, comme nous venons de l’identifier, d’une adresse inconsciente à son endroit, l’exposante a vécu ces paroles adressées comme une injonction paradoxale à taire ses sentiments au moment même où elle se pensait capable d’exprimer ses doutes et ses questions intimes devant le groupe.

Alors que l’animatrice, dans ce dispositif d’ARPP, connaissait bien l’importance du cadre à poser et la nécessité d’annoncer en séance qu’elle en sera garante, elle s’est sentie, à ce moment précis, dans l’obligation de survoler l’évocation de ses gestes et posture professionnelle souhaités. Elle semblait être prise elle-même par l’impératif qu’invoqua en amont la formatrice, celui de gagner du temps sur la présentation du cadre devant la durée de la séance limitée exceptionnellement à une heure quinze. Cette contrainte, étant vécue comme une injonction, a alors produit chez l’animatrice des contradictions et tensions internes qui ont troublé son espace psychique au point de perdre le fil de la présentation du cadre et de se perdre dans ses propres questions, comme nous l’avons évoqué précédemment, celles liées au rapport à l’autorité.

Ainsi, nous formulons l’hypothèse que ce seraient, pour chacune de nous, les résonances à nos propres questions personnelles et professionnelles qui affleurent et se conjuguent à ce moment précis de l’énonciation de ladite consigne.

Il nous apparaît que l’approche compréhensive dans laquelle nous nous inscrivons en analysant ce « micro-événement » a permis à chaque protagoniste (exposante et animatrice) de mettre au travail son propre contre-transfert dans l’espace clinique offert par l’association de la méta-analyse et de l’écriture. Giust-Desprairies (2003, p.207) écrit : « La clinique offre un lieu de parole (et non un seul lieu d’échanges) instituant ainsi une essentielle dissymétrie dans la relation qui autorise l’utilisation méthodologique du transfert et du contre-transfert ». Nous faisons l’hypothèse que chaque participant du groupe pourra contribuer à enrichir cet espace dans des temps parallèles ou dans des après-coups différents amenant chacun vers de nouvelles compréhensions. En ce sens, nous avançons que l’analyse réflexive de cet événement, perçu différemment et empreint d’une émotion latente, a permis à chacun des protagonistes de s’en dégager et d’en assurer une « reprise transformatrice ».

La phase de questions factuelles aide chaque membre du groupe à s’éloigner d’une réflexion trop hâtive et à éviter de possibles projections personnelles sur l’exposant. Il nous apparaît que cette phase a pour dessein d’objectiver la situation exposée, potentiellement empreinte d’émotions. Ceci étant, il est possible que la temporalité du récit, évoqué précédemment par l’exposante, durant l’explicitation du contexte de la situation, a pu conduire au cours de la phase des hypothèses interprétatives à un effet de resurgissement des émotions.

Chemin faisant, nous avançons ici l’hypothèse qu’étant donné la formulation par l’animatrice du refus de toute émotion, l’exposante se retrouvait dans une contradiction dont il était difficile de sortir. D’une part, elle se devait de respecter le cadre énoncé, celui de « ne pas dire ses émotions » et d’autre part elle semblait accepter l’expression de celles-ci car confiante dans l’accueil inconditionnel qui lui serait réservé. Elle aurait donc été momentanément dans l’impossibilité de faire le pas de côté pour tendre vers l’objectivation de la situation dans laquelle elle était impliquée. Nous mettons en lien cette subtile contradiction de tendre à la fois vers une posture réflexive et en même temps soutenir la tension existante entre la retenue des émotions et la volonté de respecter le cadre, s’interdisant ainsi un lâcher-prise pourtant nécessaire au déplacement. Quel choix faire ? Quelle place prendre ? L’espace clinique ainsi créé autoriserait comme Giust-Desprairies (2003, p. 207) l’y invite « l’accès à des jeux d’altérités imaginaires et à des places symboliques ».

Si nous entendons ici, dans les récits de l’animatrice et de l’exposante, des mouvements émotionnels de différente nature, nous pouvons également y percevoir un parallèle au niveau de leur état psychique. En effet, si l’animatrice évoque son appréhension et la crainte de se « lancer » à animer, l’exposante quant à elle énonce sa crainte d’entrer « dans le vif du sujet » de ce qui lui fait question. Nous formulons alors une hypothèse concernant le rapport à la compétence de l’animatrice qui est celle déjà éprouvée de la fonction contenante. Cette fonction aurait permis, pour partie, l’émergence de l’émotion latente. Le sentiment de compétence de l’animatrice ne serait-il pas soutenu par l’entière confiance que lui témoigne l’exposante en se laissant aller à une forte émotion ? Chemin faisant et au cours de l’analyse, notamment lors des hypothèses interprétatives, le soutien du groupe, permettant de rester à un certain niveau de pensée, faciliterait le dégagement au fur et à mesure d’une émotion intense vers une émotion plus diffuse. Si ces mouvements psychiques liés aux émotions reflètent le vécu de cette séance, il nous semble que c’est grâce à l’acquisition de compétences réflexives « éprouvées » par l’ensemble des protagonistes que les dégagements émotionnels ont pu se réaliser.

2. Des compétences éprouvées au service de l’émergence de l’émotion

Dans leurs travaux de recherche, Clerc et Agogué (2014, p. 12 & 13), avancent l’idée que l’ARPP est un espace d’acquisition d’un certain nombre de compétences au service de la posture réflexive. Les auteures décrivent la réflexivité comme « l’une des principales caractéristiques des modèles professionnels contemporains (Patenaude, 1998), définie souvent depuis ses visées, ses modes d’action comme l’introspection, l’explicitation, de plus en plus selon ses usages. On la repère encore difficilement comme un nouveau paradigme (Pineau, 2013) qui suppose une nouvelle conception, une nouvelle posture donc de nouvelles compétences à acquérir ». C’est ainsi qu’elles ont identifié les compétences telles que « savoir écouter et rencontrer l’altérité », « savoir lâcher prise » dans la phase des questions factuelles, « savoir associer et produire de nouvelles compréhensions », « prendre de la distance vers de nouveaux déplacements », « parler de soi et penser en groupe », « penser en groupe et développer sa fonction contenante » (Clerc & Agogué, 2014).

Nous faisons le choix ici de retenir trois compétences qui semblent, de notre point de vue, favoriser l’émergence de l’émotion en nous fondant sur le contexte « éprouvé » dont nous venons de faire le récit.

2.1. Garantie du cadre, facilitation du lien et mise en confiance

Si le regard et la gestuelle sont apparus comme facteurs d’apaisement pour l’exposante, nous pourrions les entrevoir également comme vecteurs de lien. Nous faisons l’hypothèse, et cela en nous fondant sur l’évolution des relations dans le groupe au cours des deux années de formation universitaire, que la question du lien semble constituer une question primordiale pour l’exposante, mais aussi pour l’animatrice et pour chacun des membres du groupe. En effet, dans le cadre de notre formation et de nos pratiques professionnelles, nos expériences d’accompagnement ont souvent fait émerger un certain désir ou une certaine volonté de se positionner dans l’espace du lien et de prendre en compte les singularités tout en facilitant l’émergence de projets communs.

Si nous reprenons les propos de Clerc (2014, p15), dans l’espace d’ARPP « l’objet commun » constitué, depuis deux ans, par la mise au travail du processus d’accompagnement procéderait « de la construction d’un vécu commun qui fait lien ».

Dans un dispositif collectif de type ARPP, au regard du nombre de singularités qui s’y expriment, il existe avant tout un cadre à énoncer et à expliciter. La finalité, outre le fait que la libération des émotions ne soit pas empêchée mais tout au contraire soit facilitée, est à notre sens celle d’unir dans un même espace de pensée les participants. Il s’agit, selon nous, de plonger le groupe dans un cadre de sensibilité clinique. Les participants doivent être informés, d’une certaine manière, des orientations théoriques du cadre et de l’espace dans lesquels ils vont entrer.

Depuis le cadre de référence de la psychosociologie d’orientation clinique, l’animateur est invité à accompagner le passage de l’analyse d’une situation professionnelle vécue à celle de l’analyse d’une pratique impliquant le sujet professionnel. A l’instar des propos de Clerc et Agogué (2014, p. 9 & 10), « nous considérons la situation rapportée comme étant le premier objet commun de travail. Puis, lors de l’avancement dans le dispositif, la relation singulière qu’entretient le sujet professionnel à sa situation exposée prend forme et devient au fur et à mesure, pour le groupe, le nouvel objet commun ». Au fur et à mesure de notre expérience, notamment dans nos espaces professionnels d’origine[5], nous nous sommes aperçues que ce cadre théorique est loin d’être inscrit dans les représentations des usagers. Pour autant, en prenant soin d’en expliciter la démarche, il nous semble que cette conception du professionnel en tant que sujet singulier est à présent acceptée. Cependant, cette démarche d’explicitation du cadre est un long processus subtil et délicat où vont s’identifier et se déconstruire des approches de type explicative pour que se reconstruisent de nouvelles attitudes de compréhension vers de nouveaux sens. Pour y contribuer, le formateur s’attache à transmettre des attitudes et des postures en les vivant lui-même et en exposant ses gestes professionnels à l’observation du groupe. « C’est parce que l’attitude de l’animateur est en congruence (Rogers, 1968/1998) avec les règles qu’il énonce au groupe qu’il crédite sa place d’une force symbolique et facilite ainsi la transmission de la qualité de l’attitude réflexive qu’il vise. Blanchard-Laville, (2006), nomme « transmission subjective du geste partagé » le fait que chaque participant, en regardant agir l’animateur, accèdera, par exemple, à l’écoute active, au respect de la parole ou au lâcher prise » (Clerc et Agogué, 2014, p. 11).

Mais comme nous l’avons écrit en amont, la mise au travail de ce cadre est un processus au long cours et suppose que s’élabore un espace de confiance assez contenant pour recevoir les doutes, les hésitations et émotions de chacun.  En effet, « le groupe peut être ressenti comme avide, vorace, voire menaçant par l’exposant. Par ailleurs, on peut penser que la prise de parole face au groupe est vécue par certains comme un risque ; dans ce cas une posture défensive est tout à fait naturelle et les émotions semblent « ne pas pouvoir sortir ». Le groupe ressent alors, animateur compris, un inconfort. Entre culpabilité et désir voyeuriste, les émotions obligent l’animateur à être rigoureux et présent dans le cadre dont il est le garant » (Drutel, Cieutat, 2016). Dans la situation analysée ici, nous pourrions faire l’hypothèse que le groupe pourrait également constituer un risque pour l’animatrice. Les propos relatés en amont et relatifs à ses propres inquiétudes notamment quant à sa capacité à contenir les émotions, pourraient inconsciemment avoir orienté l’installation du cadre. Ainsi le formateur serait-il le seul à pouvoir garantir le cadre et à faciliter le lien et la confiance ? Dans cette perspective, il serait envisageable que le formateur ait autant besoin du groupe que l’exposant lui-même. L’accompagnement du groupe pourrait s’entendre comme élément de développement des propres compétences du formateur notamment sur celle de la facilitation du lien et de l’espace de confiance. Nous pourrions imaginer le jeu de reflets incessants entre le formateur et le groupe qui en se renvoyant leur image contribuerait à ajuster continuellement ces postures pour installer ou ré-installer cet espace nécessaire à tous.

Pour revenir à la séance qui nous occupe, l’exposante supposait, également, compter sur « l’appareil psychique groupal » constitué de « l’espace du groupe », de « l’espace du lien intersubjectif » et de « l’espace du sujet singulier » (Kaës, 2010) pour avancer dans son questionnement propre. S’inspirant des travaux de Kaës, elle prendrait appui sur « l’appareil psychique groupal » pour créer des espaces de sécurité contrant l’angoisse latente. Il semblerait que ce soit un climat de confiance installé depuis deux ans de formation universitaire, maintes fois testé et éprouvé qui a permis cette transition pour l’exposante. Nous pouvons prolonger l’hypothèse à l’endroit des autres exposants des deux dernières séances d’ARPP où une forte émotion s’est aussi exprimée.

Nous faisons l’hypothèse que les émotions de notre groupe d’étudiants ont été libérées, en crescendo au fur et à mesure de la co-construction de notre imaginaire collectif. De mémoire, au fil des séances, les émotions ont été visiblement plus importantes mais avant de pouvoir s’autoriser à les libérer, il nous semble que certaines compétences et capacités doivent être conscientisées, développées et renforcées.

Il semblerait qu’au moment où le cadre a été intégré par notre groupe, où nos compétences ont monté en degré d’acquisition, alors l’espace de confiance a été tel qu’il a pu se donner en réceptacle des évènements vécus collectivement et des émotions partagées.

2.2. La fonction contenante et ses effets de facilitation

S’agissant de cette compétence, Mellier (2005, p. 427), définit la fonction contenante ou fonction à contenir « comme la position psychique à adopter et à mettre en œuvre sur le terrain, dans l’intersubjectivité, pour recevoir et transformer des souffrances très primitives ».

D’une autre manière, Calin (2005, p. 1) évoque la fonction d’apaisement. L’auteur la définit comme étant « la capacité de certaines personnes, face à d’autres personnes ou groupes de personnes, dans certaines situations, à réduire les angoisses, les tensions, les excitations et plus généralement l’ensemble des mouvements émotionnels et pulsionnels de ces personnes ou groupes de personnes ». Il ajoute que « cette fonction d’apaisement tient essentiellement à la capacité de la personne apaisante à « accueillir » et « absorber » les affects de l’autre ou des autres, sans envoyer en retour à cet autre ou ces autres ses propres affects. Cela suppose chez cette personne une capacité à maintenir en interne un bas niveau d’excitation émotionnelle et pulsionnelle, dans la situation où elle est apaisante, et face aux personnes qu’elle est susceptible d’apaiser ».

La fonction contenante a été également décrite par Ciccone (2001, p. 82). Cet auteur affirme que « ce qui soigne n’est pas tant de décharger par la parole, ni de voir les fantasmes dévoilés et rendus conscients, ce qui soigne est l’expérience selon laquelle la vie émotionnelle troublée, perturbée, douloureuse, trouve un espace dans lequel elle puisse être reçue et contenue » (p.82). C’est aussi la fonction décrite par Lepage (2014, p. 32) : « Faciliter, quand elles surviennent, l’expression des émotions contribue à un codage émotionnel positif de l’analyse construite » (p.32).

Ainsi au cours de cette formation de master et en particulier grâce au dispositif d’analyse réflexive des pratiques professionnelles, il nous semble que nous avons pu développer les trois compétences, que nous avons évoquées à savoir : se porter garant du cadre et faciliter les liens, établir une relation de confiance et soutenir la fonction contenante. Mais avant de pouvoir expliciter et comprendre ce que ces compétences représentaient, il nous a fallu les éprouver. En d’autres termes, c’est parce que nous avons pu vivre et partager l’importance du cadre et du lien, la relation de confiance et les effets de la fonction contenante, que nous pouvons désormais les définir et prendre conscience de leur acquisition. Mais cette prise de conscience ne se réalise pas sans action de la part des membres du groupe. En effet, il s’est agi de transformer notre vécu, le mettre à distance pour lui donner de nouveaux sens, débusquer les hypothèses cliniques qui feront avancer le sujet professionnel dans ses pratiques.

3. Du contexte éprouvé au concept théorique : processus et « reprise transformatrice »

Nous proposons, dans cette dernière partie, de présenter trois outils que nous considérons comme facilitateurs de « reprise transformatrice ». Autrement dit, nous faisons l’hypothèse qu’ils nous ont et nous permettent encore d’opérer le passage entre le « concept éprouvé » et le concept théorique. Outre la méta-analyse que nous définissons comme espace de levier principal de la possible transformation, nous souhaitons y ajouter le processus d’écriture et la co-pensée qui nous semblent avoir été également essentiels dans notre parcours de master mais également, ici et maintenant, au moment où nous écrivons ces lignes.

3.1. La méta-analyse comme espace de trans-formation

Les auteures Clerc et Agogué (2015, p. 5) définissent la méta-analyse comme « un espace transitionnel de trans-formation ».  Selon ce point de vue, « tout temps succédant à un temps dit de formation est un temps opportun de transmission pour accompagner le changement. En effet, si nous convenons que tout temps de formation « produit » des « faits de la séance » non élaborés qui sont en quête de « penseur » (Néri, 2005), nous pouvons faire l’hypothèse que le temps de méta-analyse facilitera la « co-pensée » (Delattre & Widlöcher, 2003). Ce « passage » vers de nouvelles significations sera élaboré en développant notre capacité créative, source de nouveaux liens, de nouveaux points de vue originaux, dépassant les ressources connues ». Concernant l’analyse de la séance constituant notre support de pensée, l’étape de méta-analyse n’a pas pu, faute de temps s’effectuer le jour même. Pour autant, même si cette phase ne s’est pas déroulée in situ selon le protocole établi en ARPP, nous pensons que l’analyse et la prise de distance dans un temps d’après-coup plus lointain, ont néanmoins eu lieu. Ainsi, quel que soit le moment, à la fin d’une séance ou bien plus tard, notre aptitude grandissante à l’analyse des processus, a pu permettre de transformer les sentiments ressentis en nouvelles interprétations, mettre des mots sur ce que nous avions vécu ensemble et saisir en les identifiant les concepts cliniques ainsi éprouvés.

Quoiqu’il en soit, ce que nous avons alors appris, c’est que la mise au travail psychique se fait de façon parfois inattendue. Dans l’après-coup, le travail d’élaboration et de transformation des représentations est, nous semble-t-il, très important. La séance en elle-même sert alors de mise en route pour ces déplacements futurs. Il nous semble qu’il faut faire confiance au sujet exposant. Tout ne se joue pas ici et maintenant et une partie des élaborations nous échappe.  Il y aurait ainsi, en fonction des besoins du sujet, d’autres espaces personnels ou professionnels à trouver pour continuer à l’élaborer. Bien sûr, la phase de méta-analyse reste essentielle dans le protocole car « Contrairement aux conseils donnés qui arrêtent la pensée, la dynamique de la méta-analyse, remobilise et reconsidère ce qui s’est passé dans le temps et dans le processus du groupe en analyse : les précautions oratoires, les découvertes d’idées fortes qui apparaissent, les errances, les moments flous où l’on ne sait plus bien où l’on est, les accélérations de la pensée » (Clerc et Agogué, 2014). Simplement, nous sommes désormais fortement initiées à cet exercice et le fait de l’avoir éprouvé, non seulement dans nos séances d’ARPP mais aussi dans la plupart de nos temps de formation, nous a permis de l’intérioriser et de le réinvestir sous d’autres formes et de manière différée.

Comme nous l’avions évoqué, la séance, que nous analysons dans ce texte, s’est déroulée dans les derniers temps de notre cursus de formation. L’exposante aurait pu avoir l’impression de ne pas avoir été accompagnée jusqu’au bout si le groupe et l’animatrice avaient été novices. Or, ce ne fut pas le cas. Bien sûr, l’exposante a pu affirmer qu’elle avait été très ébranlée par le souvenir et les prises de conscience qui avaient émergées à la suite de cette séance. Mais nous faisons l’hypothèse aujourd’hui, qu’elle « savait » qu’elle pourrait utiliser la méta-analyse, au moment où elle le souhaiterait et dans les espaces qu’elle choisirait, afin de se dégager de ce qui lui poserait question ensuite. Mais pour se faire, nous pensons que ce type d’analyse, nécessite un certain entraînement et le développement de compétences associées telle que le lâcher-prise sur l’objet ou l’analyse de son contre-transfert. Autant de concepts qui paraissent flous et incompréhensibles au novice tout comme nous l’avons été nous-mêmes. La méta-analyse et les concepts nécessaires pour la comprendre, la définir et lui donner un sens, ne semblent pouvoir s’appréhender qu’en observant les effets des déplacements et des dynamiques de créativité vers de nouvelles compréhensions qu’elle produit. Ce que nous disons c’est que pour comprendre et définir le concept de méta-analyse, l’éprouver et le vivre paraît être le meilleur moyen pour prendre conscience de ce qu’il permet de comprendre, tel un cercle vertueux vers le passage du « concept éprouvé » au concept théorique. Désormais, nous portons à notre conscience que la méta-analyse constitue un outil puissant pour transformer nos ressentis et nos émotions et que de cette manière, nous pouvons en définir le concept grâce au vécu que nous en avons. Mais à présent, il nous apparaît que cet outil d’élaboration peut être associé à d’autres processus amorçant la distanciation des vécus, des émotions et des représentations.

3.2. Le processus d’écriture vers de nouvelles compréhensions

Nous proposons de compléter notre réflexion, en combinant la méta-analyse au processus d’écriture. L’analyse de la séance selon trois vécus subjectifs durant l’écriture s’est réalisée en amont de ce travail qui nous occupe, en co-élaboration dans la mesure où l’exposante a partagé des échanges soutenus avec l’animatrice ou la participante. La prise en compte de nos différents points de vue, les points communs et les échos perçus nous ont conduites à mettre à l’épreuve les différentes compétences énoncées plus en amont dans cet écrit d’après les travaux de Agogué et Clerc (2019, page 8). Le travail d’analyse réflexive mis en place au cours de la séance s’est poursuivi vers de nouvelles compréhensions s’apparentant à des prises de conscience sans cesse remaniées. En complémentarité, le travail d’écriture a permis en outre d’exprimer les émotions respectives de chacune des protagonistes dans l’après-coup afin de les mettre au travail et de dégager de nouvelles perspectives, aboutissement d’une co-élaboration à différents degrés.

En d’autres termes, notre nouvelle écriture à trois semble avoir autorisé une prise de distance notamment par rapport aux émotions qui nous enfermaient dans un ressenti. Le processus engagé a permis de libérer des sentiments et d’aborder cette séance d’un autre point de vue en intégrant la nouvelle question de recherche référée au cadre théorique de la psychosociologie d’orientation clinique et au concept de « reprise transformatrice ». Selon Giuffrida (2002) cité par Murani (2004, p. 1778), « il s’agit, notamment dans l’écriture clinique, d’accepter la perte de la complexité affective de l’expérience telle qu’elle a été, d’accepter d’assujettir la vérité à l’objectif du texte, d’opérer des choix de toute façon réducteurs en abandonnant au cours du récit, en raison de l’économie tyrannique de ce dernier, des résidus que jamais nous ne pourrons récupérer, de contraindre l’atemporalité de l’inconscient à une séquence linéaire ; mais il s’agit aussi de reparcourir, de réactualiser la turbulence pulsionnelle de la rencontre avec l’autre, de la nouvelle rencontre avec notre extranéité en présence de l’autre » . Ainsi il nous faut accepter l’incomplétude, rendre le sentiment du non-fini légitime, comme s’il reste et restera encore et toujours quelque chose en latence et qui fera énigme. Nous proposons l’hypothèse selon laquelle la co-écriture de sensibilité clinique, accroît et fait monter en puissance le déroulement de la pensée, nous projetant dans des espaces que nous n’aurions pas soupçonnés pouvoir visiter.

3.3. La co-élaboration et la co-pensée

En effet, l’écriture de cet article en co-élaboration a connu des doutes, des lâcher-prises, des abandons et des résistances. Cependant l’expérience que nous en avons, ici et maintenant, définit tout à fait, ce sentiment d’incomplétude se manifestant par une continuité de remaniement et de transformation. Il nous semble que la co-pensée accélère la transformation des concepts vécus grâce notamment à la profusion des interprétations singulières de chacune. D’ailleurs, la séance qui nous occupe, a pu faire prendre conscience de l’impérieuse nécessité de l’engagement dans les hypothèses interprétatives. Il est en effet, là encore, une ligne de crête qui permet la bascule vers la nécessité de la co-pensée.

La particularité de ce dispositif d’ARPP est qu’il s’agit, autant pour l’exposant, l’animateur et le groupe, d’ouvrir avec les ressources du groupe, la réflexion vers de nouvelles compréhensions. C’est notamment l’espace de co-élaboration et de co-pensée qu’offre ce dispositif, qui permet d’élaborer de nouveaux angles de vue. Prenant appui sur les propos de Ciccone (2001, p. 82), nous avançons l’idée que c’est la « fonction-enveloppe » qui aurait permis de tendre vers un espace de co-élaboration. Celle-ci « est une fonction de contenance, qui consiste à contenir et à transformer. La contenance est déjà une transformation, ou a un effet de transformation » (p. 82). Si l’exposante a eu le sentiment d’avancer dans son questionnement, il semblerait que des hypothèses interprétatives ont suscité une élaboration effectuée in situ permettant de nouvelles compréhensions pour elle et l’ensemble des membres du groupe. En effet, la question de l’accueil des émotions s’étant invitée, nous formulons l’hypothèse qu’un certain nombre de compétences mises en œuvre ont pu être transmises depuis l’expérience et la théorisation du « concept éprouvé » menées par Agogué et Clerc (2014).

Chaque participant, en éprouvant les concepts formulés et pensés lors de la méta-analyse, accèdera selon sa temporalité singulière à l’écoute active, au respect de la parole comme des silences, à la prise en compte et à une attention particulière à l’état émotionnel de l’exposant… C’est à dire l’ensemble des compétences en jeu lors de l’analyse réflexive des pratiques professionnelles. Nous faisons également l’hypothèse que la co-élaboration à partir d’un objet devenu commun a servi de tremplin pour l’élaboration individuelle ouvrant de nouvelles pistes aux questions que chaque membre du groupe se pose. Les occasions sont nombreuses pour consolider les espaces de co-élaboration et les préserver. La contribution présente en avance l’idée. En effet, nul n’aurait pu croire que se révélerait dans un après-coup plus lointain de nouvelles compréhensions issues ici de notre nouvel espace de co-pensée commun.

4. Conclusion provisoire

C’est toute l’essence de ce dispositif d’analyse réflexive des pratiques professionnelles, de surcroît intégré à un parcours de master de deux années, qui s’est dévoilée dans notre nouvel espace de pensée à trois. Nous avançons l’idée que la « reprise transformatrice » de ce qui est éprouvé en séance, se prolonge dans un foisonnement d’après-coup qui s’enrichit au fur et à mesure au rythme des rencontres et de la construction de nouveaux espaces de co-élaboration.

Comment comprendre nos trois angles de vue différents d’un même moment partagé, autrement qu’en exerçant nos postures de non-jugement, d’empathie et d’accueil inconditionnel (Rogers, 1968).  C’est en ce sens, que nous parlons de contexte « éprouvé ».  Autrement dit, nous avons vécu le contexte, l’avons analysé du point de vue du processus pour finir par le transformer en l’expression nodale du cadre théorique qui nous occupe, à savoir celui de la psychosociologie de sensibilité clinique. En soi, le dispositif d’analyse réflexive des pratiques professionnelles, grâce à la forme du protocole proposé, constitue un terrain de transformation et d’objectivation. Mais nous insistons sur le fait que le processus d’appropriation est un processus au long cours. Force est de constater, que les compétences mises en œuvre et les outils de « reprise transformatrice » doivent être vécus et expérimentés de manière régulière et dans le temps. Il nous semble que la méta-analyse, l’écriture et la pensée groupale, avant de nous permettre d’en comprendre les effets, doivent pouvoir s’expérimenter et se vivre dans un cadre donné. Le dispositif, dont il est question en ces lignes, paraît constituer un terrain favorable à la compréhension de ces outils comme facilitateurs de « reprise transformatrice ». Mais, la mise au travail est progressive. Avant d’être en capacité de comprendre que, ce qui est éprouvé, peut être traduit en concept théorique, il s’agit de s’exercer à la patience, au « lâcher-prise » et d’accepter que « la reprise transformatrice » se fera dans un processus de changement inscrit dans une temporalité propre à chacun·e.

Il nous semble, et le fait est, qu’ici et maintenant nous continuons encore à transformer notre vécu, que ce dispositif permet aussi le réinvestissement de ces outils de transformation au-delà de lui-même. Cette séance est devenue prétexte à la continuité de la pensée sans cesse renouvelée, remaniée et transformée. Un point de départ, une amorce à l’objectivation de notre vécu en vue de passer le seuil de nouveaux espaces de compréhension et d’élaboration de concepts émergeants au fil du temps.

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Notes

 

[1] Blanchard-Laville (2013) définit la capacité négative comme une « modalité d’être dans l’animation, du côté de la disponibilité et de l’ouverture, me permet de me tenir au diapason du champ émotionnel intersubjectif de la séance et de me laisser traverser par des émotions qui ne m’appartiennent pas, mais dont j’estime qu’il me revient de les accueillir, contenir, métaboliser, éventuellement nommer, et restituer à doses homéopathiques aux participants auxquels elles appartiennent, qui, peut-être, s’en empareront et accepteront les évolutions que cela risque d’entraîner pour eux ainsi que les transformations qui pourront s’ensuivre ».

[2] Séance située en fin de cursus universitaire, en fin du module de formation en ARPP, après une douzaine de séances menées par les étudiants.

[3] Sur mon carnet de bord, outil personnel qui pouvait alimenter des écrits institutionnels demandés pour le master.

[4] L’animatrice est face au groupe disposé en trois rangées formant un « U », l’exposante se trouve dans la rangée face à l’animatrice.

[5] L’exposante est enseignante spécialisée, l’animatrice psychomotricienne et la participante est Conseillère Principale d’Education.